Détresse psychologique chez les cols bleus
16 mai 2006
Bien quon aborde rarement leur travail sous
cet angle, les cols bleus sont nombreux à souffrir de traumatismes
liés au harcèlement psychologique subi dans leur environnement
professionnel. Cest ce que conclut une étude effectuée lan
dernier par Angelo Soares, professeur au Département dorganisation
et ressources humaines de lUQAM. Financée par le Service aux
collectivités de luniversité, létude est basée sur les réponses
écrites de près dun millier demployés manuels de la Ville de
Montréal. Et les résultats sont surprenants : au moment de létude,
23 % des cols bleus se disaient victimes de harcèlement
psychologique et 20 % en avaient subi dans les 12 mois précédents.
Cela se traduit par des traumatismes majeurs : un taux de détresse
psychologique deux fois supérieur à la moyenne (39,8%), de la
dépression (16,3%), de lanxiété (16,2%) et même du désespoir
(23,1%), ce qui peut entraîner des pensées suicidaires (22,8 %).
Létude révèle quune partie des employés ont des problèmes de
santé mentale, à un point tel quils ne devraient même pas être au
travail.
«Dans toutes les enquêtes que jai faites,
jamais je nai observé un groupe demployés aussi stigmatisés. Ces
hommes et ces femmes font un travail difficile qui assure la santé
et la sécurité publique. Pourtant, ils nont aucune reconnaissance
et subissent la pression de leur employeur, des médias et des
citoyens», affirme le professeur Soares. En effet, si le
harcèlement subi est, en premier lieu, le fait des supérieurs
immédiats, il émane aussi dans une moindre mesure de la
population en général, ce qui est rarement observé dans ce genre
détude. Des collègues de travail se font également harceleurs,
mais cela ne dispense pas pour autant les gestionnaires dagir pour
régler la situation. «La loi est claire sur ce point, cest la
responsabilité de lemployeur doffrir aux salariés un
environnement de travail exempt de harcèlement. Que celui-ci
provienne des supérieurs, des subordonnés ou des collègues, cest
aux administrateurs à y voir. La Ville ne peut sen laver les
mains! Elle doit agir, faire de la prévention et revoir, notamment,
une organisation du travail nettement déficiente et démotivante
pour ses employés», souligne-t-il encore.
Les constats du professeur Soares nétonnent guère les dirigeants
du syndicat qui, chaque jour, entendent les récriminations des cols
bleus contre lattitude de la Ville. «Aujourdhui, une enquête
approfondie et indépendante vient confirmer ce que nous disons
depuis des années sur cette administration. Le climat est malsain,
les employés ne sont pas respectés et sont pointés du doigt
injustement. En fait, les gestionnaires créent plus de problèmes
quils nen règlent. Jespère que, cette fois, ladministration
Tremblay-Zampino nessaiera pas de sen tirer avec une pirouette et
quelle prendra les mesures qui simposent pour améliorer
réellement les conditions de travail de ses employés. La Ville a
une responsabilité à cet égard et elle doit y voir», lance
Michel Parent, président du syndicat des cols bleus regroupés de
Montréal.
De son côté, le professeur souhaite un changement de culture à la
Ville de Montréal, «il y a des choses quun gestionnaire ne doit
jamais faire, comme dénigrer ses propres employés sur la place
publique ou divulguer les erreurs commises. Cest complètement
contre-productif et démobilisateur. Les cols bleus travaillent
fort, dans des conditions que peu dentre nous accepteraient, comme
les égouts par exemple. Ils méritent que leur employeur les traite
mieux. Dautre part, les médias et les citoyens devraient
comprendre que ces gens-là obéissent aux ordres quils reçoivent,
avec les moyens souvent insuffisants quon leur donne. La
réalité est bien différente du stéréotype véhiculé un peu
partout».