«Il faut des lois sévères et une application plus stricte pour prévenir les décès et les accidents au travail»
27 avril 2004
Paul Moist est président national du Syndicat canadien de la
fonction publique, le plus grand syndicat du Canada, qui représente
plus d’un demi-million de femmes et d’hommes qui fournissent des
services publics vitaux.
Alors qu’elles tentent paisiblement de gagner leur vie, trois
personnes seront tuées au travail au Canada, aujourd’hui. Des
milliers d’autres tomberont malades ou deviendront handicapées à
cause de leur travail. Chaque année, un millier de personnes
perdent la vie au travail et un million d’autres sont blessées. Et
ce ne sont là que des estimations conservatrices fournies par les
commissions provinciales des accidents du travail.
Ces décès et ces accidents tragiques ne devraient pas survenir. Des
lois en matière de santé et sécurité sont en place depuis le début
des années 1970, mais elles n’ont pas réussi à mettre en échec le
triste record détenu par le Canada au chapitre des accidents et des
décès au travail.
Le nombre de décès au travail depuis l’adoption de la première loi
en santé et sécurité au Canada, en 1972, est égal au nombre de nos
compatriotes qui ont combattu et sont morts pendant la Deuxième
Guerre mondiale. Il n’est donc pas étonnant que les travailleuses
et les travailleurs se demandent pourquoi l’actuel système de santé
et sécurité ne répond pas à leurs attentes.
Dans le secteur public, on travaille dans certains des plus
dangereux lieux au pays. Donald LeBlanc est mort lorsque la charrue
qu’il manuvrait est tombée d’une rampe de traversier dans les eaux
d’un port. Son corps n’a été repêché qu’au printemps. Mario
Beaulieu a été frappé par un wagon de métro à Montréal. Luke Bevan
s’est noyé pendant qu’il participait à une recherche sur la
conservation des poissons. Tom Roach est mort coincé entre une
courroie de convoyeur et un rouleau compresseur. Les décès de ces
membres du SCFP ont affecté non seulement leurs enfants, leurs
conjointes, leurs familles et leurs collègues de travail, mais
aussi leurs collectivités.
Les statistiques soulignent surtout les morts violentes subies par
des hommes, mais les femmes risquent aussi d’être victimes de
violence et de blessures. Une préposée d’ambulance a été poignardée
dans le dos au moment où elle sortait les ordures, et ce n’est là
qu’un exemple récent. Et bien que l’on pense habituellement aux
hôpitaux comme des lieux où les gens sont censés guérir, les
travailleurs de la santé, en majorité des femmes, subissent plus de
blessures débilitantes que tout autre groupe d’employés. Des
blessures signalées, près de la moitié sont des entorses et des
foulures. De ce nombre, 29 pour cent sont des blessures au dos.
Ce taux d’accident n’est pas étonnant, si l’on tient compte de la
charge de travail croissante, du stress et de la pénurie de
personnel qui affligent le secteur de la santé et d’autres lieux de
travail du secteur public. Des centaines de nos membres répondant à
un sondage en ligne mené au cours de l’année ont soulevé un
problème alarmant. Quatre-vingt-dix pour cent ont parlé d’une
augmentation de leur charge de travail et plus de 85 pour cent ont
signalé une augmentation du stress au travail depuis deux ans. La
surcharge de travail et le stress peuvent être tout aussi dangereux
pour la santé que l’exposition à l’amiante.
Dans l’esprit de beaucoup de gens, le mouvement syndical ne se bat
que pour améliorer le niveau de vie des travailleuses et des
travailleurs. Mais, tout aussi souvent, notre lutte est plus
fondamentale, nous luttons pour la vie de nos membres. Les lois,
les règlements et la prévention des maladies professionnelles
seraient relégués au second plan sans les luttes et la vigilance
des membres des syndicats.
Pour que les choses changent vraiment, les employeurs et les
gouvernements doivent en faire plus pour prévenir les décès et les
maladies causés par le travail. En plus de lois progressistes, il
faut une application active et énergique. Les unes ne vont pas sans
l’autre.
Il y a 20 ans, les membres du Comité national de santé et de
sécurité du SCFP recommandaient la création d’une journée nationale
à la mémoire des personnes tuées ou blessés au travail.
Aujourd’hui, le 28 avril est reconnu dans le monde entier comme le
Jour de deuil international pour tous ceux et celles qui ont été
tués ou blessés au travail. Notre but, c’est d’en arriver à ne plus
avoir besoin d’une telle journée.
L’esprit du 28 avril se retrouve dans ces mots touchants écrits par
un fils pour son père : «Le 7 mai 2001, ma vie a basculé. Mon
père, mon meilleur ami, est mort au travail … Il manque toujours
cruellement à sa famille, à ses amis et à ses collègues de travail.
Nous ne l’oublierons jamais.»
Le 28 avril, nous nous souvenons. Nous pleurons nos morts. Et nous
continuons de lutter pour les vivants.