Les syndiqués en lock-out du Journal de Québec vont aller chercher des appuis dans toutes les provinces canadiennes
9 mars 2008
Réplique syndicale au lock-out du Journal de Québec qui dure depuis
bientôt 11 mois. Dès cette semaine, des syndiqués du Journal entreprennent une grande
tournée de sensibilisation qui les mènera dans toutes les provinces
canadiennes. Pour mieux permettre la diffusion de leur message, les
syndiqués ont même préparé une édition spéciale en anglais du
MédiaMatinQuébec. Dune
durée de deux mois, la tournée vise dabord les organisations
syndicales, mais elle permettra aussi de prendre contact avec tous
les groupes préoccupés par lavenir des médias, partout au Canada.
Le 2 mars, le lock-out au Journal
de Québec est devenu le plus long conflit de travail à
toucher un quotidien francophone au Canada.
«Le conflit
au Journal de Québec est
exceptionnel. Rien ne justifie ce conflit de travail. Ce que nous
sommes venus vous dire ce matin, cest que Quebecor ne fera pas
plier les genoux des syndiqués. Dès mercredi, nous entreprenons une
tournée exceptionnelle à travers tout le Canada pour faire
connaître le conflit et les méthodes répugnantes de Quebecor à
lendroit de ses employés du Journal de Québec.» Cest la déclaration faite par Paul
Moist, Claude Généreux, Ken Georgetti et Michel Poirier lors dune
conférence de presse tenue à Montréal, ce matin. Les quatre leaders
syndicaux sont respectivement président du Syndicat canadien de la
fonction publique (SCFP) secrétaire trésorier national du SCFP,
président du Congrès du travail du Canada (CTC) et vice-président
de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ),
organisations syndicales qui représentent ensemble trois millions
de membres.
Dune même voix, les chefs syndicaux ont dénoncé «larrogance de Quebecor/Sun Media qui a
décrété le lock-out de ses employés alors que le Journal de
Québec était numéro un dans son
marché, que son tirage était en hausse, quil connaissait la plus
forte progression au Canada pour un quotidien, tout en sachant
quaucune journée navait été perdue en raison dun conflit de
travail en 40 ans. Qui plus est, font-ils valoir,
aucun vote de grève navait été
pris et aucun moyen de pression navait été exercé par les
employés. Et aujourdhui, ajoutent-ils, onze mois plus tard, quand
les médias demandent à Quebecor de sexpliquer sur la place
publique, ils refusent systématiquement de donner des
entrevues.»
Tournée canadienne
La tournée canadienne débute mercredi à Saskatoon pour se
poursuivre à Calgary le lendemain. Par la suite, les représentants
des syndiqués du Journal passeront par les villes suivantes:
Fredericton (Nouveau-Brunswick) du 3 au 5 avril, Wolfville
(Nouvelle-Écosse) du 6 au 9 avril, Vancouver (Colombie Britannique)
du 16 au 19 avril, Brandon (Manitoba) du 23 au 26 avril, St. Johns
(Terre-Neuve et Labrador) du 5 au 7 mai, Charlottetown
(Île-du-Prince-Édouard) les 8 et 9 mai, Niagara Falls (Ontario) du
22 au 24 mai. La tournée se conclura au congrès du CTC à Toronto
pendant la dernière semaine du mois de mai. En plus dune vaste
opération de sensibilisation, la tournée sera aussi loccasion pour
les syndiqués daller chercher des appuis financiers.
Neuf lock-out en six ans
Dans les six dernières années, uniquement au Québec, Quebecor Media
a eu recours au lock-out neuf fois contre ses employés. Voici la
liste de ces lock-out.
Vidéotron Télécomm 78 jours 112 travailleurs
30 avril au 16 juillet 2002
Vidéotron Montréal* 360 jours 1800 travailleurs
8 mai 2002 au 2 mai 2003
Vidéotron Québec* 360 jours 313 travailleurs
8 mai 2002 au 2 mai 2003
Groupe TVA Montréal* 7 jours 7 travailleurs
3 au 9 juillet 2003
Groupe TVA Estrie 67 jours 6 travailleurs
30 janvier au 5 avril 2004
Journal de Montréal (Vendeurs) 36 jours 44 travailleurs
9 février au 15 mars 2004
Journal de Montréal (Pressiers)** 114 jours Plus de 100
travailleurs
22 octobre 2006 au 12 février 2007
Journal de Québec (Bureau) ? jours 68 travailleurs
22 avril 2007 à ce jour
Journal de Québec (Rédaction) ? jours 69 travailleurs
22 avril 2007 à ce jour
* Lock-out et grève
** Lock-out déclaré illégal par le tribunal
Par comparaison, on peut se demander combien de lock-out ont eu
lieu du temps où Pierre Péladeau père vivait encore et dirigeait
son entreprise. Réponse: pendant les dix dernières années de la vie
du fondateur de Quebecor, soit de 1987 à 1997, trois lock-out ont
eu lieu. Ils sont tous survenus au Journal de Montréal en 1993-1994. Qui
menait les négociations patronales au Journal de Montréal à cette
époque? Pierre-Karl Péladeau, lactuel président de Quebecor.
Voici un rappel de ces lock-out.
Journal de Montréal (préparation)
19 septembre 1993 au 6 février 1994 140 jours 150 travailleurs
Journal de Montréal (pressiers)
11 octobre 1993 au 8 mars 1994 148 jours 148 travailleurs
Journal de Montréal (encarteurs, expédition, deux accréditations)
11 octobre 1993 au 17 mars 1994* 110,5 jours 210 travailleurs
Cest donc dire que dans les 15 dernières années, Quebecor a
utilisé le recours au lock-out à 12 reprises.
Rappel du conflit au Journal de
Québec
Les employés de bureau et de la rédaction du Journal de Québec sont sous le coup
dun lock-out décrété par lemployeur le 22 avril 2007. Avant le
déclenchement du lock-out, aucun des trois syndicats navait
demandé de mandat de grève à ses membres ni même exercé de moyens
de pression. En solidarité avec leurs collègues jetés sur le
trottoir par la décision de Quebecor/Corporation Sun Media, les
employés de limprimerie ont voté la grève à 97%.
Aucun conflit de travail navait eu lieu depuis la fondation du
Journal de Québec en 1967.
Il y a environ deux ans, tous les employés syndiqués du
Journal avaient accepté de
reconduire la convention collective pour un an en partenariat avec
lemployeur pour mieux affronter son concurrent, Le Soleil, qui passait au format
tabloïd.
Au moment du déclenchement du conflit, le Journal de Québec dégageait des
profits nets annuels denviron 25 millions de dollars et était le
numéro un dans son marché.
Selon les données de lAudit Bureau of Circulations (ABC)
(organisme spécialisé dans l’évaluation de la distribution des
quotidiens partout sur le continent nord-américain), au moment de
lannonce du lock-out le Journal
de Québec était celui qui avait connu la plus forte
progression au Canada (soit 2,5 %, pour la période de six mois se
terminant le 31 mars 2007, du lundi au vendredi pour les quotidiens
de plus de 100,000 exemplaires).
La brutalité de ce lock-out, malgré la très grande profitabilité de
lentreprise, fait dire aux syndiqués que Quebecor/Sun Media
pratique à leur endroit du «terrorisme économique».
Aucun piquet de grève na été érigé par les syndiqués depuis le
début du lock-out.
Depuis le 24 avril 2007, les employés en conflit publient et
distribuent cinq jours semaine 40 000 exemplaires du MédiaMatinQuébec, un quotidien gratuit
quils ont créé, pour rappeler leur cause à la population de
Québec. Quebecor/Corporation Sun Media a entrepris plusieurs
recours judiciaires pour empêcher la publication du MédiaMatinQuébec. Toutes ces démarches
ont échoué.
Malgré le conflit, le Journal de
Québec continue dêtre publié. Il est imprimé principalement
à Mirabel plutôt quà Québec.
Dans une décision rendue le 23 août 2007, en application de
larticle 109 du Code du
travail du Québec (dispositions anti-scabs), la Commission
des relations du travail (CRT) du Québec a ordonné à la direction
du Journal de Québec de
cesser de recourir aux services de quatre personnes qui
remplissaient les fonctions de salariés en conflit.
De nouvelles plaintes concernant lutilisation de travailleurs
illégaux ont été déposées par les syndicats en octobre et novembre
2007. Au total, ces plaintes visent 17 personnes. Des audiences de
la CRT sur ces plaintes ont eu lieu les 14 et 28 janvier. Elles se
poursuivront les 12 et 14 mars. Lors des premières audiences, le
rédacteur en chef du Journal de
Québec, Serge Gosselin, a déclaré sous serment quil
nestimait «pas pertinent» de savoir qui sont les auteurs des
articles provenant de Canoë et publiés dans son quotidien en
lockout.
Dautre part, le 5 février 2008, le Journal de Québec, le portail Internet
Canoë et le journaliste de Canoë Hubert Lapointe ont plaidé non
coupables à des accusations criminelles pour avoir, lété dernier,
divulgué le nom dune victime dagression sexuelle malgré une
ordonnance de non-publication de la Cour. Cette affaire reviendra
devant le tribunal le 15 avril. Hubert Lapointe est lune des 17
personnes visées par les plaintes sur lemploi de scabs.