Lettre d’opinion − Les retombées québécoises de Vidéotron sous la pression de la délocalisation
28 avril 2021
Tant de choses ont changé depuis les dernières élections québécoises. Notre société, notre économie, nos façons de faire se transforment à une vitesse insoupçonnable il y a un peu plus d’un an, avant la pandémie.
Nous constatons d’un oeil nouveau notre fragilité face à la mondialisation à tout prix des marchés et la mise en concurrence planétaire des emplois. Collectivement, nous prenons la mesure de cette nouvelle donne, alors que les nouveaux modèles d’affaires et l’innovation technologique menacent d’accélérer la délocalisation des emplois québécois dans le secteur des télécommunications.
Parallèlement, le gouvernement du Québec met de l’avant des politiques visant à valoriser l’achat local afin de soutenir l’économie québécoise. On parle plus que jamais d’autosuffisance et de maintien des emplois, des entreprises, des sièges sociaux.
À titre d’exemple, avec la relance de Téo Taxi en octobre 2020, le nouveau propriétaire Pierre Karl Péladeau saluait la nouvelle réglementation adoptée par Québec dans l’industrie du taxi. Il dénonçait alors Uber comme symbole d’une «mondialisation technologique» qui ne paie pas d’impôt au Québec.
Plus récemment, après qu’Air Canada a retiré son offre d’acquisition d’Air Transat, M. Péladeau a réitéré son intérêt pour ce fleuron québécois en détresse. Le 2 avril dernier, en entrevue à LCN, il déclarait vouloir «faire en sorte que cette entreprise demeure dans le paysage aérien québécois, que le siège social demeure ici à Montréal et que les emplois puissent continuer à bénéficier à l’économie québécoise». Très peu de temps après, le gouvernement du Québec, par l’entremise de son ministre de l’Économie, faisait savoir qu’«un soutien financier serait envisageable».
Au Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), nous suivons d’ailleurs de très près la situation d’Air Transat alors que des milliers d’emplois de nos membres sont en jeu. L’aide des deux paliers de gouvernement, depuis longtemps en retard, doit maintenant se concrétiser. Tout doit être mis en oeuvre pour assurer la pérennité de l’entreprise et des emplois.
Présentement, le ciel s’obscurcit pour un autre fleuron québécois. Quelque 3000 employés de Québecor chez Vidéotron à Montréal, aussi des membres du SCFP, sont en conciliation alors que leur convention collective est échue depuis plus de deux ans. Cette étape, initiative de l’employeur, enclenche des délais qui permettront à brève échéance l’imposition d’un lock-out.
L’enjeu fondamental de cette négociation: le recours sans cesse grandissant à la sous-traitance, principalement à des entreprises qui emploient une main-d’oeuvre dispersée un peu partout sur la planète.
Vidéotron, par ailleurs en bonne situation financière, détient à l’interne toute l’expertise et toutes les compétences dont elle a besoin, ce qui procure au Québec des emplois de haute qualité aux retombées colossales.
D’ailleurs, la participation de la Caisse de dépôt et placement du Québec à l’essor de l’entreprise est une autre raison de croire que la société québécoise doit continuer de bénéficier de telles retombées.
Le 22 mars dernier, lors de l’annonce d’une aide globale de 826,3 millions de dollars à six fournisseurs pour compléter le branchement de 150 000 foyers, M. Péladeau, président et chef de la direction de Québecor, déclarait : «Le succès de ce plan ambitieux est tributaire de la collaboration de toutes les parties prenantes, et vous pouvez compter sur le savoir-faire et la volonté de Vidéotron pour y parvenir».
Vidéotron bénéficiera d’une subvention de près de 210 millions de dollars des deux paliers de gouvernement pour procéder d’ici à l’automne 2022 au branchement de quelque 37 000 foyers québécois au réseau Internet à grande vitesse. Bien peu de Québécois et Québécoises contredisent le SCFP quand nous affirmons que ces fonds publics ne doivent pas servir à délocaliser ou précariser des emplois.
M. Péladeau, vos employés membres du SCFP ont contribué aux succès de Vidéotron et seront fiers de participer à ce plan tout comme à tous les grands succès futurs de la compagnie.
Nous avons trop souvent entendu avec Québecor les mots «plan de contingence», une expression qui sous-tend que l’employeur s’apprête à déclencher un lock-out. Chose certaine, la partie syndicale ne cherche absolument pas le conflit.
La première étape, incontournable, sera de négocier sans menace de lock-out une convention collective qui préservera les emplois québécois, l’expertise québécoise et les retombées québécoises.
Benoit Bouchard, président du SCFP-Québec
Marc Ranger, directeur québécois du SCFP