La syndicalisation au Québec: la règle en Amérique du Nord
4 février 2011
Cette semaine, lInstitut économique de
Montréal a recyclé un communiqué de presse en lettre ouverte.
Celle-ci a été publiée dans les pages de
La Presse
mercredi. Excédé
par la vision biaisée et tronquée de lIEDM, le SCFP a décidé à son
tour de prendre sa plume et de répondre aux inexactitudes de Michel
Kelly-Gagnon dans un texte signé par Serge Morin, directeur-adjoint
du SCFP au Québec. Cela nous permet de présenter les choses dans
leur véritable contexte tout en dévoilant des pans de la réalité
qui ne correspondent aux souhaits des séides de la droite. La réplique du SCFP est parue aujourdhui
(vendredi) dans La
Presse. Voici
le texte intégral.
Linstitut
économique de Montréal persiste et
senlise. Après avoir dénoncé
de façon maladroite les règles dadhésion obligatoire et la formule
Rand, voilà que le PDG de lIEDM, Michel Kelly-Gagnon, revient à la
charge. Il continue daffirmer que les règles québécoises sur les
clauses dadhésion, négociées entre les parties, et la cotisation
obligatoire sont « hors norme ». Voyons cela de plus près.
À propos des clauses dadhésion obligatoire, il souhaiterait que le
Code du travail du Québec les proscrive. Il balaie sous le tapis le
fait que celles-ci sont également autorisées par larticle 68 du
Code canadien du travail. Cest aussi permis par le National Labor
Relations Act des États-Unis, qui est toujours appliqué dans 28
États, soit la majorité des États américains. Enfin, de telles
mesures sont également compatibles avec la Convention de
lOrganisation internationale du travail, une institution
spécialisée des Nations unies. Une exception le Québec? Non, il
sagit plutôt de ce quon retrouve généralement en Amérique du
Nord.
Monsieur Kelly déplore ce qui
serait, à ses yeux, une violation dune «liberté fondamentale ».
Nous lui rappellerons seulement, en nous fondant sur les écrits
dInnis Christie, professeure à la Dalhousie Law School que « Selon
la jurisprudence, ce genre de clause de sécurité syndicale
constitue une limite raisonnable aux droits garantis par la Charte
canadienne des droits et libertés.»
Pour clore notre démonstration, il convient de souligner que les
clauses dadhésion obligatoire ont nécessairement reçu lappui
démocratique dune majorité de membres lors dune assemblée
générale. De surcroît, comme elles sont incluses dans la convention
collective, ces clauses ont été négociées et acceptées par la
partie patronale. Et les parties sont coresponsables des éléments
du contrat de travail. Si des clauses dadhésion obligatoire
existent dans plus de 7200 contrats de travail au Québec, cest
quil y a 7200 patrons qui les ont acceptées.
Le principe du resquilleur
À propos de la formule Rand, son abandon signifierait lacceptation
du principe du resquilleur (the free rider). Ce type dindividu est
celui qui cherche à profiter des avantages disponibles dans notre
cas ceux liés à la convention collective – tout en évitant de
contribuer et en laissant les autres payer pour lui. Cest ce que
juge Rand a empêché en 1946, en rendant obligatoire la cotisation
syndicale à tous ceux qui bénéficient des dispositions du contrat
collectif. Un principe qui a été confirmé en 1991 par la Cour
suprême du Canada dans de larrêt Lavigne.
Les comparaisons
européennes
Le porte-parole de lIEDM manque de nuance lorsquil affirme que
dans les 47 pays du Conseil de lEurope, il est interdit dadopter
des clauses de sécurité syndicale. Les incitatifs sont parfois si
puissants que la frontière est ténue. Ainsi, en autres, en Belgique
et en Suède, ce sont les syndicats qui gèrent les caisses
dassurance-chômage, même si elles sont financées par des fonds
publics. Une bonne raison de devenir membre!
On le constate, toute comparaison avec les régimes européens à
partir dun seul élément est nécessairement boiteuse puisque cest
lensemble de lenvironnement des relations de travail qui est
radicalement différent. En France, tous les travailleurs
syndiqués ou non, bénéficient de 5 semaines de vacances payées, les
syndicats participent à des négociations nationales qui touchent
des travailleurs syndiqués ou non, les salariés ont droit à un avis
de quatre semaines avant dêtre licenciés, les employeurs nont pas
le droit au lock-out et les syndicats sont subventionnés par
lÉtat. Ainsi, 43 % du budget de la Confédération générale du
travail (CGT) provient de subventions. Chez nous au Québec, les
syndicats défendent les droits de leurs membres, les représentent
et négocient en leur nom sans aucune subvention gouvernementale.
Êtes-vous certain que vous préférez le modèle européen Monsieur
Kelly-Gagnon?
Serge Morin
Directeur-adjoint SCFP