La parole aux artisans!
8 septembre 2004
Les audiences du CRTC dans le dossier de la
vente éventuelle de Radiomédia à Corus se sont poursuivies toute la
journée, mercredi à Gatineau. Nos représentants du Conseil
provincial du secteur des communications (CPSC-SCFP) et des
syndicats des employés de CHRC et CKAC ont profité de cette tribune
pour exprimer, de vive voix, leur opposition au projet mis de
l’avant par Corus Entertainment.
Dans leur allocution, nos intervenants ont clairement expliqué les
dangers et les pièges de l’actuelle transaction. «Tout ce qui
s’est dit depuis le début de ces audiences nous confirme qu’il
s’agit d’une très mauvaise transaction. Disons-le franchement,
l’opération de Corus sent l’improvisation à plein nez. Ce projet
n’a ni queue ni tête. Il est voué à l’échec parce que ce n’est pas
un plan de relance, mais un plan de déconstruction du AM».
«À Montréal, Corus propose de banaliser, marginaliser et vider
d’une bonne partie de sa substance un fleuron de l’information au
Québec, CKAC, et ce, au profit d’autres joueurs Corus dans ce
marché, le 98,5 FM et Info 690». Il s’agit là d’un élément
essentiel pour la compréhension de la manuvre ici tentée par Corus
: éliminer la salle de nouvelle de CKAC et sa vingtaine de
journalistes – en faire une simple station de livraison ou de
retransmission de nouvelles venant d’ailleurs – dans le but de
laisser le champ libre à Info 690, et, en même temps, faire
disparaître toutes les émissions d’affaires publiques de CKAC afin
de favoriser l’essor leur nouvelle station « parlée » située au
98,5 FM.
Perdre une salle de nouvelles : un
progrès?
Dans ce scénario, CKAC perd sa voix unique et originale, sa
vocation de source de nouvelles locales et nationales et est
écartée du champ de la cueillette et du traitement indépendant de
l’information. Car il est évident que les trois personnes affectées
à CKAC – mais faisant partie d’une entité abstraite nommée «Corus
Nouvelles» – ne seront plus des journalistes, mais de simples
lecteurs, affairés à combler les espaces prévus dans les bulletins
de nouvelles, que Corus présente comme de la «production locale».
En somme, si cette transaction était acceptée, on ne verrait plus
jamais de micro CKAC lors d’une conférence de presse, un événement
socioculturel ou sur les lieux d’un fait divers. Une perte qu’aucun
saupoudrage ou rafistolage ne pourra jamais combler.
Une voix pour ma région!
Notre syndicat de la station de Québec et plusieurs autres
intervenants entendus par le CRTC ont exprimé inquiétude concernant
l’avenir des stations régionales de Radiomédia. Actuellement, grâce
à une production d’émission locale non négligeable, ces stations
reflètent les réalités, les débats et les couleurs des régions où
elles sont implantées. Le projet de Corus, qui vise à réduire à
seulement 20 heures semaine la production locale – on parle ici
exclusivement des bulletins de nouvelles aux heures de grandes
écoute exécutés par les trois lecteurs – écarte bon nombre
d’émissions appréciées et jugées essentielles par les auditeurs et
les représentants de plusieurs régions. Celles-ci refusent en bloc
la «montréalisation» des ondes.
Une crise financière? vraiment?
Dans son argumentaire pour justifier le démantèlement de la salle
de nouvelles de CKAC et la réduction draconienne de la production
locale, Corus invoque une soit disant crise financière ou situation
économique dramatique dans laquelle se trouverait l’ensemble du
réseau Radiomédia. Rappelons simplement qu’à Montréal, CKAC a
toujours plus de 650,000 auditeurs, qu’elle est la radio parlée la
plus écoutée et qu’elle se classe troisième toutes catégories
confondues. Les pertes récentes se conjuguent à une baisse abrupte
et étrange des ventes de publicité nationales de CKAC. Dans son
allocution, le CPSC a révélé l’existence d’une dérive importante
dans la vente de publicité nationale pour CKAC : « es
représentants chez Radio-Plus, chargés des ventes nationales pour
l’ensemble des stations d’Astral, privilégient systématiquement les
FM et offrent rarement CKAC à leurs clients, malgré une entente de
non-maraudage Corus continue de faire signer des contrats à des
gens encore récemment liés à CKAC, Astral laisse Corus affirmer que
CKAC fermera sous peu et qu’il est inutile d’y acheter de la
publicité». «On peut le constater, Astral a créé un déficit de
toute pièce à CKAC. Pour autant qu’on cesse de lui attacher des
blocs de béton aux chevilles, le potentiel financier de CKAC est
enviable.» Il convient donc dans ce contexte de miser sur
l’expertise et l’implantation dans leur milieu des artisans de
Radiomédia et de présenter un véritable plan de relance.
Finalement, le SCFP considère qu’il existe suffisamment d’acteurs
intéressés par une véritable relance du réseau Radiomédia pour
écarter l’offre actuelle, trop dangereuse à bien des égards pour
l’intérêt public, la diversité des sources d’information et le
maintien de stations régionales reflétant réellement leurs
collectivités.