CRI DU CUR D’UN CONSEILLER SYNDICAL
20 avril 2004
Le texte qui suit a été écrit par Alain Richard, conseiller
syndical SCFP au bureau de Trois-Rivières. Il a paru le 8 avril
dernier dans le rubrique Opinion des lecteurs du journal
Le Nouvelliste.
Voir en ce moment le ministre Couillard et ses enquêteurs se
positionner en sauveur des résidents des CHSLD me laisse perplexe.
J’aurais plutôt tendance à croire que l’ampleur médiatique qu’ont
pris certains événements récents ont justifié les enquêtes dans ces
milieux de vie. Encore une fois, on laisse pourrir une situation et
on tente ensuite de réparer les pots cassés.
Depuis des années, l’ensemble des dirigeants des CHSLD vous
répètent que, faute de financement adéquat, il est impossible de
remplir leur mission. Les syndicats ont aussi dénoncé à plusieurs
reprises ce que doivent subir certains résidents de ces centres
d’hébergement. Malgré tout, vous n’avez rien fait.
Quand on y regarde de plus près, le grand patron des CHSLD doit
s’organiser avec les ressources allouées et maintenir un équilibre
financier pour garder son emploi. Lorsqu’on descend dans la
hiérarchie, les chefs de services sont aux prises avec la même
problématique. Les cadres de premier niveau connaissent les impacts
concrets de leurs décisions, mais doivent aussi réussir pour les
mêmes motivations. Finalement, les salariés sont contraints –
productivité oblige – à rendre des services en quantité plutôt
qu’en qualité. Et lorsque des salariés dénoncent les effets des
rationalisations ou des réorganisations de leurs milieux de
travail, ils doivent subir des sanctions de toute part, parce
qu’ils « entachent » la fausse image de réussite de la chaîne
hiérarchique.
Bref, l’omerta, la loi du silence, est de mise, sinon vos
enquêteurs seraient bien forcés de dénoncer l’absence cruelle de
ressources. Dans les services alimentaires, nombreux sont les
salariés qui ajoutent à leurs horaires des heures supplémentaires,
de façon bénévole, afin de rendre un service plus humain. Partout,
nous sommes à la limite de l’acceptable et de la dignité. Par
exemple, le changement des culottes de contention (les couches) se
fait, si possible, lorsque l’indicateur sur la culotte indique
« plein ». Les bains partiels sont donnés de façon très différente
par rapport à ce qui est enseigné, on fait ça vite par souci de
productivité. La façon de nourrir les usagers est devenue du gavage
à la chaîne. Le matin, les personnes âgées se font réveiller
abruptement parce que les employés sont obligés de produire selon
le plan de travail défini. Du côté humain, les contacts sociaux
qu’entretiennent les résidents se font principalement avec les
personnes qui font le ménage dans leur chambre.
Les salariés n’en peuvent plus. À tous les jours, ils sont
confrontés à des situations inacceptables, qui leur procure un
désagréable sentiment d’échec. Ils n’ont ni le temps, ni les moyens
de donner à nos personnes âgées, une fin de vie digne et
véritablement humaine. Les résidents, quant à eux, attendent dans
leur urine que vous vous décidiez à agir.
Vanier disait: «on reconnaît la valeur d’un peuple à la façon
dont il traite ses plus démunis».
Je vous rappelle, Monsieur le ministre, que vous êtes un
représentant du peuple.