Conflit de travail à Vidéotron – VIDÉOTRON ACCUSÉE DE PRATIQUE DÉLOYALE
31 mai 2002
Montréal, le vendredi 31 mai 2002 – Les syndicats
représentant les 2 200 employés de Vidéotron ont déposé une plainte
pour pratique déloyale et négociation de mauvaise foi devant le
Conseil canadien des relations industrielles (CCRI).
Pour les représentants syndicaux, l’employeur a tout fait pour
pousser les employés vers un conflit de travail, ce qui lui
facilitait la tâche pour vendre les services de 650 techniciens à
une filiale d’Entourage. « Dès le départ, Vidéotron et Quebecor
ont planifié ce conflit. Ils ont déposé des offres totalement
inacceptables et demandé très rapidement l’intervention d’un
conciliateur, ce qui leur permettait, selon certaines échéances, de
provoquer un conflit de travail. Avec le début de la grève ou du
lock-out, l’employeur se permet de contourner les clauses qui
l’empêche de faire de la sous-traitance. Cela a toujours été son
intention, mais il s’agit d’une pratique déloyale qui contrevient
au Code canadien du travail », affirme Denis Plante,
conseiller syndical pour la section locale 1417.
Le 4 mars dernier, Vidéotron et Entourage
annonçaient, par voie de communiqué de presse, la signature d’une
entente sur la vente des services d’installation et de réparation,
et des techniciens oeuvrant dans ce département. Immédiatement, le
syndicat a réagi en déposant un grief, soulignant que cette entente
était en contradiction flagrante avec les dispositions de la
convention collective. Le 28 mars, les procureurs de Vidéotron
affirmaient qu’un tel dépôt était prématuré, aucune transaction
n’ayant encore été conclue. Or, la vente a été confirmée le 13 mai,
soit 5 jours après le début du conflit de travail, ce qui rendait
encore plus difficile la contestation par voie de grief syndical.
« De plus, Vidéotron a cessé à ce moment de négocier les
conditions de travail des employés qu’il prétendait avoir
transférés ou vendus, contre leur gré, chez son sous-traitant
», rappelle Michel Parenteau.
Des demandes démesurées
« On s’est rendu compte que Vidéotron montait une entreprise à
l’extérieur de la compagnie, avant même le début des négociations,
ce qui explique pourquoi nous avons reçu des offres inférieures à
tout ce qu’on pouvait imaginer et sans relation avec la santé
financière réelle de la compagnie », ajoute Michel Parenteau,
conseiller syndical pour la section locale 2815.
Vidéotron est toujours une entreprise rentable et ses profits ont
été de 271,9 millions de dollars l’an dernier, soit 15,8% de plus
que l’année précédente. Les 46 000 abonnés au service analogique du
câble soit-disant perdus à la concurrence, ont été largement
compensés par les 35 000 abonnés qui sont passés au service
numérique Illico et par les 88 000 clients additionnels au service
d’Internet haute vitesse par câble durant cette même période. Et
pourtant, dans ce contexte de vitalité financière, les offres
patronales comportaient, entre autres, les éléments suivants:
– utilisation de la sous-traitance sans restriction;
– augmentation de la semaine de travail de 35 à 40 heures sans
majoration de la rémunération hebdomadaire (ce qui représente plus
de 3 semaines de travail non payées);
– gel des salaires pour toute la durée de la convention;
– réduction du nombre de congés fériés, de semaines de vacances
annuelles et de congés maladie;
– abolition des régimes de congé sans solde et à traitement
différé;
– réduction de la portée de la juridiction exclusive sur les tâches
des membres de l’unité;
– simplification des processus de mouvements de main d’uvre;
– simplification du processus de mises à pied (déplacements par
ancienneté);
– réduction substantielle des avantages et protections liés à
l’invalidité;
– abolition des avantages tels stationnement, uniformes, outils,
etc.
Dans toute cette démarche, l’employeur précisait que l’objectif
était de récupérer entre 35 et 40 millions de dollars, soit
l’équivalent d’un montant se situant entre 16 000$ et 18 000$ par
salarié, si l’on répartit le total sur le nombre de membres compris
dans les quatre unités.
Une violation des droits fondamentaux
Dans notre société libre et démocratique, une personne ne peut en
vendre une autre sans porter atteinte à sa liberté et à sa dignité.
Contrairement à ce principe élémentaire, la convention de vente
garantit que Vidéotron est l’unique propriétaire de l’entreprise
vendue. L’entreprise étant définie comme comprenant ses ressources
humaines, l’employeur se déclare donc propriétaire des personnes
physiques à son emploi. L’entente entre Vidéotron et Entourage
constitue donc une violation manifeste des droits fondamentaux des
personnes visées par la transaction en ce sens qu’on transige leur
force de travail sans leur consentement.
Un vis-à-vis de mauvaise foi
Dans le document déposé devant le CCRI, le SCFP démontre que
l’employeur n’a jamais eu l’intention d’en venir à un accord
négocié avec le syndicat en ce qui concerne le service
d’installation et de réparation, puisque son intention était, dès
le départ, de recourir à la sous-traitance pour l’exécution de ces
tâches. Tous les éléments de la démarche de négociation de
l’employeur convergent vers une seule conclusion : il n’a pas
négocié de bonne foi.
Par conséquent, le SCFP demande notamment au Conseil canadien des
relations industrielles :
· de déclarer que l’employeur a fait défaut de négocier de bonne
foi, conformément à son obligation prévue au Code canadien du
travail, avec le syndicat;
· de déclarer que l’employeur s’est livré à une pratique déloyale;
· d’ordonner à l’employeur de s’abstenir de mettre en uvre quelque
transaction impliquant le transfert des membres des unités
représentées par le syndicat chez un tiers, dont Entourage
solutions technologiques inc. et sa filiale, Alentron;
· d’ordonner à l’employeur de cesser de faire effectuer le travail
des membres des unités représentées par le syndicat par Entourage
solutions technologiques inc. et sa filiale, Alentron;
· de déclarer que les employés prétendument transférés sont
toujours à l’emploi de Vidéotron Ltée et que l’employeur est tenu
de négocier de bonne foi leurs conditions de travail avec le
syndicat;
· d’ordonner à l’employeur de présenter une offre de bonne foi, qui
tient compte de la décision du Conseil en regard de la présente
plainte, en vue de permettre aux parties de régler leur différend.
De plus, dans ces circonstances, les procureurs des syndicats
demandent le remboursement de toute perte de salaire subie par les
travailleurs de Vidéotron depuis le début du conflit de travail.
Comptant 7 000 membres dans les communications au Québec, le SCFP
est présent dans plusieurs autres secteurs, notamment la santé et
les service sociaux, l’éducation, les transports urbain et aérien,
les sociétés d’État et organismes publics québécois,
l’hydroélectricité et les municipalités. Avec près de 100 000
membres, le SCFP est le plus important affilié de la FTQ.