La surveillance abusive préoccupe le SCFP
10 janvier 2007
Suite à la
publication de l’ouvrage Au travail et sous surveillance par
le Service de la recherche du SCFP, nous revenons sur ce sujet
compte tenu de son importance.
Dans son dernier numéro, L’Arobas, le journal des
spécialistes et professionnels d’Hydro-Québec (4250) a publié une
entrevue avec Linda Craig, l’auteure d’Au travail et sous
surveillance. Nous avons cru bon de partager ces propos avec le
plus grand nombre.
L@robas: Les employeurs ont-ils le droit de surveiller leurs
employés?
L. Craig: Généralement, les tribunaux reconnaissent aux employeurs
le droit de contrôler l’exécution du travail. Toutefois, il importe
de préciser qu’il y a des limites à la surveillance que peut
effectuer un employeur. Par exemple, les tribunaux rejettent l’idée
qu’une caméra puisse être constamment braquée sur une ou des
personnes. Une surveillance constante va à l’encontre de l’article
46 de la Charte des droits et libertés de la personne qui stipule
qu’une personne a droit à des conditions justes et raisonnables de
travail. Par ailleurs, pour que la surveillance spécifique d’une
personne soit acceptable, l’employeur doit avoir des motifs
sérieux.
L@robas: Est-ce que la même logique
sapplique à la surveillance de lutilisation dInternet (courriel
ou navigation)?
L. Craig: Les tribunaux se sont peu prononcés sur la légitimité de
cette surveillance. Toutefois, à la lumière de la jurisprudence, on
remarque qu’ils tendent à appliquer des critères similaires. Il
faut avoir de bons motifs pour effectuer une surveillance
spécifique. Le Tribunal appelé à juger un employé accusé, par
exemple, d’utilisation inappropriée du matériel technologique
prendra en considération plusieurs facteurs atténuants tels qu’un
dossier disciplinaire vierge, l’absence de politique d’entreprise
ou des facteurs aggravants comme un degré élevé d’autonomie.
L@robas: Est-ce que les employés syndiqués sont mieux
protégés?
L. Craig: Ils ont plus de recours parce qu’ils ont accès à
larbitrage. De plus, ils bénéficient du soutien juridique et moral
de leur syndicat. Un employé non syndiqué devra déposer sa plainte
chez l’instance appropriée : Commission des normes, Commission des
droits de la personne, Commissariat à la protection de la vie
privée, etc. Les procédures sont longues et compliquées. Du côté
fédéral, par exemple, la plainte sera déposée au Commissariat de la
protection de la vie privée qui fera enquête et transmettra ensuite
ses recommandations, lesquelles ne sont évidemment pas exécutoires.
Si une partie ou l’autre est insatisfaite, elle devra ensuite
s’adresser à la Cour fédérale, encore des délais.
L@robas: La filature semble être une surveillance extrême.
Quand est-elle justifiée?
L. Craig: Les tribunaux reconnaîtront qu’une filature est justifiée
dans les cas où, par exemple, un employé reçoit sans droit des
prestations de la CSST. Ici aussi, l’employeur, devra, avant de
commander une filature, avoir des motifs sérieux de croire qu’il y
a fraude.
L@robas: Avez-vous été surprise par ce que vous avez appris
dans le cadre de vos recherches?
L.Craig: Une de mes plus grandes surprises était en rapport avec
lutilisation des ordinateurs. Beaucoup de gens croient, à tort,
que cest confidentiel, que cest anonyme. Toutefois, rien ne se
perd en informatique, si on le veut, on peut tout retrouver. Alors,
faites attention!