Fermer des hôpitaux pour économiser : une imposture
19 janvier 2007
Ça paraît simple, mais ça ne fonctionne pas! À
première vue, on pourrait croire que fermer des lits ou des
hôpitaux permet de réaliser des économies. Cependant, après avoir
analysé cette solution, mise en place dans plusieurs villes et
États américains, le professeur Alan Sager, du Boston University
School of Public Health, conclut que cest un mythe. Dans la
plupart des cas, les coûts ont continué de grimper et les services
à la population ont diminué.
Le professeur Sager a présenté les résultats de son étude le 15
janvier dernier, lors dun point de presse organisé pour défendre
lavenir du Centre hospitalier Lachine et sauvegarder son mandat
communautaire. On sait que lAgence montréalaise souhaite depuis
des mois transformer linstitution en clinique ambulatoire ce qui
entraînerait, entre autres, la fermeture du département des soins
intensifs et la fin de lhôpital tel quon le connaît.
En fait, selon Alan Sager, il y a une
compétition inéquitable entre les hôpitaux universitaires et les
hôpitaux communautaires. Les premiers sont beaucoup plus coûteux,
souvent moins efficaces, mais la plupart du temps, ce sont les
seconds qui font les frais des coupures budgétaires. Dans le cas de
Montréal, selon lui, on peut faire un rapprochement entre la
construction à coup de centaines de millions des deux futurs
CHUM, et les compressions exigées un peu partout, notamment à
Lachine. Avec, dans toute la région, une pénurie de lits aux soins
intensifs et des urgences qui débordent, le professeur se demande
pourquoi lAgence montréalaise a décidé de couper ces services à la
population du sud-ouest de la métropole.
Au Québec, les dépenses reliées aux hôpitaux sont plus modestes
quailleurs au Canada, même si nous offrons en moyenne 21 % plus de
lits par 1000 personnes que dans les autres provinces. De plus,
ici, 38 % des lits se trouvent dans des institutions universitaires
dont les coûts sont supérieurs , contre 30 % dans le reste du
pays. Le professeur Sager voit donc mal comment la disparition de
lits dans des petits hôpitaux communautaires pourrait générer des
économies et permettre de bâtir un réseau de la santé efficace à
bon prix.
Les données recueillies aux États-Unis ne démontrent pas de lien
entre un ratio supérieur de lits disponibles par citoyen et des
coûts plus élevés pour les hôpitaux ou les systèmes de santé en
général. En fait, si le nombre de lits augmente, les coûts
augmentent et si le nombre de lits diminue, les coûts augmentent
quand même. En fermant des institutions ou en transformant le
mandat des hôpitaux communautaires tels Lachine, on sattaque aux
symptômes, pas aux causes des problèmes financiers. Soulignons que
cette politique a aussi des impacts sur la qualité de vie des
personnes et sur la santé publique. Après la fermeture dun
hôpital, 30 % des patients cessent carrément de se faire soigner,
souvent parce quils sont loin du nouveau point de service.
Soulignons que les plus petits hôpitaux, efficaces, mais situés
dans des quartiers pauvres, ont plus de chance dêtre fermés que
les grandes institutions qui, elles, sont moins efficaces mais
politiquement intouchables. Les fermetures dhôpitaux sont en
général des coups déclats médiatiques pour montrer que les
décideurs agissent. Loin dêtre une politique efficace de contrôle
des dépenses publiques, elles ne font, à la fin du compte, que
réduire laccessibilité aux soins de santé.