Filet social, services publics, protection du revenu: c’est vital!
1 mai 2025
La deuxième journée du 34e congrès du SCFP-Québec, ayant pour thème « Sauvons nos services publics », s’est conclue avec une présentation de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) portant sur le filet social. Anne Plourde, docteure en science politique et chercheuse à l’IRIS, a été invitée à discuter des bienfaits du filet social et de l’état de la situation au Québec et au Canada.
La population essuie depuis un certain moment les assauts répétés des gouvernements et d’une partie du discours ambiant contre le filet social. L’État-providence est critiqué dans les médias pendant que les élus annoncent des coupes budgétaires et des mesures d’austérité, ou ouvrent la porte à la privatisation des services publics.
Qu’est-ce que le filet social?
La chercheuse présente le filet social comme l’ensemble des services publics et des programmes de protection du revenu qui garantissent la sécurité économique des travailleuses et des travailleurs. Les services publics sont constitués notamment du système de santé, du système d’éducation, des systèmes de transport collectif, des centres de la petite enfance, d’Hydro-Québec, etc. Les programmes de protection du revenu comportent l’assurance emploi, l’assurance parentale, la sécurité de la vieillesse, les allocations familiales, l’assurance maladie, l’assurance médicaments, l’aide financière de dernier recours, etc. Les organismes communautaires, s’ils sont financés par l’État, font partie du filet social.
Pour bien comprendre le rôle du filet social pour les travailleuses et les travailleurs, Anne Plourde définit ces derniers : individus n’ayant pas de moyens autonomes de subsistance, qui ne possèdent pas un capital suffisant pour survivre sans être forcés de travailler. Ils dépendent d’un salaire ou du soutien offert par le filet social. La grande majorité de la population répond à ces critères.
La fonction du filet social est donc de défendre les travailleuses et les travailleurs contre l’insécurité financière. D’une part, les services publics diminuent la dépendance à l’égard du travail en abaissant la pression économique sur la population. D’autre part, les programmes de protection du revenu réduisent les effets de l’assujettissement au marché du travail.
Les dangers
Afin d’illustrer les dangers de l’effritement du filet social, la conférencière a fait le portrait de la situation sociale à l’avènement du capitalisme au 19e siècle. À cette époque, les paysans sont séparés de leurs moyens autonomes de subsistance. L’exode vers les centres urbains a entraîné une grande insécurité économique pour la population. Aucune norme minimale n’existe, que ce soit sur le plan des heures de travail, des congés et des vacances, de l’âge du travail, du salaire minimum, du logement, etc. La mobilisation syndicale est alors illégale. Les services publics et les mesures de protection du revenu sont inexistants. Les individus sont donc complètement dépendants de leur salaire et par le fait même de leur employeur. La naissance du capitalisme est associée à une explosion des inégalités et à une détérioration de l’état de santé et de l’espérance de vie.
Où se situe le Canada?
Comparant l’État-providence libéral et social-démocrate en prenant pour exemples les situations aux États-Unis et en Suède, Anne Plourde illustre bien les effets négatifs de la faiblesse du filet social inhérente au modèle libéral. Elle a démontré que le Canada se trouve à mi-chemin entre les États-Unis et la Suède pour la plupart des indicateurs présentés.
Enfin, elle a conclu en mentionnant que le rapport de force de la classe ouvrière est tributaire de la solidité du filet social. En effet, une intensification des luttes sociales mène à des gains sociaux qui ont pour conséquence de diminuer la dépendance au marché du travail et, par le fait même, de réduire l’insécurité économique. Cette insécurité étant atténuée, la combativité des travailleuses et travailleurs s’accroît, ce qui se traduit par une augmentation des luttes sociales. Ce cercle vertueux est bien évidemment au grand bénéfice de ces personnes.
Les mobilisations importantes des années 1960 et 1970 ont donné lieu à de grandes victoires, tant du côté des services publics que des mesures de protection du revenu. Le virage néo-libéral qui s’est opéré dans les années 80 et qui perdure depuis menace ces acquis.
En conclusion, la chercheuse fait valoir que la sécurisation du filet social donne aussi aux travailleuses et travailleurs une bien meilleure posture pour négocier leurs conditions de travail et qu’il est donc important de renverser la vapeur.