Des solutions publiques aux délais d’attente, au lieu de promesses creuses et de «garanties de soins»
18 janvier 2006
Il faut dire les faits sur les délais
d’attente et les solutions dans le système public plutôt que de
leur offrir des garanties de soins, comme le font Stephen
Harper et Paul Martin au lieu de s’engager à protéger et à étendre
le système de soins de santé public du Canada.
La Coalition canadienne de la santé (CCS) a exprimé lundi ses
craintes face à l’éventuelle élection «d’un parti, quel qu’il
soit, qui plongerait dans une crise le plus beau fleuron des
programmes sociaux canadiens», comme l’a affirmé Kathleen
Connors, présidente nationale de la CCS. «Nous croyons que
chaque dollar des fonds publics doit servir à donner des soins et
qu’il ne faut pas investir le moindre sou en vue de générer des
profits.»
Voici les revendications de la Coalition
canadienne de la santé:
– Améliorer la gestion et la coordination des listes d’attente et
accroître les investissements dans les ressources humaines et les
immobilisations en matière de santé. Ces solutions nécessitent un
financement et une planification à long terme.
– Trouver des solutions publiques pour renforcer les soins de santé
publics. Le problème des délais d’attente ne doit pas servir à
fragiliser le système de santé public en légitimant et en
généralisant la privatisation.
– Procéder à une réforme des soins de première ligne, en plus de
veillerà l’expansion et à la protection de l’universalité des soins
de santé, notamment les soins à domicile et
l’assurance-médicaments.
– Les citoyens doivent prendre la parole, être vigilants et agir
pour défendre le système de santé public, en tenant les
gouvernements responsables au lendemain de l’élection fédérale.
La Coalition canadienne de la santé est un organisme sans but
lucratif et non partisan qui se consacre à la protection et à
l’amélioration du système de santé public canadien pour le bénéfice
de tous les Canadiens.
Délais d’attente: faits, enjeux politiques et solutions
Cet événement a été commandité par la Fédération canadienne des
syndicats d’infirmières et d’infirmiers, le Congrès du travail du
Canada, le Syndicat canadien de la fonction publique, l’Association
des syndicalistes retraités du Canada, le Conseil des Canadiens, le
Medical Reform Group, l’Organisation nationale anti-pauvreté et
Seniors on Guard for Medicare.
La Table ronde nationale de la CCS a réuni des représentants de
chaque province au pays. Des dirigeants d’organismes communautaires
ont écouté les exposés de spécialistes ayant fait l’expérience
directe des enjeux politiques liés aux délais d’attente et
proposant des solutions à ce problème.
Shirley Douglas a affirmé qu’il faut replacer la question des
délais d’attente dans un contexte plus large. « Si vous avez une
chose que les gens de ce pays aiment, vous devrez les convaincre
qu’elle ne fonctionne plus avant de la leur enlever. » Le
système de soins de santé du Canada est excellent, compte tenu de
toutes les normes internationales. Les mêmes problèmes d’attente se
posent dans d’autres pays, et il ne faut pas utiliser ce prétexte
pour justifier la recherche de profits.
Le Dr Brian Postl, conseiller fédéral sur les délais d’attente, a
présenté les grandes lignes de son travail sur l’établissement de
points de comparaison en matière de délais d’attente, ainsi qu’une
série de recommandations sur la transformation à long terme du
système, notamment par l’utilisation des technologies de
l’information et de nouvelles stratégies de gestion, de même que
par l’éducation du public. Ainsi que l’a déclaré Normand Laberge,
coprésident de l’Alliance sur les temps d’attente: « Aucune
personne sensée ne paierait pour un test diagnostique s’il était
possible de l’obtenir en temps opportun dans le système public.
»
Tim Sale, ministre de la Santé du Manitoba, a pour sa part expliqué
« Nous sommes toujours en présence de ces trois ‘P’, soit le
pouvoir, les privilèges et le profit. Il faut rester sourd au chant
de ces sirènes et se tourner vers la productivité, la prévention et
les soins primaires. »
La Dre Marie-Claude Prémont, de l’Université McGill, a rappelé aux
participants que la décision Chaoulli n’ouvre pas tout grand la
porte à l’assurance-maladie privée. En fait, la majorité des juges
ont décidé que les soins de santé doivent être régis par des
règlements. Au Québec, les médecins choisissent entre la pratique
privée ou au sein du système public, une option excluant l’autre.
Par cette décision, qui ne concerne quun pourcent des médecins au
Québec, soit 95 sur 15,000, la Cour suprême donne à ces médecins le
droit de vendre des assurances privées. Elle ne permet pas au
gouvernement provincial de mettre l’ensemble du système en péril.
« Il s’agit clairement d’une lutte pour la démocratie qui se
déroulera à l’intérieur du Québec et qu’il faut mener ensemble.
»
Comme l’a affirmé Gabrielle Pelletier de la Coalition solidarité
santé Québec: « Nous craignons que la décision Chaoulli ne serve
de prétexte à la privatisation du système public. Les débuts seront
peut-être lents, mais nous devons faire comprendre à la population
que ce système entraînera pour tous des pertes beaucoup plus
importantes que les gains. C’est une question d’égalité et un enjeu
de société parce qu’au Québec, nous avons décidé que tout le monde
a le droit de recevoir des soins de santé. Si le gouvernement
décide de changer cet état de fait en raison de la décision de la
Cour suprême, il devra permettre que la question soit débattue sur
la place publique.»
Une des participantes a dit craindre qu’en accordant une attention
exagérée aux délais d’attente pour seulement cinq interventions, on
n’enlève des ressources aux autres programmes de soins primaires et
de santé publique. « Qu’en est-il de la garantie de Stephen
Harper en matière de temps d’attente pour de l’eau propre dans les
collectivités des Premières nations d’un bout à l’autre du pays?
», a-t-elle demandé. Le Dr Michael Rachlis, spécialistes des
solutions publiques aux listes d’attente, a avancé qu’il ne s’agit
pas d’un problème de capacité. Selon lui, il convient de mieux
gérer le système de santé. « Les défenseurs du régime public
d’assurance-maladie doivent aussi défendre la qualité. Nous ne
pouvons pas gagner le débat sur le financement public et la
prestation des soins sans avoir des arguments très clairs. Le
meilleur argument contre les soins de santé privés, c’est que nous
n’en avons pas besoin. Tommy Douglas a mené une lutte bien plus
difficile que celle qui se présente à nous actuellement, et je
crois que nous pouvons la gagner! »
Et l’économiste Armine Yalnizyan de préciser: « Les garanties en
matière de temps d’attente laissent de côté les enjeux principaux
que sont le manque d’argent, la pénurie de main-d’oeuvre et
l’insuffisance des ressources technologiques. On n’accorde aucune
attention à la gestion du système dans son ensemble. Pour ces gens,
c’est un simple problème de temps d’attente. Voilà ce que j’appelle
une politique de livreur de pizza : trente minutes ou c’est
gratuit. Ce n’est pas ainsi qu’on gère un système dans ce pays ni
qu’on s’assure que les gens restent en santé ou que le système
continue de s’améliorer. »