Construit en PPP, la Résidence Saint-Charles coûtera 14 millions de plus aux contribuables
20 janvier 2005
La construction de la Résidence Saint-Charles
de Québec coûtera 14 millions de plus si elle est faite dans le
cadre du partenariat public-privé (PPP) plutôt qu’en mode
conventionnel. C’est la conclusion à laquelle arrive une étude
indépendante commandée par le Centre de santé et de services
sociaux de Québec-Sud à la firme Mallette. La copie intégrale de
cette étude a été obtenue à la suite d’une demande d’accès à
l’information. L’étude a été rendue publique ce matin, en
conférence de presse, par le Syndicat canadien de la fonction
publique (SCFP) et le président de la FTQ, Henri Massé.
L’étude
Il ressort de l’étude que la construction et l’exploitation de la
Résidence Saint-Charles coûteraient 42,2 millions de dollars en
mode conventionnel ou 56,6 millions selon la formule PPP. Sur une
période de 25 ans, le coût de revient actualisé par lit serait de
l’ordre de 430,000$ en PPP contre 320,000$ en mode conventionnel,
soit 110,000$ de plus par lit!
Toujours selon cette étude, seule la combinaison de deux conditions
pourrait conférer un léger avantage à l’approche PPP, mais il y a
un hic. D’une part, le partenaire privé devrait accepter de se
contenter d’un rendement de 5% et, d’autre part, les coûts de
construction en mode PPP devraient être réduits de 20% par rapport
au mode conventionnel. Cette seconde condition signifie que les
normes actuelles (ex. : qualité des matériaux de construction,
dimension des aires de repas, etc.) ne pourraient pas être
respectées. Mais, dans ce cas, on ne compare plus ce qui est
comparable. Et on est loin des prétentions de la présidente du
Conseil du trésor qui a déjà affirmé que les constructions en PPP
seraient de meilleure qualité?
Réactions d’Henri Massé
Le président de la FTQ, qui a pris connaissance de l’étude il y a
quelques jours, estime à sa lecture qu’ «il est clair qu’il n’y
a pas d’économie à faire avec un PPP, au contraire, cela va nous
coûter au minimum 34% plus cher.» Henri Massé a rappelé que
«le projet du Foyer Saint-Charles traîne depuis au moins dix ans
et [que] les citoyens de Québec ont attendu suffisamment
longtemps et qu’il est temps que le gouvernement prenne une
décision dans ce dossier.»
«Pour une très rare fois, a-t-il ajouté, on a une étude
qui ne vient pas de l’autre bout du monde, c’est ici. Une chose
m’inquiète cependant. Ce qui est vrai à Saint-Charles, à Québec,
l’est aussi ailleurs au Québec. Parmi les quelques projets de PPP
qu’elle envisage, la ministre Monique Jérôme-Forget nous a parlé de
3000 à 5000 places d’hébergement en CHSLD sous le mode PPP, 5000
fois 110,000$ cela fait 550 millions en trop, un demi-milliard
qu’on va donner au privé pour ne rien avoir de plus.»
«Toutes ces études devraient être publiques»
À la lumière de cette récente étude, Lucie Richard,
directrice-adjointe du SCFP, a plaidé pour que l’Agence des PPP
récemment créée par le gouvernement rende publiques toutes les
études entourant les projets de PPP, que ce soit dans le secteur de
la santé ou ailleurs «Quand on voit les coûts faramineux que
représentent les PPP pour la population, la première responsabilité
du gouvernement, c’est la transparence, a-t-elle affirmé.
Cultiver les études secrètes n’apportera rien de bon à la
population et à la santé démocratique du Québec.»
La firme Mallette et son mandat d’étude
Mallette est une firme qui offre divers services, entre autres, les
services-conseils. Elle opère surtout dans le marché de l’Est du
Québec. À la demande du CSSS de Québec-Sud, elle a mené une étude
comparative sur la réalisation du projet immobilier de la Résidence
Saint-Charles de Québec. Intitulée Étude comparative entre le mode
de prestation conventionnel et le mode PAPP et datée du 23 novembre
2004, l’étude a comparé deux scénarios pour la Résidence
Saint-Charles, un centre d’hébergement de 132 lits, un centre de
jour d’une capacité de 50 «clients» et un point de service du CLSC
Limoilou, d’une superficie totale de 12,880 mètres carrés.
L’étude comparative
Plus précisément, l’étude a comparé la réalisation de ce projet
selon qu’il serait réalisé en mode conventionnel (conception,
financement et exploitation par une agence publique) ou selon un
mode de partenariat public-privé (PPP) de type B.O.T. (Build,
Operate, Transfer), c’est-à-dire pour la construction,
l’exploitation et le financement par l’entreprise avec rétrocession
à l’agence publique au terme d’un contrat d’exploitation de 25 ans.
Dans cette dernière hypothèse, l’agence publique assume les soins
de santé et paye un loyer (frais d’utilisateur) à l’entreprise
privée qui opère et entretient le bâtiment. L’étude a consisté en
un sondage sur les attentes de plusieurs entreprises privées,
potentiellement intéressées par un tel projet en PPP.
L’opinion du SCFP
Le Service de la recherche du SCFP, qui a analysé l’étude menée par
Mallette sur le projet de la Résidence Saint-Charles, estime que
l’intérêt de cette étude va bien au-delà du projet de
relocalisation du CHSLD. Pour les analystes du SCFP, il s’agit
d’une «éclatante démonstration de la vanité des prétentions des
promoteurs de la privatisation des services publics. Malgré des
hypothèses toutes aussi improbables que favorables au PPP
(sous-estimation du rendement attendu, du taux de financement
bancaire et des coûts d’exploitation), la firme Mallette ne
parvient qu’à démontrer que le mode conventionnel (financement,
propriété et exploitation par le secteur public) demeure, et de
très loin, plus avantageux qu’un PPP du point de vue des
contribuables.»
Le SCFP représente quelque 20,000 membres dans la santé et les
services sociaux au Québec, dont les employés de la Résidence
Saint-Charles de Québec.