Les bonnes nouvelles se multiplient pour les chargés de cours de l’UQTR
18 juillet 2003
Les chargés de cours de l’Université du Québec à Trois-Rivières
(UQTR), représentés par le SCFP 2661, ont reçu deux bonnes
nouvelles récemment. Tout d’abord, une importante question de
remboursement de frais de déplacement est finalement tranchée à la
satisfaction des enseignants. Puis, dans un épineux dossier de
répartition de cours entre professeurs et chargés de cours, la Cour
d’appel casse la décision de la Cour supérieure qui, elle-même,
avait maintenu une décision arbitrale défavorable aux chargés de
cours.
Frais de déplacement rajustés
L’histoire remonte à 1998. À ce moment, des fonctionnaires du
ministère du Revenu signalent à la direction de l’UQTR qu’elle
aurait dû prélever des impôts sur les remboursements (de 0,30$ le
kilomètre) versés aux chargés de cours appelés à se déplacer pour
dispenser leurs cours aux étudiants. La surprise est totale, tant
du côté de l’administration de l’UQTR que du syndicat des chargés
de cours. Sans entrer dans les détails du dossier, signalons que,
telle que rédigée, la loi fiscale faisait en sorte que les chargés
de cours n’occupant pas d’emploi à temps plein se voyaient imposés,
alors que leurs collègues, à temps complet, par exemple les
professeurs réguliers, étaient eux dispensés de payer cet impôt.
Grâce à un lobbying suivi du syndicat des chargés de cours de
l’UQTR et du SCFP, les deux lois fiscales -fédérale et provinciale-
sont amendées pour prendre en compte la situation particulière des
chargés de cours et les soustraire à cet impôt inéquitable. Mais,
les amendements législatifs ne couvraient pas tous les chargés de
cours. Pour les déplacements à moins de 80 kilomètres, les montants
versés restent imposables (dans le cas particulier des chargés de
cours). Ainsi, malgré les amendements apportées aux deux lois de
l’impôt, plusieurs chargés de cours allaient, dans les faits,
toujours subir un manque à gagner, c’est-à-dire la part versée à
l’impôt.
C’est cette dernière question qu’un arbitre de grief a tranchée
l’automne dernier. L’arbitre Maurice Guertin a acueilli le grief et
ordonné à l’UQTR d’assumer l’imposition des frais de déplacement
afin que les chargés de cours concernés reçoivent les sommes
auxquelles ils avaient droit, à savoir trente cents du kilomètre,
somme nette.
Insatisfaite de la décision de l’arbitre, l’UQTR a demandé une
révision judiciaire à la Cour supérieure. Le 6 mars, le Syndicat
des chargés de cours recevait le jugement de l’honorable Robert
Pidgeon qui rejetait la demande de révision. Il écrit: «Compte
tenu de la pratique passée, de l’esprit et de la philosophie de la
convention collective, du courant développé par une certaine
jurisprudence arbitrale et de la norme de contrôle applicable, le
Tribunal est d’avis que la conclusion à laquelle arrive l’arbitre
n’est pas déraisonnable.»
Toujours insatisfaite, l’Université a demandé à la Cour d’appel la
permission d’en appeler du jugement de la Cour supérieure.
Finalement, le 17 juin dernier, la juge Thérèse Rousseau-Houle a
refusé à l’UQTR la permission d’en appeler.
Répartition de cours entre professeurs et chargés de cours
La semaine dernière, c’est à nouveau la Cour d’appel qui donne
raison aux chargés de cours. Dans un arrêt publié le 10 juillet,
les juges Thérèse Rousseau-Houle, André Rochon et Pierre J.
Dalphond ont accueilli l’appel des chargés de cours. Pour nos
syndiqués, cela signifie qu’une clause de la convention collective
négociée en 1997 sera finalement appliquée telle que négociée. Dans
ce cas, la question en litige concernait la répartition de charges
de cours aux professeurs à la retraite.
Pour comprendre le débat, il faut savoir qu’à l’université les
cours sont dispensés soit par des professeurs réguliers, soit par
des chargés de cours, les uns et les autres membres d’unités
syndicales distinctes. Au milieu des années 1990, de généreux
programmes d’incitation à la retraite permettent à plusieurs
professeurs réguliers de devancer l’âge de leur retraite. Jusqu’à
cette époque, il arrive à l’occasion que des professeurs à la
retraite assument quelques charges de cours. Dans ce cas, les
retraités, n’étant plus membres de l’unité syndicale des
professeurs, sont embauchés en vertu d’une clause de la convention
collective des chargés de cours qui leur assure préséance lors de
la répartition générale des cours. Ainsi embauchés pour dispenser
un cours, les professeurs à la retraite deviennent dès lors des
salariés membres de l’unité d’accréditation des chargés de cours.
Mais les tensions entre chargés de cours et professeurs grandissent
quand arrivent les programmes d’incitation à la retraite. Plusieurs
chargés de cours n’acceptent pas de perdre leurs cours au profit de
certains professeurs qui, d’une part, bénéficient d’un pont pour la
retraite et, d’autre part, en profitent pour revenir enseigner.
Plusieurs s’interrogent et y voient carrément un abus de fonds
publics d’autant plus qu’à l’époque, les programmes gouvernementaux
d’incitation à la retraite interdisent la double rémunération.
C’est ainsi que les membres du syndicat des chargés de cours vont
revendiquer et obtenir, lors de la négociation de 1996-1997,
l’abolition progressive de ce privilège aux professeurs à la
retraite, garanti par la convention collective des chargés de
cours.
De son côté, le syndicat des professeurs, lui, fait valoir qu’il a
négocié avec le même employeur une lettre d’entente qui dit que le
«professeur qui prend sa retraite peut conserver son titre de
professeur. Il peut en outre conserver un lien d’emploi autre que
régulier avec l’Université. Le régime d’emploi est défini par
entente individuelle entre le professeur et l’Université. Ce lien
peut comporter le maintien des avantages et des conditions liées au
statut de professeur comme par exemple le maintien d’une tâche
d’enseignement, l’accès aux services de l’Université, etc. Le
professeur retraité n’est cependant pas couvert par la convention
collective. Le professeur à la retraite qui désire une tâche
d’enseignement informe le département concerné qui, dans la mesure
du possible, la lui réserve, préalablement à l’offre de cours aux
chargés de cours.» (Nos soulignés.)
L’attribution de cours aux professeurs à la retraite ne posait pas
problème tant et aussi longtemps que la convention des chargés de
cours le permettait. Mais, suite au contexte difficile du milieu
des années 1990, les professeurs à la retraite vont se voir privés
de la répartition prioritaire qui leur était jusqu’alors garantie
par la convention collective des chargés de cours. (Notons que les
profs à la retraite n’ont pas été exclus de l’enseignement,
plusieurs d’entre eux, souvent de grands spécialistes dans des
domaines pointus, ont poursuivi leur uvre d’enseignement à titre
de chargé de cours.)
Voyant que les professeurs à la retraite ne bénéficient plus du
système prioritaire de répartition des cours, le syndicat des
professeurs oppose à l’employeur la lettre d’entente qu’il a
signée, dépose grief et demande à un arbitre de trancher.
L’arbitre reconnaîtra «aux professeurs retraités un droit de
priorité sur les chargés de cours pour un certain nombre de tâches
d’enseignement [et puisera] ce droit dans une convention
expirée, étrangère aux professeurs, négociée à l’époque par le
syndicat accrédité pour représenter les chargés de cours.»
(Extrait de l’arrêt de la Cour d’Appel, 10 juillet 2003)
Le syndicat des chargés de cours tentera par la suite, mais sans
succès de convaincre la Cour supérieure de l’existence d’une erreur
révisable de l’arbitre, d’où la décision du SCFP 2661 de se
pourvoir.
Dans son arrêt du 10 juillet, la Cour d’appel estime que «la
décision de l’arbitre apparaît manifestement déraisonnable. Elle va
au-delà du texte de la convention collective des professeurs. Elle
énonce des principes contradictoires. Elle attribue une portée
inappropriée et illégale à la convention collective des chargés de
cours. Elle annule en partie les dispositions de la convention
collective des chargés de cours qui eux ne sont pas partie à la
convention collective des professeurs.»
Elle ajoute que la «sentence arbitrale a pour effet de retirer
au Syndicat des chargés de cours le droit de négocier certaines
conditions de travail au bénéfice des salariés qu’il représente» et
que «les chargés de cours se font imposer une modification à leur
convention collective par un arbitre qui tire sa compétence d’une
convention collective qui leur est étrangère. Cette modification
fait renaître une disposition par ailleurs légalement éteinte par
la conclusion de la convention collective de février 1997. [?]
L’arbitre devait prendre acte de cette transaction et, en
conséquence, rejeter le grief», conclut la Cour d’appel qui
fait droit à l’appel du SCFP 2661, casse le jugement de la Cour
supérieure, rejette le grief du syndicat des professeurs que
l’arbitre avait initialement estimé fondé, «le tout avec dépens
devant les deux Cours.»