«Le discours de la défusion, c’est celui des inégalités et des disparités»
14 octobre 2003
«La FTQ et ses syndicats affiliés se sont
longuement interrogés sur la nature et la pertinence de leur
participation à cette commission parlementaire qui, n’eût été d’un
engagement pris à l’occasion d’une assemblée partisane, n’aurait
jamais eu sa raison d’être. Notre politique de présence partout où
se discutent des questions touchant la population et nos membres a
cependant prévalu.
«Nous admettons d’emblée que le précédent gouvernement a tourné les
coins un peu rond à l’occasion dans ce dossier. Mais nous sommes
convaincus qu’en voulant ramener le balancier de l’autre côté, le
présent gouvernement engendrera des problèmes bien plus graves que
ceux qu’il dit vouloir régler par le projet de loi no 9», a
exposé le président de la Fédération des travailleurs et
travailleuses du Québec (FTQ), M. Henri Massé, à l’occasion de la
présentation du mémoire de la centrale devant la Commission de
l’aménagement du territoire ce matin.
Ramer à contre-courant des grandes
tendances
«La création de nouveaux ensembles urbains partout au Québec, et
particulièrement à Montréal, principal moteur économique de la
province, répondait à une nécessité de se positionner par rapport
au développement de grandes métropoles en compétition à l’échelle
de la planète.
«Lorsque le monde change, l’immobilisme devient synonyme de recul
nous disait le premier ministre dans une lettre ouverte ce matin.
Nous pourrions ajouter que le recul des défusions annoncées est
pire que l’immobilisme.
«C’est la consécration des inégalités et des disparités sociales,
économiques, fiscales entre les citoyens d’un même territoire.
C’est ramer à contre-courant et condamner Montréal et les villes
québécoises à figurer dans le peloton de queue des grandes villes
de ce monde», a ajouté le président de la FTQ.
Derrière le discours des défusionnistes
«Par-delà le discours public des défusionnistes sur la
nécessaire autonomie des municipalités et sur les vertus de la
démocratie locale, il faut décoder leurs véritables motivations.
«Avec un revenu quatre fois plus élevé que celui d’un citoyen de
Ville Saint-Pierre, et une résidence unifamiliale valant six fois
plus, le citoyen de Westmount verse un taux de taxation de 33%
inférieur à celui de Ville Saint-Pierre! C’est cette inégalité que
veut reproduire le discours de la défusion», a repris Henri
Massé.
Les conséquences d’un démantèlement
«Les fusions ne sont pas qu’une bête addition de morceaux de
territoire les uns aux autres. Elles permettent une vision unifiée
et intégrée des services et du développement.
«L’amélioration des infrastructures municipales, la revitalisation
économique et sociale des quartiers et arrondissements,
l’aménagement ordonné et harmonieux du territoire, le renforcement
du transport en commun et le développement du logement social
seraient sans contredit les grands perdants d’un démantèlement des
municipalités actuelles», a expliqué pour sa part M. Pierre
Dupuis, directeur québécois du Syndicat canadien de la fonction
publique (SCFP-FTQ).
Des municipalités exsangues
«Pour la FTQ, les défusions constitueraient un retour en arrière
vers l’iniquité fiscale tout en ajoutant aux difficultés
financières actuellement rencontrées par les municipalités,
particulièrement sur le plan des infrastructures.
«Un estimé conservateur de l’Union des municipalités du Québec et
du Conference Board du Canada établissait récemment à 15 milliards
de dollars le rattrapage nécessaire en matière d’infrastructures.
La nouvelle Westmount défusionnée acceptera-t-elle de payer sa
juste part de ce rattrapage?», a questionné M. Dupuis.
Une ombre sur les relations du travail
«Voilà près de deux ans que nos membres travaillent
d’arrache-pied à l’harmonisation de leurs conditions de travail et
à l’intégration des ressources humaines. De nombreux services des
anciennes municipalités, désormais dédoublés, ont été centralisés
pour plus d’efficacité. Des régimes de retraite parfois tout à fait
différents ou même opposés ont été unifiés, notamment à Saguenay et
à Longueuil.
«Des travailleuses et des travailleurs ont dû composer avec des
burn-out, une surcharge d’anxiété, d’angoisse dans un contexte
d’incertitude et de réaménagement de leurs tâches, de leur
environnement de travail.
«Demander aujourd’hui à ces personnes de détricoter ce qu’elles ont
accompli de bonne foi, leur dire qu’on repart à la case zéro et
qu’elles auront à repasser au travers de toutes les épreuves
qu’elles ont subies depuis deux ans, mais à l’envers, ça relève de
l’irresponsabilité. Une telle démarche minerait, et pour longtemps,
le climat des relations de travail dans les municipalités. C’est
une simple question de crédibilité et de confiance», a indiqué
le directeur du SCFP-FTQ.
Des règles compatibles avec une véritable démocratie
«Il demeure clair pour nous que la voie des défusions, c’est
celle de la paralysie et même du chaos. Toutefois nous avons
privilégié dans notre mémoire la tenue d’un seul référendum dans
chaque nouvelle entité créée s’il en faut un.
«Cependant, prenant acte que le ministre Fournier a déjà annoncé
tout au long des travaux de la commission qu’il entendait centrer
l’exercice dans chacune des anciennes municipalités, qu’il nous
soit permis de suggérer des règles compatibles avec la gravité de
la décision de défusionner.
«Ainsi nous demandons au gouvernement, s’il persiste dans cette
voie, que tout vote référendaire ne soit pris en compte que si et
seulement si 50% des électeurs se sont prononcés; que tout registre
ne soit ouvert que pour une seule journée; et qu’enfin, ce registre
doive comporter les signatures de 25% des électeurs pour ouvrir la
voie à un référendum.
«D’entrée de jeu nous ne voulions pas participer à ce débat sur
les règles car nous nous opposions à la tenue même de l’exercice.
Mais devant la tournure du débat et compte tenu de l’importance des
enjeux nous nous devions d’intervenir», a conclu le président
de la FTQ.