De mal en pis au CRDI de Québec
23 février 2006
La situation ne semble pas en voie de
saméliorer au Centre de réadaptation en déficience intellectuelle
(CRDI) de Québec. Depuis le 1er janvier 2006, les employés ont subi
89 nouvelles agressions (données compilées au 21 février, dautres
rapports pourraient sajouter), selon un relevé établi par le
syndicat des employés, affilié au Syndicat canadien de la fonction
publique (SCFP-FTQ). Ces agressions sajoutent aux quelque 300
autres survenues en 2005. Elles ne comprennent pas celles commises
entre bénéficiaires ou encore celles touchant les autres employés
du CRDI.
Le président du syndicat, Maurice Cloutier, déplore que la
direction du CRDI nie même lexistence de ce climat de violence.
«Les employés et les bénéficiaires du CRDI de Québec sont
victimes de violence. De notre côté, nous faisons tous les efforts
possibles pour offrir un milieu de travail raisonnablement
sécuritaire, explique Maurice Cloutier. Mais tout ce que
nous avons comme réponse de lemployeur, cest la banalisation, la
négation du problème, de même que la multiplication des recours
juridiques contre les employés. Dans certains cas, ça frise le
ridicule.»
Position du syndicat et du SCFP
Dentrée de jeu, le syndicat des employés du CRDI a voulu rappeler
la position quil défend. Le syndicat des employés du CRDI ne remet
pas en cause tous les bénéfices que la désinstitutionnalisation
procure à une majorité de bénéficiaires qui ont droit à leur place
dans la société. Toutefois, il dénonce les excès de cette même
désins, cest-à-dire lacharnement que lon met à Québec à vouloir
réinsérer des personnes qui, à lévidence, ne devraient pas lêtre.
Pour les syndiqués, il sagit dabord et avant tout dune question
de sécurité, sécurité des usagers eux-mêmes, des employés, des
autres intervenants mais également du public en général.
La centrale derrière eux
Réunis en conseil général, les quelque 150 délégués du secteur des
affaires sociales du SCFP ont appuyé leurs collègues de Québec.
Après avoir entendu les explications des délégués syndicaux du CRDI
de Québec, ils ont résolu de demander au SCFP de consacrer toutes
les énergies et les ressources nécessaires à la défense de ce
dossier afin de leur permettre dassurer la plus grande sécurité
possible au travail.
En conférence de presse, le syndicat a présenté aux médias de
nouveaux documents attestant de la violence qui sévit au CRDI.
Parmi ceux-ci, une série de photos documentant des agressions
physiques survenues sur un employé du CRDI et un dossier émanant de
la Direction de la Révision administrative de la CSST.
Dautres cas troublants
Pour le syndicat, lemployeur multiplie les recours juridiques,
conteste systématiquement et tente de nier les actes de violence
commis au CRDI. Dans certains cas, il va même jusquà prétendre que
les employés sont les artisans de leur propre malheur!
Dans un dossier de droits de refus exercés par des employés en
2005, on peut lire que «la probabilité dêtre agressé devient
importante et doit être assimilée à un danger réel et objectif. Il
ne sagit pas dune simple crainte de voir survenir une situation
comportant des risques dagression, ces situations surviennent
régulièrement.[
] Des éléments au dossier, la Révision
administrative [de la CSST] ne peut conclure que lemployeur a mis
en place les mesures permettant de protéger la santé, la sécurité
et lintégrité physique des travailleurs de létablissement. La
Révision administrative retient les prétentions de la représentante
de lemployeur à leffet que tous les usagers sont évalués avant
dêtre dirigés vers létablissement en cause. La Révision
administrative ne peut conclure que cette évaluation suffit puisque
le nombre dagressions est important. Manifestement, cette
évaluation ne permet pas de réduire les périodes dagressivité des
certains usagers.»
Dans un autre cas de violence au CRDI, la Révision administrative
de la CSST constate que la travailleuse a été agressée par un
bénéficiaire (morsures, coup au visage, menaces de mort). Même si
lemployeur plaide «quelle a été lartisan de son propre
malheur» et quelle «na pas agi lors de lévénement pour le
bénéfice de lemployeur», la Révision conclut le contraire.
«Nous en avons soupé de ces contestations de lévidence,
lance Maurice Cloutier. Quand la Fraternité des policiers
suggère de prendre en cause les coûts des interventions policières,
des procédures judiciaires et des incarcérations, moi je vous
suggère dy ajouter aussi tout largent public dépensé en frais
davocat par notre employeur pour défendre le contraire du bon sens
et y ajouter aussi le salaire des fonctionnaires de la CSST qui
doivent, à répétition, réviser des dossiers qui sont limpides. Et
sans compter les frais en soins de santé pour les victimes des
agressions. Pendant ce temps, le public est toujours en
danger.»
Message aux autorités politiques
Dans létat actuel des choses, le syndicat désespère que la
situation puisse se corriger au CRDI de la seule initiative de la
direction. «Cette direction-là passe le plus clair de son temps
à nier des évidences.» Cest pourquoi, estime le président
syndicat, lintervention des plus hautes autorités politiques
devient indispensable. «Le ministre Philippe Couillard devrait
se pencher sur le cas du CRDI de Québec et rapidement. Nattendons
pas quun autre malheur arrive.»
Trousse de CSST
Devant le désarroi de nombreux employés et le peu de soutien de
leur employeur, le syndicat a pris linitiative de mettre à la
disposition, sur les lieux de travail, des trousses informatives
appelées «trousses de CSST». Ces chemises à dossiers
renferment uniquement des documents écrits rappelant les droits et
procédures en cas dagression. Elles ont été mises à la disposition
des employés il y a environ quatre mois.
Le 7 février, la direction du CRDI ordonnait au syndicat de retirer
ces trousses au plus tard le 17 février. À défaut de quoi
«[il se verrait] dans lobligation de procéder au retrait
et à la destruction des documents».
Plus précisément, la trousse contient les documents écrits suivants
:
1- Quoi faire lors d’un accident de travail
2- À quoi sert le formulaire «Réclamation du travailleur»
3- La procédure d’assignation temporaire
4- C’est quoi le «droit de refus»
5- Des questions sur «l’assurance salaire»
6- La plainte policière et le «processus judiciaire»
7- Ce qu’il faut savoir sur «l’hépatite B»
8- Programme d’aide aux employés(PAE)
9- Le «retrait préventif»
10- Harcèlement et violence au travail
11- Relevé de conditions dangereuses ou d’atteintes à la santé
12- Rapport d’incident violent
13- CAVAC, c’est quoi?
14- Programme d’accompagnement pour les victimes d’agressions
15- Autre sorte d’accompagnement
16- Connaissez-vous l’ IVAC?
17- Cela vous dit-il quelque chose «la plainte en 32»?
18- Conseils pour ceux qui travaillent la nuit
19- Recommandations, conseil et conclusion
Figurent également sur chaque chemise, les heures douverture du
bureau syndical, les noms des agents syndicaux et le numéro
d’urgence pour obtenir de l’aide en cas d’agression ou de toute
autre situation durgence, comme lexercice dun droit de refus.
Rappel des événements passés
Le 5 janvier, une agression au couteau survenait entre deux
bénéficiaires. La bénéficiaire agressée est décédée le 14 février.
Au lendemain de lagression, tout en déplorant la situation, la
direction du CRDI a alors affirmé que le geste était
«imprévisible». Le 1er février, lors dune rencontre de
presse, le syndicat des employés du CRDI de Québec dénonçait le
climat de violence qui règne dans leur établissement. Au caractère
«imprévisible» de lagression, les représentants syndicaux
opposaient le relevé des 293 agressions subies par les employés
pour la seule année 2005.
Le CRDI de Québec
Le CRDI de Québec est né en 2001 de la fusion du Centre de
réadaptation La Triade et des Services Barbara-Rourke. Par
lentremise de ses employés, il a pour mission doffrir des
services dadaptation, de réadaptation et dintégration sociale aux
personnes atteintes de déficience intellectuelle ou de troubles
envahissants de développement (comme lautisme). Les services du
CRDI sont offerts à la communauté dans la famille de lusager, dans
des résidences dhébergement, ou par des ressources de type
familial, intermédiaire ou dassistance continue.
Règle générale, les résidences dassistance continue (RAC) du CRDI
hébergent jusquà sept usagers qui requièrent des soins continus
compte tenu de leurs problèmes de comportements. Le personnel de
ces résidences est constitué principalement dintervenants en
milieu résidentiel qui cumulent en bonne partie les attributions
des préposés aux bénéficiaires et celles des auxiliaires familiaux.
Chaque RAC doit compter sur la présence dau moins un intervenant
sept jours sur sept et 24 heures sur 24. Le travail de ces
intervenants est divisé en trois quarts, le jour, le soir et la
nuit.
Le droit de refus
Selon la loi, un travailleur a le droit de refuser d’exécuter un
travail qui présente un danger pour lui ou pour une autre personne.
Il doit aviser immédiatement son supérieur (ou un représentant de
l’employeur), et lui donner les raisons de son refus de travailler.
La CSST enclenche alors une enquête.
Le SCFP
Le SCFP représente quelque 20,000 membres dans la santé et les
services sociaux au Québec. En plus de ce secteur dactivité, le
SCFP est présent dans 10 autres secteurs, entre autres,
léducation, les municipalités, le transport urbain, le transport
aérien, les sociétés dÉtat et organismes publics québécois,
lhydroélectricité et les communications. Comptant au total près de
100,000 membres au Québec, il est le plus important syndicat
affilié de la FTQ.