De sérieuses conséquences sur la réussite et la persévérance scolaire des jeunes
15 avril 2011
Dans le cadre du colloque Briser le silence: une responsabilité à
partager, Line Chamberland, professeure au Département de
sexologie de l’Université du Québec à Montréal, a présenté les
résultats d’une étude qu’elle a menée en collaboration avec
d’autres chercheurs1. Cette recherche avait pour but de savoir,
notamment, comment la violence homophobe se traduit au secondaire
et au cégep et quelles sont ses conséquences sur la persévérance et
la réussite scolaire des jeunes qui en sont victimes.
Plus de 300 participants et participantes sont réunis à
l’Université du Québec à Montréal (UQAM) à l’occasion du Colloque
pour agir contre l’homophobie dans le réseau de l’éducation ayant
comme thème Briser le silence:
une responsabilité à partager. L’événement est placé sous la
présidence d’honneur du comédien Martin Larocque qui affirme
supporter l’événement «parce que
je veux lancer un appel à reconnaître le droit d’aimer qui, comme
et quand on veut.»
Des conclusions
surprenantes
Selon Line Chamberland, ce qui est le plus surprenant, c’est
l’ampleur du phénomène. Dans les écoles, les propos homophobes (p.
ex., «c’est fif» ou
«c’est gai») seraient les
termes péjoratifs les plus fréquemment utilisés, avec près de 87%
des jeunes affirmant les entendre régulièrement. De plus, 67%
d’entre eux ont affirmé avoir entendu un autre élève se faire
traiter de manière insultante, souvent ou occasionnellement, de
«tapette» ou «d’homo», et ce, depuis le début de
l’année scolaire.
Des insultes à caractère
homophobe
«C’est considérable! Surtout si
l’on tient compte du fait que 8% des jeunes s’identifient
homosexuels ou affirment être en questionnement. Ce phénomène
touche donc beaucoup plus d’élèves qu’on pourrait le croire, et ce,
sans égard à leur orientation sexuelle. Au collégial, on observe
une tendance similaire. Toutefois, la proportion est moindre : près
de 69% des répondants affirment entendre régulièrement des termes
péjoratifs à caractère homophobe, alors que 31% soutiennent
entendre souvent des insultes homophobes.»
Si 38% des élèves du secondaire et près de 5%
des cégépiens affirment avoir subi au moins une fois une forme de
violence homophobe depuis la rentrée des classes (p. ex., insulte,
exclusion, cyberintimidation, vandalisme, agression physique ou
sexuelle), ce sont les jeunes s’identifiant LGBT qui sont
proportionnellement plus nombreux à en être victimes.
«Un grand nombre d’élèves et d’étudiants victimes d’homophobie
souffrent en silence, préférant taire ce qu’ils ont vécu parce
qu’ils considèrent que l’événement n’était pas assez grave ou que,
de toute façon, rien ne sera fait pour corriger la situation.
L’enquête nous a aussi permis de constater que la vaste majorité
des jeunes ont déjà été témoin de comportements homophobes. Et
parmi les raisons invoquées pour expliquer le fait qu’ils n’ont pas
dénoncé la situation, plusieurs ont affirmé qu’ils avaient
l’impression, eux aussi, que rien ne serait fait»,
poursuit-elle.
Une incidence sur la réussite et
la persévérance scolaires
«L’école est le principal milieu
de vie et de socialisation des adolescents. Lorsqu’ils sont
régulièrement victimisés, ils sont plus à risque de développer des
troubles anxieux ou de l’humeur, d’avoir une faible estime
d’eux-mêmes ou, encore, de songer au suicide. Ces jeunes, qu’ils
soient homosexuels ou hétérosexuels, sont aussi plus enclins à
éprouver des difficultés scolaires, à ressentir un faible sentiment
d’appartenance envers leur école ainsi qu’à envisager l’abandon de
leurs études ou à ne pas poursuivre leurs scolarités au-delà du
diplôme d’études secondaires. Clairement, il semble que c’est la
victimisation qui a une incidence sur la réussite et la
persévérance scolaires, et non l’orientation sexuelle»,
explique Line Chamberland.
De manière générale, au secondaire comme au cégep, si les garçons
sont plus souvent victimes de ce type d’injures que les filles, ils
sont aussi plus portés à poser de tels gestes. Quant aux filles,
elles sont plus sujettes à la victimisation homophobe de nature
sexuelle et à la cyberintimidation.
Toutefois, l’incidence de l’homophobie semble beaucoup moins
importante au collégial qu’au secondaire. Les étudiants sont plus
matures et ouverts d’esprit alors que la dynamique de clan telle
qu’on la trouve au secondaire a pratiquement disparu. L’enquête a
permis d’observer également que le langage ou les incidents
homophobes sont plus importants dans les programmes ayant une
clientèle majoritairement masculine que dans ceux ayant une
clientèle mixte ou principalement féminine. Cependant, l’équipe de
chercheurs a constaté que les personnes ayant été victimes de
violence homophobe au secondaire demeurent fortement marquées par
ces expériences lorsqu’elles commencent leurs études collégiales.
Un plan de lutte contre la violence avec un volet sur
l’homophobie
Selon la chercheuse, il est impératif que la violence homophobe
soit condamnée dans les établissements d’enseignement, au même
titre que toute autre forme de violence. À cet effet, les écoles
secondaires et les cégeps devraient notamment adopter et promouvoir
une politique de lutte contre la violence qui inclut un volet sur
l’homophobie, tout en se dotant d’un programme de prévention. Il
est aussi essentiel d’outiller adéquatement les enseignantes et
enseignants, dès leurs études universitaires, pour qu’ils puissent
contribuer à prévenir l’homophobie dans leur établissement. Par
ailleurs, les cours d’éducation sexuelle devraient être réintégrés
dans le cursus académique du secondaire.
L’une des lacunes importantes relevées par les répondants est la
très faible place accordée à l’homosexualité dans leur
environnement scolaire. Plusieurs ont souligné le manque – voire
l’absence – d’activités de sensibilisation et de discussions en
classe durant leur parcours scolaire.
La méthodologie
Au total, 1844 étudiantes et étudiants, issus de 26 cégeps, ont
collaboré à l’étude en 2008 par le biais d’un questionnaire. En
2009, ce sont 2 747 élèves de 3e et 5e secondaire provenant de 30
écoles à travers la province qui ont également rempli le
questionnaire. Les chercheurs ont aussi rencontré individuellement
73 jeunes LGBT, âgés de 14 à 24 ans. Jusqu’à présent, aucune
enquête de ce genre n’avait été réalisée dans les établissements
scolaires ou collégiaux du Québec. Il est possible de consulter les
résultats de la recherche à www.homophobie2011.org.
Ce colloque a été organisé par les Tables nationales de lutte à
l’homophobie qui regroupent la grande majorité des organisations
syndicales, étudiantes et patronales du milieu de l’éducation. Ces
deux Tables sont l’initiative de la Centrale des syndicats du
Québec (CSQ). Le SCFP-Québec était lune des organisations
partenaires de cet événement.