La «famille» avait besoin de bras
2 avril 2008
(MMQ) – Craignant que le lock-out au Journal
de Québec ne nuise à son approvisionnement en nouvelles de la
capitale nationale, le président de Canoë, Bruno Leclaire, a vite
fait appel à léditeur du Journal
de Québec, Pierre Francur, pour laider à solutionner son
«problème».
«Quand je vois quil y a un
risque pour mon contenu (en provenance de Québec),
je minforme à savoir si ça va
être long ou non (le lock-out). Je me concerte ensuite avec mes gens, parce
que la ville de Québec est mon cinquième marché en importance au
Canada», est venu raconter le patron du portail Canoë, hier,
devant la Commission des relations du travail (CRT) qui entend les
plaintes du syndicat des employés du Journal de Québec concernant
lutilisation alléguée de 17 briseurs de grève.
«Vous vous
informez auprès de qui?» lui a demandé Me Louis Bernier,
procureur de lagence de nouvelles Nomade créée depuis pour
alimenter le portail Canoë. «Pierre Francur», répond Bruno
Leclaire.
«Intimement lié»
«Dès lannonce du lock-out, le
premier réflexe de Bruno Leclaire a été dappeler le grand patron
du Journal de Québec, Pierre Francur, pour lui dire: je suis dans
le trouble. Curieusement, on avait appris auparavant que le patron
de Pierre Francur, Pierre Karl Péladeau, avait lui-même appelé
dans la même période Sylvain Chamberland pour lui demander: jai
besoin dune agence de presse. Tout cela est intimement lié, vous
ne trouvez pas?» a commenté Denis Bolduc, porte-parole des
252 employés en conflit au Journal de Québec.
Ce lien soulevé par Denis Bolduc fait référence au témoignage de
Sylvain Chamberland du 12 mars. Devant la commissaire Myriam
Bédard, Chamberland avait alors expliqué comment il avait lancé
lagence Nomade qui alimente actuellement en articles et en
photographies le portail Canoë, duquel toutes les branches de
Quebecor (Journal de
Québec, Journal de
Montréal, TVA, Publications TVA, 24 heures, Sun Media, etc.) peuvent
sapprovisionner, puisque Nomade lui en cède les droits.
Un «problème» à Québec
La situation de Québec représentant un «problème» en raison du lock-out,
Bruno Leclaire a finalement donné suite aux recommandations de ses
subalternes dembaucher une dizaine de journalistes dans la région
de Québec. «Québec étant une
capitale nationale, il y a beaucoup de contenu qui intéresse nos
autres marchés», explique le président, qui positionne
Québec en importance de ses portails francophone et anglophone
derrière les marchés de Montréal, Toronto, Calgary et Ottawa.
Au début de juin 2007, un peu plus dun mois après le début du
conflit de travail au Journal de
Québec (le 22 avril), une équipe de journalistes était à
luvre après quils eurent signé des contrats «les plus courts possible», selon
Bruno Leclaire, reconnaissant ensuite que «ça prenait un minimum de trois mois, sinon
il aurait été difficile de recruter des journalistes».
Cest ensuite vers la fin de juillet suivant que Sylvain
Chamberland a communiqué avec Bruno Leclaire pour linformer du
lancement imminent dune agence de presse (Nomade) et pour tâter
son intérêt. «Je contre-vérifie
auprès de Pierre Francur ce que Sylvain me dit», affirme
notamment Bruno Leclaire dans son récit menant au lancement de
lagence Nomade.
Bolduc: «De plus en plus évident»
«On avait commencé à mettre la
table et, aujourdhui (hier), il y a de nouveaux plats intéressants qui se
sont ajoutés à la table. Après avoir entendu le témoignage de ce M.
Leclaire, il est de plus en plus évident que des journalistes et
photographes ont fait leur apparition à Québec, parce quil y avait
un conflit au Journal de Québec», a exprimé Denis Bolduc.
«Canoë fait partie de la même grande famille (Quebecor).
Or, au lendemain du conflit, la
préoccupation des Péladeau, Francur et Leclaire de ce monde,
cétait davoir du sang neuf pour pouvoir couvrir le territoire de
Québec en remplacement des journalistes et photographes qui
faisaient normalement le travail au Journal de Québec.
Les coûts engendrés par ces
remplacements allaient facilement être assumés par la
famille», a commenté lun des deux procureurs syndicaux,
Jacques Lamoureux, qui a dirigé le contre-interrogatoire dhier.
Suite le 14 mai
Ce témoignage de Bruno Leclaire a terminé la preuve du procureur de
lagence Nomade, Louis Bernier. Après six journées tenues depuis le
14 janvier, ces audiences de la CRT se poursuivront le 14 mai avec
les preuves des procureurs de lagence de photographie Keystone et
du Journal de Québec.
Les dates des 16, 23, 26, 30 mai et du 2 juin ont aussi été
encerclées.
Controverse sur une
poursuite
Une question adressée au président de Canoë sur la poursuite
criminelle visant lun de ses journalistes a soulevé une
controverse, hier.
«Êtes-vous au courant de cette
poursuite?» a demandé lavocat représentant les syndiqués,
Jacques Lamoureux, au président de Canoë, Bruno Leclaire.
«Mon service du contentieux
soccupe de ça», lui a répondu ce dernier, avant que le
procureur de lagence Nomade, Louis Bernier, ne sinterpose
(«Je ne vois pas la
pertinence»).
Rappelons que le journaliste de Canoë, Hubert Lapointe, de même que
Canoë, Quebecor Media et Sun Media sont accusés en cour criminelle
doutrage au tribunal pour ne pas avoir respecté une ordonnance de
non-publication. Hubert Lapointe est également lune des 17
personnes visées par les plaintes des syndicats dans la cause
devant la Commission de relation du travail.
Sachant que les intérêts des quatre parties dans la poursuite
criminelle sont défendus par une seule et même firme (Me Isabel Schurman),
les représentants syndicaux ont voulu démontrer les liens qui
unissent chacune des branches de Quebecor.
Après avoir invité Bruno Leclaire à quitter la salle daudience
pour entendre les raisons motivant ces questions des procureurs
syndicaux, la commissaire Myriam Bédard a réagi ainsi: «Quelles conclusions devra-t-on en tirer? Je
verrai selon les arguments qui seront présentés.»