Lettre ouverte de 15 économistes qui proposent des solutions, dont Pierre-Guy Sylvestre du SCFP
27 mai 2015
internationale des travailleuses et des travailleurs, on a vu une
mobilisation exceptionnelle partout au Québec alors que plus de 850
organismes étaient en grève sociale et que des milliers de
personnes protestaient contre les mesures daustérité du
gouvernement Couillard. Ces mesures aucunement annoncées lors de
la campagne électorale sont vues par plusieurs personnes comme
étant dautant plus injustes et inacceptables que de multiples
solutions viables restent ignorées et écartées par le gouvernement.
Parmi les pistes de solutions intéressantes, celles de la campagne
10 milliards de solutions de la Coalition opposée à la tarification
et à la privatisation des services publics, qui regroupe 80 groupes
sociaux, méritent plus dattention. Si, en tant quéconomistes ou
chercheurs et chercheuses sintéressant à léconomie et à la
fiscalité, nous pouvons évaluer de manière différente lensemble de
ces mesures, plusieurs dentre elles recueillent notre appui car
elles sont sensées et cohérentes avec lidée que nous nous faisons
de la justice sociale. Sauf à vouloir une « prospérité » créée sur
fond de montée des inégalités, source de conflits sociaux, le
gouvernement devrait se montrer plus ouvert à ces propositions.
prémisse selon laquelle le Québec vivrait au-dessus de ses moyens
est contestable. Lun des problèmes majeurs est plutôt que le
gouvernement se prive volontairement de ressources financières. Il
refuse, entre autres, de rétablir une meilleure progressivité de
limpôt sur le revenu. Il refuse aussi de rétablir la taxe sur le
capital des banques, qui a pourtant existé de 1947 jusquà son
abolition par le gouvernement Charest. Ainsi, le 1er mai, plusieurs
actions de protestation pacifiques ont ciblé des institutions
financières, accusées de ne pas faire leur juste part, pendant que
des personnes salariées à temps plein gagnant le salaire minimum
peinent à joindre les deux bouts en plus de voir prix et tarifs
augmenter sans cesse.
Le gouvernement est également prêt à accorder de nouvelles baisses
dimpôt aux entreprises. Or, de récentes études permettent
sérieusement de douter que cela contribue à stimuler léconomie,
ayant démontré que des centaines de milliards de dollars
saccumulent plutôt dans les comptes des entreprises non
financières, sans créer de lemploi, comme on le prétend.
Dans la même veine, va-t-on longtemps continuer à juger légaux de
soi-disant « investissements étrangers » dans les paradis fiscaux
ainsi que des stratagèmes de planification abusive qui ne visent
quà échapper au fisc? Certes Revenu Québec fait de réels efforts
de lutte à lévasion fiscale, mais il faut faire encore plus. La
Commission parlementaire sur le recours aux paradis fiscaux
disposera-t-elle dun véritable mandat pour faire des
recommandations sérieuses, non seulement concernant la fraude
criminelle, mais bien lévasion fiscale légalisée qui se pratique à
grande échelle? On le souhaite puisque cela prive lÉtat
dimportants revenus.
Cest un déficit éthique et démocratique majeur qui conduit des
milliers de personnes à « refuser laustérité ». La vraie question
à nos yeux nest pas seulement celle de léquilibre budgétaire
pour lequel bien des solutions existent , mais celle dune «
révolution tarifaire » qui, combinée à dautres mesures
législatives et commerciales, pave la voie à la privatisation
croissante de nos services publics. Est-ce là un choix intéressant
sur le plan économique et social pour le Québec, un choix fait
collectivement et démocratiquement? Il est clair que dautres
grilles de lecture de léconomie entraîneraient des solutions
différentes de celles que le gouvernement propose. À quand donc un
véritable débat de société sur lensemble des options qui soffrent
à nous en matière de fiscalité? Bien des jours de lannée se
transformeront en 1er mai si le débat démocratique qui simpose à
ce sujet au Québec persiste à être nié.
Signataires :
Yves-Marie Abraham, professeur agrégé, HEC, Erik
Bouchard-Boulianne, économiste, CSQ, Bernard Élie, économiste,
Louis Gill, économiste, Pierre-Antoine Harvey, économiste, CSQ,
Roger Lanoue, économiste, Marc Lavoie, économiste, Université
dOttawa, François LItalien, sociologue, Université Laval et IRÉC,
Michel Lizée, économiste, Sylvie Morel, économiste, Université
Laval, Éric Pineault, économiste, sociologue, UQAM et IRIS, Ruth
Rose, économiste, UQAM, Cécile Sabourin, économiste, Gabriel
Sainte-Marie, économiste, Cégep de Joliette et IRÉC, Pierre-Guy
Sylvestre, économiste, SCFP