Une étude de l’INRS considère «trop risqué» le projet de PPP de l’Hôtel-Dieu de Québec
3 mars 2010
Une étude du professeur-chercheur Pierre J.
Hamel remet en cause le choix du gouvernement libéral de recourir à
un partenariat public-privé (PPP) pour le projet de rénovation et
dagrandissement de lHôtel-Dieu de Québec. Parmi les nombreux
problèmes que soulève luniversitaire de lInstitut national de la
recherche scientifique (INRS), on note que la formule PPP nest pas
adaptée à la nature même dun hôpital universitaire qui se doit
dêtre à la fine pointe des technologies.
Dans son
étude de quelque 300 pages, le chercheur conclut
que «les PPP [
] présentent
plusieurs problèmes structurels graves»:
1. «surtout dans le cas de gros
contrats, les PPP limitent la concurrence et font la part belle aux
plus grandes entreprises de la planète;»
2. «ils sont tout sauf
transparents;»
3. «ils induisent un maximum de
rigidité sur une très longue période dans des services qui pourront
difficilement sadapter alors quils sont susceptibles de connaître
des évolutions aussi rapides que littéralement
imprévisibles;»
4. «ils sont presque
systématiquement plus coûteux;»
5. «personne ne peut affirmer
quils sont plus avantageux du point de vue de lintérêt
public.»
(Pierre J. Hamel, Un
hôpital en partenariat public-privé (PPP): un pari trop
risqué, Institut national de la recherche scientifique
Urbanisation, Culture et Société, 2010, p.257)
Pour en arriver à de telles conclusions, le professeur Hamel a mené
une vaste recherche sur les hôpitaux PPP au Royaume-Uni, en France
et au Canada anglais entre autres.
Dans son étude, il précise que les règles de décision pour choisir
le mode de réalisation des projets de Centre hospitaliers
universitaires (CHU) nétaient pas adéquates. Le rapport du
Vérificateur général du Québec relevait dailleurs que les analyses
de valeur ajoutée de lAgence des PPP étaient biaisées, ses taux
dactualisation étant trop élevés, ce qui favorisait
systématiquement les PPP, au détriment de lapproche
conventionnelle. De plus, les comparateurs publics utilisés, basés
sur des hypothèses irréalistes, favorisaient également les projets
en PPP. Le chercheur a noté que ces pratiques visant à avantager
les PPP avaient aussi été pratiquées au Royaume-Uni.
Outre ces manipulations peu rigoureuses, le chercheur note que les
PPP limitent la concurrence et que les gains en efficacité ne sont
pas au rendez-vous. De plus, les contrats sont opaques et rarement
complets, ce qui nest pas adapté pour un CHU. Dailleurs, Deloitte
et Touche UK le mentionnait dans un rapport sur les PFI au
Royaume-Uni et déconseillait lapproche PPP pour les projets
complexes. Daprès le chercheur, rénover lHôtel-Dieu de Québec
serait un pari trop risqué et lintérêt public ne sen trouverait
certainement pas optimisé.
Du côté des employés
La présidente du syndicat des employés du CHUQ (SCFP 1108), Katty
Paradis a pris bonne note des conclusions de létude du professeur
Hamel. Mais elle explique que les employés trouvent que le projet a
suffisamment été retardé et que le gouvernement tergiverse encore.
«On doit arrêter de jouer au
yo-yo. Les gens ont hâte que ça se fasse et, surtout, d’entendre
que ce sera en mode conventionnel.»
En juin 2009, le syndicat des employés du CHUQ estimait que le coût
du projet allait atteindre le milliard de dollars, en raison
notamment des délais que lexamen de la formule des PPP
entraînaient. Ces chiffres nont jamais été contestés. En janvier,
la première phase du projet de rénovation et dagrandissement de
lHôtel-Dieu a été annoncée en grande pompe par le ministre d la
Santé. Cette première phase sera réalisée en mode conventionnel. Le
ministre est toutefois resté vague sur le mode de réalisation des
deux autres phases.