Se réapproprier le sens du féminisme
16 août 2013
Le 16 août,
Lucie Levasseur, présidente du SCFP-Québec, a prononcé une
allocution dans le cadre de la 10e édition de lÉcole dété de
lInstitut du nouveau monde. Son discours a servi dintroduction à
la conférence de Julie Miville-Dechêne, présidente du Conseil du
statut de la femme du Québec, au sujet de la pertinence dune
vision féministe en 2013.
Voici des extraits de ce que Lucie Levasseur avait à dire.
La cause des femmes a connu des
progrès immenses depuis environ une centaine dannées, mais nous ne
sommes pas encore arrivées à destination. Et là, en 2013, au lieu
de se concentrer sur les prochaines étapes, on est obligées de se
préoccuper du rétroviseur: on y voit des rétrogrades, des
réactionnaires… des conservateurs, finalement.
Le mouvement conservateur
nord-américain sérige encore et toujours en ennemi de légalité
des femmes. Là, on a Stephen Harper qui abuse allègrement de son
statut de premier ministre. Harper na pas reçu de mandat pour tout
démolir!
Ses députés multiplient les projets de loi dinitiative privée pour
restreindre le droit à lavortement. Harper a effectué des
compressions radicales dans les activités de défense des droits des
femmes. Là où il est le plus sournois, cest quand il sattaque au
filet de sécurité sociale du Canada. Il coupe dans
lassurance-emploi, il fragilise le système de santé public et ce
sont les femmes qui écopent le plus.
Pour obtenir
la pleine égalité hommes-femmes, il faut que la société prenne en
charge des tâches qui étaient traditionnellement imposées aux
femmes. Les sociétés les plus égalitaires du monde sont celles qui,
comme le Québec, ont fait des efforts importants en termes de
services de garde publics, de congés parentaux, déquité salariale.
Pour changer la donne, il a fallu déranger les hommes de pouvoir et
les Stephen Harper de ce monde. Il a fallu quon force la création
des services publics et des mesures sociales.
Dailleurs, permettez-moi de souligner la très grande proximité,
les très grandes affinités entre le mouvement féministe et le
mouvement syndical. Ce sont deux mouvements indissociables: quand
lun enregistre des victoires, lautre est tiré vers le haut.
[…]
Même en 2013, contre toute attente, le féminisme, ça ne va pas de
soi. Cest un mot qui fait peur. Malheureusement, beaucoup de
femmes et dhommes sen méfient. Pourtant, ça na rien
dépouvantable! Le féminisme, il faut rappeler ce que ça veut dire:
cest la promotion des droits des femmes pour quelles puissent
obtenir la pleine égalité avec les hommes dans les sphères publique
et privée. Je ne pense pas quil y ait une seule personne dans la
salle qui soit contre ça!
Le mot a été beaucoup galvaudé, déformé, sali. Mais il faut se
réapproprier son sens et faire le lien avec la condition des femmes
aujourdhui.
Pour ceux qui doutent de la pertinence du féminisme, voici quelques
données très révélatrices.
En 2008 au Québec, le revenu moyen des femmes était de 28,900$;
celui des hommes, de 43,530$.
En 2009, toujours au Québec, les femmes comptaient pour 63% des
personnes touchant le salaire minimum, et les hommes, 37%. Il faut
savoir que le salaire minimum na pas suivi le rythme de
linflation depuis une trentaine dannées.
Maintenant, regardons du côté des lieux de pouvoir.
À lAssemblée nationale, on retrouve 33% de femmes et 66% dhommes.
Dans les conseils dadministration du Québec, cest de lordre de
16% de femmes et 84% dhommes.
Parmi les cadres de la fonction publique: 40% de femmes, 60%
dhommes.
Parmi les maires des municipalités du Québec: 16% de femmes, 84%
dhommes.
Vous le voyez: dans la sphère économique, dans la sphère politique,
dans la sphère privée, la pleine égalité nest pas atteinte. Si on
aspire à cette pleine égalité, alors il faut recourir à un mot, que
beaucoup dAméricaines appellent le «F word»: le… féminisme!