La loi 62, une menace pour plusieurs services publics
27 mai 2005
Cela est pratiquement passé inaperçu, mais
début mai, les libéraux de Jean Charest, appuyés par l’ADQ et le
Parti québécois, ont fait adopter une loi qui risque de bouleverser
considérablement le paysage municipal au Québec et plus
particulièrement le financement et la gestion de certaines
infrastructures. Adoptée à l’unanimité, la loi 62 n’a pas encore
fait trop de vagues, ce qui ne signifie pas qu’elle soit
inoffensive, bien au contraire. Plusieurs environnementalistes et
intellectuels se penchent déjà sur les possibles impacts de cette
législation. Chez nous, nos syndicats des secteurs municipal et
hydroélectrique s’inquiètent. Une résolution d’urgence dénonçant la
dénationalisation partielle d’Hydro-Québec et la possibilité que
des villes puissent, grâce à des PPP, produire, transporter et
distribuer de l’électricité a d’ailleurs été adoptée lors du
dernier congrès du SCFP-Québec.
La loi 62 est une des lois du gouvernement
Charest visant à donner au secteur privé une place de plus en plus
importante dans la production et la livraison des services publics.
Ainsi, la loi 61 a créé l’Agence des partenariats public-privé qui
fait la promotion des PPP mais dont la juridiction ne s’étend pas
jusqu’aux municipalités. De son côté, la loi 60 a créé un nouvel
outil de financement pour les villes, la Société de financement des
infrastructures locales. La SFIL devra gérer les subventions
gouvernementales (provinciales ou fédérales) selon des conditions
encore indéterminées, ce qui laisse croire que l’État québécois
pourrait décider de forcer la main aux municipalités en ce qui
concerne les règles de financement, de gestion ou même de
propriétés des infrastructures locales et imposer de cette façon
des partenariats avec le privé.
Enfin, un des éléments essentiels de la loi 62 est la possibilité
pour une municipalité d’aliéner ses propres compétences au profit
d’un tiers. C’est-à-dire que les villes et les MRC ont désormais la
capacité de confier à une entreprise privée certaines de leurs
responsabilités, comme les systèmes d’aqueduc, les égouts, la lutte
aux incendies, la récupération, le traitement des eaux, etc. On
permet donc aux municipalités de conclure des PPP avec des
entreprises privées, que ce soit par les outils créés par la loi 61
(Partenariats Québec) ou la loi 62 (la SFIL). On passe d’un état où
on utilise les compétences du privé sous un contrôle public à une
situation où l’on transfère les pouvoirs publics aux mains du
privé.
Comme une municipalité a le pouvoir d’appuyer financièrement des
projets qui dépassent les strictes infrastructures locales – on
parle ici de production d’énergie, d’environnement, de transport,
de culture, ou même de l’exploitation d’un centre hospitalier – on
peut craindre que la conjonction de ces trois lois soit la voix
royale vers la privatisation de toute une série de nos services
publics.
Compteurs d’eau au profit d’une multinationale, perte de contrôle
démocratique sur nos infrastructures, multiplication des petits
barrages privés, retour massif des péages sur des routes en PPP,
réapparition d’hôpitaux privés, frais spéciaux pour la récupération
de nos déchets, etc, la loi 62 ouvre la porte à une série de reculs
pour les citoyens québécois. Dans ce contexte, nous devons être
vigilants et porter une attention particulière aux décisions des
nos dirigeants municipaux qui seront prises dans le cadre de cette
nouvelle législation.
*Cet article a été notamment inspiré des documents de la
Coalition Eau Secours et de l’article La réingénérie québécoise
version municipale rédigé par Marie-Claude Prémont, Vice-doyenne
aux études supérieures de la Faculté de droit de l’Université
McGill, et soumis à la revue Flux en novembre 2004.*