Pour une vraie sécurité du revenu à la retraite
7 avril 2011
Le texte
d’opinion qui suit a été publié dans le journal Le Devoir le 7 avril
2011. Son
auteur est Michel Lizée, militant de longue date du SCFP,
économiste, coordonnateur au Service aux collectivités de l’UQAM et
spécialiste du dossier des régimes de retraite.
Dans une Libre opinion publiée dans Le Devoir du 5
avril, le
député et porte-parole du PQ en matière de régimes de retraite,
François Rebello, souligne que sa proposition d’adhésion
automatique à une forme de REÉR avec droit de retrait n’exclut pas
a priori une contribution obligatoire «dans la mesure où le fardeau fiscal de
l’entreprise n’augmente pas». En clair, si l’État finance à
100% la cotisation de l’employeur, il n’aurait pas d’objection…
L’éditorialiste du Devoir Jean-Robert Sansfaçon écrivait avec raison quelques
jours plus tôt que ne
pas exiger de contribution des employeurs «n’a aucun sens puisque la préparation à la
retraite est autant, sinon plus, la responsabilité des employeurs.
D’ailleurs, tous les exemples étrangers cités à l’appui de ces
propositions incluent une participation obligatoire des
employeurs».
François Rebello parle de «retraite automatique»: une forme de
REÉR avec un taux de cotisation insuffisant qui ne garantit aucun
rendement ni aucune sécurité du revenu, qui sera à la seule charge
des cotisants et qui repose encore sur le volontariat. Pourquoi
écarter alors l’amélioration du RRQ?
Certes, il y a un enjeu réel de financement du volet actuel du RRQ
qui a profité davantage aux premières cohortes et pour lequel les
gouvernements tergiversent quand vient le temps de fixer le taux
requis pour payer les prestations à long terme. C’est pourquoi il y
a lieu d’appuyer la proposition du ministre Bachand d’effectuer en
quelques années un rattrapage de la cotisation vers le niveau
requis pour assurer la viabilité à long terme du RRQ, même si on
peut se demander pourquoi le gouvernement québécois n’a pas bougé
avant alors qu’il sait depuis 2003 qu’il faut relever le taux. De
plus, est-ce que la cible visée, 10,8% du salaire, est bien la
bonne? Il faut surtout s’assurer que le mécanisme mis en place pour
le futur garantira automatiquement un niveau de cotisation
suffisant et stable pour garantir les rentes promises.
Mais c’est précisément pour surmonter les
limites du volet actuel que la proposition mise de l’avant par la
FTQ et une cinquantaine de groupes de femmes, de personnes
retraitées, de groupes antipauvreté et de jeunes propose que
l’augmentation du RRQ se fasse dans le cadre d’un volet distinct,
capitalisé, et où ce sont les cotisations versées au fil des ans
qui vont financer les rentes en fonction du nombre d’années
cotisées.
Ce n’est pas un hasard si Force jeunesse et des fédérations
étudiantes ont appuyé formellement cette proposition: elle est
universelle, la plus adaptée à la précarité et à la mobilité avec
lesquelles les jeunes sont aux prises et leur assure une équité
intergénérationnelle où les cotisations versées par les jeunes
aujourd’hui vont s’accumuler dans une caisse et leur assurer une
sécurité à la retraite. Et grâce à l’efficience des régimes
publics, pour une personne gagnant 36,225$, une augmentation de la
cotisation salariale de 4,5% à 7% sera suffisante pour faire
doubler la rente de 8400$ à 17,280$ à maturité (barèmes 2011). Pour
tous les salariés jusqu’à un niveau de revenu de 64,000$, le RRQ
assurera progressivement une rente de retraite garantie et indexée
à vie égale à 50% du traitement.
Il faut mettre fin à la situation actuelle où une personne sur deux
de 65 ans et plus au Québec est suffisamment pauvre pour recevoir
le Supplément de revenu garanti. Les terminaisons et fermetures de
régimes à prestations déterminées dans le secteur privé font
craindre pour la situation financière des prochaines cohortes de
personnes retraitées. Seule une réforme basée sur une amélioration
réelle du RRQ, avec un rôle complémentaire pour les régimes
d’employeurs et l’épargne individuelle, offre des chances réelles
de nous assurer que les personnes qui prendront leur retraite dans
10, 20 ou 30 ans pourront vivre dans la dignité et demeurer des
personnes actives et dynamiques dans leur milieu.