Le conseil d’administration ne retient pas l’approche PPP et demande qu’on réalise le projet au plus vite
18 février 2005
Lors de son assemblée publique d’hier soir, le
conseil d’administration du Centre de santé et de services sociaux
Québec-Sud (CSSS) n’a pas retenu l’approche des partenariats
public-privé (PPP) pour la relocalisation de la Résidence
Saint-Charles, un centre d’hébergement et de soins de longue durée
(CHSLD) de Québec. Bien que le directeur du CSSS, Sylvain Gagnon,
ait refusé de faire le débat des PPP, il a déclaré que «le
dossier [de la Résidence Saint-Charles] en mode
conventionnel est très avancé, il est connu et il faut passer à
l’étape de la réalisation pour le bénéfice des patients».
Il n’en fallait pas plus pour réjouir André
Benoît, le président du syndicat des employés de Saint-Charles,
affilié au Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP-FTQ). Il
aurait certes préféré que la direction du CSSS condamne l’approche
PPP, ce qu’elle n’a pas fait. «Mais nous arrivons à la même
conclusion: un nouveau Saint-Charles doit être construit et la
meilleure option, celle qui permet une mise aux normes, la plus
économique, n’est pas un PPP comme l’a confirmé l’étude
Mallette», a déclaré André Benoît qui, à l’évidence, savourait
la victoire de son groupe. Une vingtaine d’employés assistait à la
réunion. René Roy, secrétaire général de la FTQ, s’était joint aux
employés présents afin de bien marquer l’intérêt que la centrale
syndicale attache à ce dossier.
Rappel des grandes lignes du débat
Le dossier de la relocalisation de la Résidence Saint-Charles a
commencé, il y a 10 ans, dans le cadre d’un projet de rénovation.
Ce projet, qui visait la mise aux normes, a débouché sur un projet
de relocalisation dans un bâtiment neuf, compte tenu des coûts que
cela représentait. Le terrain pour recevoir le nouveau bâtiment a
été acheté à l’été 2003. (Il est situé en face de l’hôpital
Enfant-Jésus.) Le projet, qui a même été l’objet d’une cérémonie de
la première pelletée de terre, a toutefois connu une série de
reports successifs.
Le dernier de ces reports a fait suite à la nouvelle orientation
gouvernementale de favoriser la réalisation de projets
d’infrastructure en mode PPP. Les plans et devis préliminaires
avaient déjà été soumis et acceptés depuis un an, quand est venue
la demande de faire une étude comparative sur la réalisation des
travaux en mode conventionnel (public) et en mode PPP. Suite à
cette requête gouvernementale, une étude a été commandée par le
CSSS, en août 2004, à la firme Mallette pour comparer les deux
approches.
L’étude comparative de la firme Mallette
À la demande du CSSS de Québec-Sud, la firme Mallette a mené une
étude comparative sur la réalisation du projet immobilier de la
Résidence Saint-Charles de Québec. Cette étude, intitulée Étude
comparative entre le mode de prestation conventionnel et le mode
PAPP, a comparé deux scénarios pour la relocalisation de la
Résidence Saint-Charles, un centre d’hébergement de 132 lits, un
centre de jour d’une capacité de 50 «clients» et un point de
service du CLSC Limoilou, d’une superficie totale de 12,880 mètres
carrés. Datée du 23 novembre 2004, l’étude a été rendue publique
par le SCFP et la FTQ le 20 janvier, suite à une demande d’accès à
l’information déposée par le syndicat SCFP local des employés de la
Résidence Saint-Charles.
Plus précisément, l’étude a comparé la réalisation de ce projet
selon qu’il serait réalisé en mode conventionnel (conception,
financement et exploitation par une agence publique) ou selon un
mode de partenariat public-privé (PPP) de type B.O.T. (Build,
Operate, Transfer), c’est-à-dire pour la construction,
l’exploitation et le financement par l’entreprise avec rétrocession
à l’agence publique au terme d’un contrat d’exploitation de 25 ans.
Dans cette dernière hypothèse, l’agence publique assume les soins
de santé et paye un loyer (frais d’utilisateur) à l’entreprise
privée qui opère et entretient le bâtiment. L’étude a consisté en
un sondage sur les attentes de plusieurs entreprises privées,
potentiellement intéressées par un tel projet en PPP.
Les conclusions de l’étude Mallette
Il ressort de l’étude que la construction et l’exploitation de la
Résidence Saint-Charles coûteraient 42,2 millions de dollars en
mode conventionnel ou 56,6 millions selon la formule PPP. Sur une
période de 25 ans, le coût de revient actualisé par lit serait de
l’ordre de 430,000$ en PPP contre 320,000$ en mode conventionnel,
soit 110,000$ de plus par lit!
Toujours selon cette étude, seule la combinaison de deux conditions
pourrait conférer un léger avantage à l’approche PPP. D’une part,
le partenaire privé devrait accepter de se contenter d’un faible
rendement de 5 % et, d’autre part, les coûts de construction en
mode PPP devraient être réduits de 20 % par rapport au mode
conventionnel. Cette seconde condition signifie que les normes de
construction actuelles (ex.: qualité des matériaux de construction,
dimension des aires de repas, etc.) ne pourraient pas être
respectées. Mais, dans ce cas, on ne compare plus ce qui est
comparable. Et on est loin des prétentions de la présidente du
Conseil du trésor qui a déjà affirmé que les constructions en PPP
seraient de meilleure qualité?
Le Service de la recherche du SCFP estime que l’intérêt de cette
étude va bien au-delà du projet de relocalisation de la Résidence
Saint-Charles. Le gouvernement a maintes fois répété qu’il envisage
jusqu’à 5000 places d’hébergement en CHSLD en mode PPP. Le projet
de la Résidence Saint-Charles pourrait servir de laboratoire à tout
le Québec. Dans cette éventualité, il pourrait en coûter un
demi-milliard de dollars de plus (5000 fois 110,000 $) de procéder
en mode PPP.
Les analystes du SCFP estiment que cette surfacturation reste
conservatrice. «Malgré des hypothèses toutes aussi improbables
que favorables au PPP (sous-estimation du rendement attendu, du
taux de financement bancaire et des coûts d’exploitation), la firme
Mallette ne parvient qu’à démontrer que le mode conventionnel
(financement, propriété et exploitation par le secteur public)
demeure, et de très loin, plus avantageux qu’un PPP du point de vue
des contribuables.» Selon le SCFP, la note pourrait être encore
plus salée en fin de compte.
La firme Mallette et son mandat d’étude
Mallette est une firme qui offre divers services, entre autres, les
services-conseils. Elle opère surtout dans le marché de l’Est du
Québec.