Les présidents des cols blancs et des cols bleus donnent leur avis
9 février 2011
C’est
la saison des taxes municipales! En soi, c’est une bonne chose
puisque cela nous permet, collectivement, de nous payer de bons
services publics. Certains sont indispensables (eau potable,
aqueducs et égouts) tandis que d’autres contribuent grandement à
notre qualité de vie (parcs, piscines, terrains de jeux, arénas,
bibliothèques, etc.). À Montréal, les citoyens ont pu constater des
hausses de leurs taxes foncières au cours des dernières années.
Dans une déclaration récente, le maire Tremblay a tenté d’en faire
porter la faute au régime de retraite des employés. Des propos qui
ont fait bondir les présidents des syndicats des cols blancs et des
cols bleus. La journaliste de L’Aut’journal, Maude Messier, a
réalisé des entrevues avec les deux dirigeants syndicaux à ce sujet
et nous reproduisons ici son article avec
son aimable autorisation.
«Daprès Gérald Tremblay, les
augmentations de taxes des deux dernières années à la Ville de
Montréal seraient directement liées aux pertes de rendements des
caisses de retraite.
«N’eut été de la hausse de la
contribution de la Ville de 135M$ pour les caisses de retraite des
employés municipaux qui est une conséquence directe de la crise
économique de 2008, la hausse du budget de la Ville serait de
1,8%», soulignait le maire en conférence de presse à
loccasion du dépôt du budget municipal en décembre dernier.
Le budget
2011 de la Ville de Montréal sélève à 4,5 milliards $, soit une
augmentation de 5% par rapport à 2010. Une hausse de 4% du fardeau
fiscal des contribuables y est notamment prévue, sans compter une
taxe sur les véhicules de 45$, une hausse de 4% des tarifs de la
Société des transports de Montréal et des augmentations des taxes
foncières qui pourraient savérer plus importantes selon les
arrondissements.
La Ville a indiqué quelle devra nécessairement revoir les
avantages quelle consent à ses employés compte tenu du contexte
économique.
En entrevue avec L’AutJournal, le Syndicat des
fonctionnaires municipaux de Montréal et le Syndicat des cols bleus
regroupés de Montréal maintiennent que ces déclarations ne sont
quune stratégie de diversion.
Piquée au vif par les propos du maire à lendroit des employés
municipaux, la présidente du syndicat des cols blancs, Monique
Côté, affirme : «Pour nous, cest
clair : la ville détourne lattention de la population vers les
fonctionnaires pour camoufler les incohérences de son
administration. Cest un faux débat qui vise à discréditer les
employés municipaux.»
Un régime déficitaire depuis
toujours
Pour démontrer que le manque de vision à long terme ne date pas
dhier, Mme Côté refait lhistorique du régime de retraite de
lancienne Ville de Montréal. Un bel exemple qui permet, selon
elle, de constater que cest le laxisme de certaines
administrations, plutôt que les syndiqués eux-mêmes, qui doit être
mis en cause pour le lourd héritage légué aux générations
suivantes.
En 1965, le gouvernement du Québec sanctionne la Loi sur les
régimes supplémentaires de rentes (RSR) qui oblige les régimes de
retraite à être pleinement capitalisés. Or, en raison dune
sous-cotisation depuis 1912, le régime de retraite de lancienne
Ville de Montréal affichait en 1966, sous ladministration du maire
Drapeau, un déficit actuariel initial évalué à 94,5 millions $. Une
somme colossale.
Ce déficit initial devait être amorti avant le 31 décembre 1990,
soit 25 ans plus tard, mais des mesures particulières accordées à
la Ville nont fait que repousser léchéance et gonfler la facture.
Non seulement le gouvernement a-t-il permis à la Ville de se
soustraire à lobligation de financer le déficit, mais elle a aussi
été exemptée de verser les cotisations nécessaires pour éviter
laccroissement du déficit pour la période 1968-1969 et exemptée de
toute cotisation aux caisses de retraite constituantes du régime de
1968 à 1970.
Autrement dit, en 1984 toujours sous ladministration de Jean
Drapeau, le déficit du régime de retraite sélevait à 869 millions
$. Par acte notarié, la Ville a opté pour un amortissement sur une
période de 62 ans. La cotisation spéciale, en sus des versements
réguliers, se détaille de la façon suivante :
1984 : 12,8 millions $
1985 à 2015 : 27,1 millions $ pour 1985, montant ensuite indexé à
un taux annuel de 10% jusquen 2000, puis de 6 % jusquen 2015.
2015 à 2045 : 269 millions $ par année
« Si ça, ce nest pas du
pelletage en avant et de liniquité intergénérationnelle, je me
demande bien ce que cest, ironise la présidente des cols
blancs. Tout le monde savait que
ça nous amenait dans un mur cette situation-là. Ce nétait quune
question de temps. Jamais la ville ne pourrait faire face à de tels
versements, cétait impensable!»
La Ville et les syndicats ont plutôt convenu dune entente qui
modifiait lacte notarié de 1984 et qui autorisait la Ville à
utiliser une partie des surplus des caisses de retraite pour
réduire les cotisations devant être consacrées à lélimination du
déficit actuariel.
« En 1998, il fallait trouver une
solution. Les syndicats ont fait leur part à ce moment, comme à
bien dautres. Même Jean-Robert Sansfaçon dans un éditorial du
Devoir à lépoque soulignait que tout le monde était gagnant avec
cette entente, y compris les contribuables montréalais», se
souvient Mme Côté.
Des chiffres trompeurs de
La Presse
Tant Mme Côté que Michel Parent, président du Syndicat des cols
bleus de Montréal, conviennent que les régimes de retraite ont
connu des moments difficiles au cours des dernières années en
raison de la crise économique. Ils affirment cependant que la
situation est maîtrisée et en voie de se résorber.
Dailleurs, une note de service du Bureau des régimes de retraite
de Montréal, dont L’Aut’Journal a obtenu copie, stipule
que la Caisse commune « a
enregistré un rendement global de 22,6% pour lannée 2009, le
meilleur de son histoire». Mme Côté déplore lattitude de
ladministration Tremblay qui «sacharnait hier sur les salaires et
aujourdhui sur les fonds de pension des employés municipaux pour
ne pas avoir à justifier lexplosion de la masse salariale des
cadres et les ratés qui coûtent une fortune aux
Montréalais.»Des chiffres avancés par La Presse, dans une
série darticles publiés en janvier dernier, révélaient
«quà quelques centaines de
dollars près, les policiers, les pompiers, cols bleus, cols blancs
et élus montréalais gagnent 69,000$ par année. (
) En tenant compte
des avantages sociaux, leur rémunération annuelle bondit à environ
94,000$.»Les deux syndicats rejettent catégoriquement ces
informations, alléguant que les moyennes ont été calculées en
incluant les postes cadres. «Noyer tous les travailleurs avec les cadres
et les élus, cest trompeur et ça ne représente pas du tout la
réalité», affirme Michel Parent. À leur avis, la masse
salariale des cadres étant plus élevée, les résultats des
compilations de La Presse
sen trouvent biaisés.
Michel Parent affirme que le salaire annuel moyen dun col bleu est
plutôt de 45,000$, plus 30% en avantages sociaux. La moyenne des
échelons pour les cols blancs se situe à 40,000$ annuellement, plus
20% en avantages sociaux. Monique Côté insiste sur le fait que cela
ne concerne toutefois que les postes permanents, alors que près de
la moitié des cols blancs de la Ville de Montréal sont à statut
précaire.
De plus en plus de cadres
Entre 2001 et 2006, suite aux fusions municipales, le nombre de
cadres et leur masse salariale ont augmenté respectivement de 52,3%
et de 86,4% daprès une étude produite par le Syndicat des
fonctionnaires municipaux de Montréal. «Lidée des fusions, cétait de faire des
économies déchelle. À Montréal, cest tout le contraire qui sest
produit», explique Monique Côté.
La présidente des cols blancs cite en exemples les bibliothèques où
des postes de bibliothécaires ont été coupés pour ajouter des chefs
de section. Le centre Claude Robillard et les piscines de Rosemont
ont aussi réduit les heures de travail des sauveteurs pour payer
deux cadres supplémentaires.
«Ils coupent dans les services
directs aux citoyens pour ajouter des postes de cadres qui coûtent
plus chers et qui ne donnent pas de services. Cest nimporte quoi.
» À son avis, les Montréalais ont raison de sinterroger sur
ce qui se passe et ils doivent savoir que leur ville est mal gérée.
La réorganisation de ladministration municipale, soit
principalement le nombre de cadres et délus, serait au cur du
problème. Un sujet délicat pour la Ville, qui fait tout pour ne pas
en parler «parce que
politiquement, cest sa mort.»
Même son de cloche du côté des cols bleus. Michel Parent soutient
que laugmentation des taxes est due à ladministration très lourde
de Montréal. «Toute la question
autour des conditions de travail, des salaires et des fonds de
pension des employés de la ville, cest un discours accrocheur,
populiste et erroné qui avantage bien ladministration Tremblay
pour esquiver les vrais problèmes de Montréal.»