Six de mois de lock-out au Journal de Québec
22 octobre 2007
Québec, le
lundi 22 octobre 2007 – «Le 22 avril, on a reçu un coup de batte en
pleine face et on na pas plié les genoux. On ne le fera pas non
plus.» Voilà ce qua lancé Pierre Savard, pupitre aux sports
depuis 25 ans, hier.
Après six mois de conflit, la volonté semble
toujours aussi ferme parmi les 252 employés en grève et en lock-out
du Journal de Québec.«Avec le
MédiaMatin, on montre quon nest pas réfractaires aux changements.
Tout ce quil faut, cest négocier»,poursuit M. Savard.
Lattitude des patrons semble dailleurs frustrer profondément
plusieurs employés. «Je suis déçu
de leur attitude et de leur entêtement. Cest sûr quil y a eu une
cassure et quelle va rester là», affirme Denis Carpentier,
infographiste à lemploi du Journal depuis 23 ans.
«Les patrons racontent un tas de
mensonges. Le lien de confiance avec eux est brisé. Je ne pensais
pas finir ma carrière comme ça», ajoute Diane Gobeil, qui
travaille au service du crédit depuis 31 ans.
Épreuves difficiles
Depuis le 22 avril, plusieurs ont eu à traverser des moments
difficiles qui ont ajouté au stress du conflit de travail. Pour
joindre les deux bouts, nombreux sont ceux qui ont dû se trouver un
autre emploi.
Cest notamment le cas dIngrid Cluzeau, de la promotion.
«Mon couple sest brisé après le
conflit parce que mon conjoint nétait pas capable de supporter
toute la pression. Je me suis retrouvé mère célibataire. Je navais
pas le choix de retrousser mes manches», explique-t-elle.
Ainsi, tous les matins, elle se lève aux aurores pour distribuer le
MédiaMatin.
Elle fait ensuite sa journée de travail de 9 à 5, avant de
retourner soccuper de son fils. «Depuis le 22 avril, je nai plus de
vie», constate-t-elle.
Pour Denis Carpentier, lannée a également été particulièrement
difficile. «Depuis le 22 avril,
mon père et ma mère sont décédés. Ma femme a eu un cancer. Disons
que ça sest ajouté à tout le reste. Lannée 2007 sera à
oublier», laisse-t-il tomber.
Le MédiaMatin
Malgré les épreuves, les 252 travailleurs en conflit gardent tout
de même le moral. Pour plusieurs, larrivée du MédiaMatin a dailleurs été inespérée.
«Une chance quon a ça. On a
limpression de contribuer à quelque chose. En plus, cest
hallucinant de voir lappui de la population. Si je navais pas la
distribution du MédiaMatin, je crois que je serais partie»,
signale Brigitte Saint-Germain, de la promotion.
Selon Michel Lavoie, pupitre à la section générale, le MédiaMatin
prouve également la qualité du travail de ses artisans.
«On na plus Montréal dans les
pattes et cest bien plus intéressant. On parle de notre communauté
et les gens nous le rendent bien», termine-t-il.
Rappel du conflit
Le conflit de travail au Journal
de Québec passer bientôt le cap des six mois. En effet, les
employés de bureau et de la rédaction du Journal de Québec sont sous le coup
dun lock-out décrété par lemployeur le 22 avril. Avant le
déclenchement du lock-out, aucun des trois syndicats navait même
demandé de mandat de grève à leurs membres. En solidarité avec
leurs collègues jetés sur le trottoir par la décision de
Quebecor/Sun Media, les employés de limprimerie ont voté la grève
à 97 %.
Depuis la fondation du Journal de
Québec en 1967, aucun conflit de travail navait eu lieu. Il
y a un peu plus dun an et demi, tous les employés syndiqués du
Journal avaient accepté de
reconduire la convention collective pour un an en partenariat avec
lemployeur qui faisait face à un concurrent, Le Soleil, qui passait au format
tabloïd pour mieux le concurrencer.
Aucun piquet de grève na été érigé par les syndiqués.
Depuis le 24 avril, les employés en conflit publient et distribuent
cinq jours semaine le MédiaMatinQuébec, un quotidien
gratuit, pour rappeler leur cause à la population de Québec.
Quebecor/Corporation Sun Media a entrepris plusieurs recours
judiciaires pour empêcher la publication du MédiaMatinQuébec. Toutes ces démarches
ont échoué.
Malgré le conflit, le Journal de
Québec continue dêtre publié. Dans une décision rendue le
23 août 2007, en application de larticle 109 du Code du travail (dispositions
anti-scabs), la Commission des relations du travail (CRT) du Québec
a ordonné à la direction du Journal de Québec de cesser de
recourir aux services de quatre personnes qui remplissaient les
fonctions de salariés en conflit. Une nouvelle plainte concernant
lutilisation de travailleurs illégaux par Quebecor a été déposée
par les syndicats en octobre. Cette plainte vise 15 personnes. Elle
sera entendue par la CRT dici peu.
Quelques dates
20 février 2007 Dépôt par
lemployeur des offres qualifiées de globales et finales.
24 février 2007 Rejet
massif des offres patronales.
16 mars 2007 Dépôt par les
syndicats dune contre-proposition globale écrite devant le
conciliateur. Lemployeur ny a toujours pas répondu.
22 avril 2007 Quebecor met
fin à 40 ans de bonne entente au Journal de Québec en décrétant le
lock-out.
24 avril 2007 Parution du premier numéro du MédiaMatinQuébec
26 avril 2007 Première
tentative ratée de Quebecor devant la cour pour faire fermer le
MédiaMatinQuébec.
4 mai 2007 Deuxième
tentative ratée de Quebecor devant la cour pour faire fermer le
MédiaMatinQuébec (décision rendue le 10 mai 2007).
29 mai 2007 Appui unanime
aux travailleurs du Journal de Québec du Conseil général de la FTQ.
4 juin 2007 Dépôt, par les
syndicats, dune offre verbale visant à relancer les discussions.
6 juillet 2007 Dépôt, par
les syndicats, de la même offre verbale, cette fois en présence de
lemployeur, devant le conciliateur. Lemployeur sest sauvé sans y
répondre.
8 août 2007 Lancement par
les syndicats du site Internet www.mediamatinquebec.com
23 août 2007 Le Journal de
Québec fait lobjet dune ordonnance de la Commission des relations
du travail relativement à lutilisation de quatre travailleurs de
remplacement.
7 septembre 2007 Troisième
tentative ratée de Quebecor, cette fois devant la Cour dappel,
pour faire fermer le MédiaMatinQuébec. Les trois juges rendent une
décision unanime, sur le banc.
30 septembre 2007 Présence
de Denis Bolduc à lémission Tout le monde en parle.
6 octobre 2007 Quebecor est
prise une nouvelle fois à tricher. Un comité de surveillance
indépendant conclut que lentreprise ne sest pas conformée aux
règles lui interdisant de reproduire des images de TVA dans le
Journal de Québec.
10 octobre 2007 Dépôt, par
les syndicats, dune nouvelle plainte à la Commission des relations
du travail concernant lutilisation, par le Journal de Québec, de
15 travailleurs de remplacement (scabs).
17 octobre 2007 Appui des
560 000 membres du SCFP au Canada.
22 octobre 2007 Les
travailleurs du Journal de Québec sont en lock-out depuis six
mois.