«Le remède appliqué risque d’être pire que la maladie»
4 décembre 2003
La FTQ demande au gouvernement Charest et à
son ministre de la Santé et des Services sociaux, M. Philippe
Couillard, de rajuster le tir à la lumière des commentaires émis à
ce jour. La FTQ questionne sérieusement l’à-propos de chambarder
les accréditations dans le secteur de la santé et des services
sociaux et de modifier les règles du jeu à la dernière minute dans
les négociations du secteur public et parapublic.
Le remède appliqué risque d’être pire que la maladie
«À la FTQ, nous avons toujours été ouverts à la discussion sur
la reconfiguration des unités d’accréditation si cet exercice
devait à la fois permettre une meilleure organisation du travail et
un allégement dans la gestion des établissements.
« Mais ce qu’on nous propose par le projet
de loi 30, c’est un morcellement de nombreuses unités
d’accréditation de type industriel sous prétexte de réduire
mathématiquement le nombre total d’unités.
«C’est à la Commission des relations de travail de mener cet
exercice et non pas au ministère de la Santé et des Services
sociaux. Sinon le remède appliqué risque d’être pire que la maladie
avec une confusion des rôles comme on en a connue plusieurs ces
derniers mois», a indiqué le président de la FTQ, M. Henri
Massé, lors de la présentation du mémoire de la centrale syndicale
sur le projet de loi 30.
Un alourdissement important dans la gestion des
établissements
«La formulation même du projet de loi témoigne d’une
méconnaissance profonde du fonctionnement réel sur le terrain. Le
niveau élevé de travailleurs à temps partiel dans les
établissements, leur inscription sur les listes de rappel de
multiples titres d’emploi, l’obligation qui sera dévolue aux
employeurs de transiger avec 5 ou 6 unités d’accréditation là où
souvent il n’y en avait qu’une ou deux : les modifications
importantes proposées annoncent davantage un alourdissement
important en termes de gestion des établissements que le soi-disant
allégement souhaité», a expliqué pour sa part M. Raymond
Forget, coordonnateur FTQ des négociations dans le secteur public
et parapublic.
Une vision étriquée de ce que devraient être des soins de
qualité
«Le seul autre motif que nous pouvons voir dans la volonté
gouvernementale d’isoler les employés des services auxiliaires et
connexes, les préposés aux bénéficiaires, les infirmières
auxiliaires, les préposés à l’entretien, à la cafétéria, aux
services alimentaires, à la buanderie, les employés de métier, les
secrétaires, les commis de bureau, dans des catégories à part des
autres catégories d’employés, c’est de faciliter la sous-traitance
de leurs activités.
«À cet égard, le credo gouvernemental maintes fois entonné ces
derniers mois sur les vertus du privé dans les missions soi-disant
non essentielles de notre système de soins de santé a de quoi
inquiéter. D’ailleurs les projets pilotes mis en place avec l’aval
du ministre Couillard dans certains CHSLD de la Montérégie nous
donnent une bonne indication de la direction qu’il entend
prendre.
«Nous désapprouvons totalement cette approche qui nous éloigne
d’une vision globale de la santé pour nous confiner à un délestage
mercantile de fonctions essentielles au bon fonctionnement des
établissements et à une vision étriquée de ce que devraient être
des soins de qualité», a déclaré Mme Lucie Richard, directrice
adjointe du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP-FTQ)
pour le Québec.
Un palmarès des hôpitaux?
Pour ce qui est de la décentralisation vers les établissements d’un
nombre important de matières actuellement négociées sur une base
sectorielle ou centrale, le président de la FTQ estime qu’il
s’agirait d’un retour en arrière inacceptable et néfaste pour les
citoyens consommateurs de soins.
Sans compter que cette modification des règles du jeu de la
négociation, à 10 jours seulement du dépôt des demandes syndicales
à la table centrale de négociation, augure très mal pour la suite
des choses.
«Par cette décentralisation de nombreux objets de négociation,
nous ouvririons la porte toute grande à la compétition entre
établissements, non seulement sur le plan des conditions de travail
mais également sur la qualité des soins offerts.
«Il ne restera plus au magazine l’Actualité et à son
commanditaire, l’Institut économique de Montréal, qu’à préparer son
palmarès des hôpitaux comme ils le font pour les écoles», a
ironisé M. Massé.
Le gouvernement doit se dépeinturer du coin
De façon plus générale, le président de la FTQ invite le
gouvernement Charest à se dépeinturer du coin, s’il en est encore
temps, et à se mettre en mode écoute de la société civile.
«On n’est pas en train de faire un exercice mathématique ici, on
est en train de jouer avec des êtres humains, des travailleurs qui
oeuvrent ensemble depuis des années pour le bien-être des
bénéficiaires, en équipe, qui militent pour de meilleures
conditions. Ce sont ces travailleurs qu’on s’apprête à diviser de
façon tout à fait arbitraire.
«Sur l’ensemble des politiques annoncées à ce jour, si ce
gouvernement ne se met pas à l’écoute des acteurs de la société,
s’il se cantonne dans sa volonté d’adopter à la vapeur des lois
ayant des conséquences importantes sur la paix sociale et l’avenir
de notre société, il se dirige tout droit vers un mur qu’il passe
ou pas ses projets de loi.
«Les éditorialistes, les commentateurs, le lui répètent jour
après jour. Le premier ministre peut déchirer sa chemise sur la
place publique et s’indigner de certains dérapages. Mais cette
indignation ne peut tenir lieu de justification à des politiques
adoptées à la vapeur et dont les effets se feront sentir longtemps
dans notre société», a conclu le président de la FTQ.