De la folie furieuse selon Henri Massé
18 octobre 2004
«Dangereux précédent», «Torchon», «Abus de
droit», le président de la FTQ, Henri Massé, accompagné de
vice-présidents de la centrale, n’a pas de mots assez forts pour
qualifier la sentence arbitrale qui charcute les conditions de
travail des cols bleus regroupés de Montréal. Le 2 octobre dernier,
après des mois de présentations, de discussions et d’échanges,
l’arbitre Gilles Lavoie décidait tout simplement d’adopter la
totalité du point de vue patronal, laissant de côté les
propositions syndicales. «C’est du jamais vu! L’arbitre n’a
cherché aucun accommodement, aucun compromis, rien qui se situerait
à mi-chemin des demandes des parties. Manifestement, l’arbitre a
abdiqué ses responsabilités pour acheter la position de
l’employeur. C’est un travail bâclé et une rupture grave dans nos
pratiques de relations de travail», dénonce Henri Massé.
Les impacts pour les travailleurs
Selon le syndicat, les reculs imposés aux employés sont sans
précédent. «C’est une attaque frontale contre tout ce que nous
avons obtenu par la libre négociation au cours des 30 dernières
années. Par un trait de crayon, un arbitre détruit des années
d’efforts et réduit les conditions de vie de milliers de
personnes», affirme Michel Parent, président du syndicat des
cols bleus regroupés de Montréal (SCFP 301).
Le SCFP a dressé une liste, non exhaustive, des changements prévus
par cette décision:
· Tous les salaires sont diminués, certaines personnes
vont perdre des milliers de dollars par année;
· Plus de 500 lettres d’entente qui régissaient des
aspects essentiels du travail des employés sont biffées, éliminées
du revers de la main;
· La disparition de lettres d’entente sur des
assurances-salaires particulières va pousser plusieurs personnes
victimes d’accidents du travail à l’aide sociale;
· Le nombre de congés fériés tombe à 8 par année,
certains en avaient 15 auparavant;
· Tous les congés mobiles sont abolis;
· Plusieurs quanta de vacances sont modifiés à la
baisse;
· Diminution des journées de maladie;
· La qualité des assurances-collectives sera diminuée
alors que le coût pour les travailleurs va augmenter;
· Disparition de la semaine de travail de 35hrs/4 jours
qui existait depuis 10 ans pour les employés de la CUM et depuis 8
ans pour les employés de l’ex-ville de Montréal (qui avaient alors
accepté des concessions pour obtenir ce progrès dans les conditions
de travail);
· Les protections contre la sous-traitance sont
abolies;
· Parallèlement, le plancher d’emploi est
dilué;
· Augmentation des emplois précaires;
· Période d’attente prolongée pour les jeunes avant
d’obtenir un poste permanent;
· Réduction de moitié du salaire versé aux
étudiants;
· Alors que, par exemple, le travail d’éboueur comporte
un des plus haut taux d’accident du travail, on élimine l’assurance
salaire long terme pour les employés auxiliaires;
· Disparition du «plan de carrière» qui permettait un
cheminement professionnel aux syndiqués, etc.
« C’est rien de moins qu’un hold-up, soutient Michel
Fontaine, conseiller au SCFP. Sérieusement, quel groupe de
travailleurs au Québec accepterait de se faire imposer une telle
diminution de leurs conditions de travail? C’est une décision qui
n’a aucun bon sens, qui sera ingérable, inapplicable et qui va
provoquer un épouvantable climat de tension».
Sous-traitance
La disparition des clauses contre la sous-traitance, dans le
contexte de la modification de l’article 45 du Code du travail par
le gouvernement Charest, inquiète particulièrement les dirigeants
syndicaux. «C’est plus qu’un simple hasard, on sent une volonté
manifeste de démanteler les services publics municipaux et d’en
offrir des pans entiers à l’entreprise privée», souligne Pierre
Dupuis, directeur québécois du SCFP. «On ne laissera pas nos
services publics être bradés à des petits entrepreneurs avides de
profits».
Une décision contestée
Devant une telle décision, le syndicat des cols bleus a décidé de
porter l’affaire devant les tribunaux et demande à la Cour
supérieure un sursis afin de bloquer l’application de cette
sentence arbitrale. «Cette décision est manifestement
déraisonnable, indique Michel Fontaine, l’arbitre a erré sur
plusieurs points, n’a pas tenu compte des compromis déjà négociés
entre les parties, a abandonné ses responsabilités, n’a pas
considéré le principe d’équité avec les autres employés municipaux
et n’a pas respecté son mandat».
La FTQ demande donc à la Ville de Montréal et au maire Tremblay de
rejeter une décision qualifiée d’injuste et de s’asseoir
sérieusement pour dénouer ce qui s’annonce comme une impasse à
court, moyen et long terme. «La sagesse voudrait qu’on évite des
tensions malsaines et inutiles. Si le maire Tremblay respecte
véritablement ses employés, souhaite travailler avec eux dans un
cadre de partenariat, il doit accepter de discuter sérieusement
avec nous pour mettre fin à l’impasse. Une entente mutuellement
avantageuse est toujours possible, mais la décision arbitrale est
carrément inacceptable», de conclure Henri Massé.