Réplique de la FTQ à Alain Dubuc
9 octobre 2007
Alain Dubuc, dans La Presse du 28 septembre,
salue le courage du gouvernement dans le dossier de la rémunération
des médecins spécialistes.
Nous navons pas lintention de discuter ici de cette entente, bien
que nous comprenons quelle ait suscité avec raison une certaine
surprise parmi nos membres, qui ont dû essuyer un décret imposant
un gel de leurs salaires en 2004 et 2005, suivi dun 2 %
annuellement par la suite, jusquen 2009.
Ce que nous aimerions relever, cependant, ce sont les inexactitudes
quallègue Alain Dubuc sur « la philosophie de rémunération du
secteur public ».
Tout dabord, il écrit que lentente des médecins spécialistes
rompt avec le fait que depuis des décennies, lÉtat impose un cadre
similaire à lensemble de ses salariés. La réalité est fort
différente, comme le démontrent les résultats des négociations pour
les salariés syndiqués depuis 1971 : formules variées selon le
niveau des salaires, pourcentages variables, montants forfaitaires
différenciés, etc.
Monsieur Dubuc dit ensuite que parce quil y a
pénurie, il faut payer davantage certaines catégories demploi, et
que « ce principe devra, tôt ou tard, sappliquer à dautres
professions ». Nous sommes davis que le gouvernement devra, plutôt
tôt que tard dailleurs, offrir de meilleures conditions de travail
à lensemble de ses salariés parce quil sexpose à une saignée
massive de son personnel dont les salaires, en moyenne, accusent un
retard de 15,7 % avec le secteur privé.
Il ajoute une autre notion, celle du talent. «Certaines personnes,
écrit-il, offrent quelque chose dunique, en raison de leurs
études, de leurs aptitudes particulières, de leurs compétences.
Comme certains sportifs, artistes, cadres de haut niveau et
spécialistes. Ceux-ci seront donc traités différemment des
travailleurs interchangeables ou remplaçables, lesquels nauront
pas droit au même traitement de faveur». Nous avons ici une version
bien résumée de la théorie des winners et des losers développée aux États-Unis dans
les années 1980.
À la FTQ, nous sommes partisans dun traitement équitable pour
tous, en tenant compte de leurs compétences et de leur expérience.
Mais loin de nous davoir une attitude méprisante envers tout ce
qui nest pas sportifs, artistes, cadres de haut niveau et
spécialistes. Nous souhaitons, Monsieur Dubuc, que vous ou lun de
vos proches fassiez une petite visite dans notre milieu
hospitalier. Allez-y et regardez qui passe le plus de temps à
prendre soin de nos parents et grands-parents, des personnes en
perte dautonomie, des jeunes en difficulté, de malades à larticle
de la mort : ce sont les préposés-es aux bénéficiaires, les
infirmières auxiliaires et même le personnel dentretien et de
service qui ne manque pas de piquer une petite jasette à
loccasion, lorsque le temps le leur permet, et de soutenir le
moral des bénéficiaires, sans compter, bien sûr, sur lapport
essentiel des professionnels de la santé !
Il faut dailleurs souligner, à ce chapitre, les coupes
draconiennes qui ont été opérées dans le personnel dentretien ces
dernières années et qui ont sans aucun doute quelque chose à voir
avec lirruption des infections bactériennes de toute sorte
(C-difficile, staphylocoque aureus, etc.), comme le confirme la
coroner dans le dossier de lHôpital Honoré-Mercier de
St-Hyacinthe. Au XVIIIe siècle, les Soeurs grises avaient compris
que la propreté était primordiale pour la santé et la prévention
des maladies. Les préposés-es à lentretien ménager ne sont
peut-être pas des vedettes, mais ils constituent un maillon
essentiel du système de santé.
Vous soulignez ensuite quavec son entente avec les spécialistes,
lÉtat introduit la notion de productivité, « un concept totalement
absent dans les négociations du secteur public ». Permettez-nous
seulement de vous rappeler que la ronde des négociations de 1993 a
longuement porté sur la productivité, le gouvernement exigeant à ce
titre des économies de 1 %.
Bien quelles aient été pour la plupart refusées, les syndicats ont
effectivement réussi à dégager et proposer une série de mesures
déconomie à travers une meilleure organisation du travail; ils se
sont penchés durant des mois sur le concept de la productivité et
continuent de le faire quotidiennement, fardeau de tâches
obligeant.
Pour terminer, vous mettriez votre main au feu, sans avoir les
chiffres, quun « rajustement se ferait par le bas » si on
comparait les salaires du secteur public québécois avec ceux des
autres provinces. Au risque de se retrouver chez les grands brûlés,
il nest pas bon de jouer avec le feu!
Henri Massé, président de la FTQ
Daniel Boyer, SQEES-298, vice-président FTQ
Michel Poirier, SCFP, vice-président FTQ