Un maire qualifie la sous-traitance de « paresse administrative »
21 mai 2009
Le village de La Minerve compte 1300 habitants
et fait partie de la Municipalité régionale de comté Des
Laurentides. La Minerve vit essentiellement du tourisme et de la
villégiature. Sa population quintuple durant les mois dété. Son
territoire est immense, 308 kilomètres carrés, et son réseau
routier est à lavenant : 160 kilomètres. Le budget annuel de La
Minerve sélève à 3 millions de dollars. Le maire du village, Serge
Jetté, est en poste depuis quatre ans. Et lhomme sait calculer.
Jusquen 2006, le village comptait sur les
services dun sous-traitant pour le ramassage des ordures et des
matières recyclables. Cest la MRC qui se charge de négocier ce
contrat au bénéfice de ses membres. La Minerve sest retirée de
lentente à son échéance en mai 2006. La raison : un service
déficient, voire négligent, et un coût prohibitif. Les citoyens se
plaignaient de bacs littéralement balancés sur leurs terrains, de
secteur entiers oubliés ou de grosses pièces laissés pendant des
semaines au bord des chemins.
Serge Jetté souligne quil est difficile de faire autrement lorsque
la concurrence nexiste pas, que les municipalités sont à la merci
dun seul soumissionaire et quelles ne possèdent pas déquipement.
Cest le cas de la grande majorité des municipalités du Québec.En
2005-2006, La Minerve a déboursé 250,358$ pour le ramassage des
ordures et des matières recyclables.
Avant de choisir dacheter un camion et dembaucher le personnel
nécessaire, le maire Jetté avait anticipé des économies de 50,000$
dollars par année. Il en a réalisé le double. En 2007-2008, la
facture sélevait à 168,272$, ce qui inclut une réserve
exceptionnelle afin de payer le véhicule en cinq ans plutôt que 10!
Comme le sous-traitant a imposé dimportantes augmentations de
tarifs aux autres municipalités en 2006 et 2007 en raison du coût
du carburant, les économies totales sélèvent effectivement à près
de 100 000 dollars par année. À titre de comparaison, La Minerve
dépense désormais sur une base annuelle 107 dollars par porte,
contre 170$ pour Tremblant et 160$ pour Labelle!
Les calculs de Serge Jetté sont simples et justes : si vous avez du
travail pour utiliser un véhicule à 80% de sa capacité, vous navez
absolument aucun intérêt à recourir à un sous-traitant. Ce dernier,
en plus de réaliser un profit normal, cherchera à limiter ses
risques au minimum en prévoyant aussi le coût de lentretien
éventuel, même lorsque ses camions sont neufs. M. Jetté soutient
que le calcul est si simple et le résultat si évident quil faut
faire preuve dune grande paresse administrative pour ne pas sy
attabler. La sous-traitance constitue pour lui une solution facile
et coûteuse pour les citoyens. Il ajoute que linnovation en 2009
nest plus du coté de limpartition mais plutôt dans la
consolidation des services municipaux de manière rationnelle.
La rigidité des horaires des sous-traitants constitue une source
importante dirritants. Prenons pour exemple les citoyens vivant
près des lacs dans des secteurs boisés. Les ours sy promènent
régulièrement et saccagent les bacs à ordures et à matières
recyclables. Il faut donc limiter le temps entre le dépôt des bacs
et le ramassage. Comme il sagit souvent de résidents de fins de
semaine, le ramassage devrait se faire le lundi, après dépôt des
bacs le dimanche en soirée. Il est à peu près impossible de
conclure une entente en ce sens avec un sous-traitant qui soccupe
dune dizaine de municipalités en alternance. Les conséquences sont
prévisibles.
Serge Jetté voit un autre avantage pour son village à effectuer
lui-même le travail : des emplois sont créés localement et les
travailleurs concernés sont des voisins de leurs clients. Les
employés du sous-traitant nont quant à eux aucun lien avec la
municipalité et ne se préoccupent pas du regard de leurs
concitoyens. Ils effectuent leur travail dans lindifférence.
Le succès de La Minerve est inspirant. La MRC des Laurentides a
demandé cette année à tous ses membres qui souhaitent se retirer du
contrat de sous-traitance globale de faire connaître leurs
intentions rapidement. Nominingue, une municipalité voisine, songe
à conclure une entente dentraide avec La Minerve. Il nest pas
impossible que dautres municipalités se joignent à cette
entente.