«C’est une grave erreur de ne pas respecter sa signature» Marc-André Dufour, président des cols bleus de Québec
10 octobre 2012
Québec, le
mercredi 10 octobre 2012 La décision rendue hier par un
arbitre du travail a de quoi réjouir les employés cols bleus,
présentement en négociation avec la Ville de Québec. Larbitre du
travail Me Denis Gagnon donne raison aux employés manuels, affiliés
au Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP 1638). Dans sa
sentence, au paragraphe 100, il confirme quen 2010-11, les
employés cols bleus ont travaillé «131,000 heures de moins quau cours de la
période de référence» prévue au contrat de travail. La
convention collective des employés interdisait formellement cette
réduction des heures de travail, notamment à larticle 23.02. Mais
la Ville avait décidé dy passer outre.
«Nous avons
toujours dit que les coupures de ladministration Labeaume ne
respectaient pas notre contrat de travail, a commenté le président
du syndicat, Marc-André Dufour. Et cest ce quun arbitre vient de
confirmer noir sur blanc.»
«Quelques jours à peine après la
signature de la convention collective, en mai 2009, la Ville a
décidé de renier ses engagements envers les cols bleus. Je vous
rappelle que notre convention a été signée par le maire lui-même,
fait valoir Marc-André Dufour. Ce quil faut retenir, cest que
cest une grave erreur de ne pas respecter sa signature. Maintenant
quun arbitre impartial sest prononcé, nous espérons que le maire
va honorer sa signature et respecter notre contrat de travail. On
na pas besoin de tenir un sommet pour ça.»
La décision
Cest un revers de plus pour ladministration Labeaume dans ses
relations avec ses employés cols bleus.
Rappelons que le litige portait, entre autres, sur lapplication de
la clause 23.02 du contrat de travail collectif des cols bleus.
Cette clause stipule que «lemployeur sengage à maintenir la quantité
de travaux actuellement effectués par les employés».
Voici quelques extraits de la décision arbitrale. La sentence
arbitrale peut être consultée dans son intégralité à ladresse
http://www.scfp.qc.ca/librairies/sfv/telecharger.php?fichier=19598.
Au paragraphe 52, page 10
larbitre écrit:
[52] «Le syndicat reconnaît que
la sous-traitance nest pas interdite par la convention collective.
Cependant, elle y est balisée. La clause 23.02 protège le volume de
travail actuellement effectué, cest-à-dire qui était effectué le
28 mai 2009. Lemployeur a aboli 35 postes pour environ 75,000
heures quelques semaines après avoir signé la convention
collective. À partir des données transmises par lemployeur, le
syndicat a fait la preuve prépondérante de la baisse de 68,563
heures en 2009-10 et de 131,037 heures 2010-11. La clause 23.01
fait que la sous-traitance ne doit pas avoir pour effet dentraîner
une baisse deffectifs et leffectif total a diminué de 103
salariés entre juin 2009 et juin 2011 (S14). Aussi, des salariés
auxiliaires ont perdu des heures de travail en raison de
limpartition. La preuve de la ville est basée sur des hypothèses
et des incertitudes et on ne peut reconnaître quenviron 11,000
heures en accord avec les exceptions prévues à la clause
23.02.»
Aux paragraphes 75, 76, 77, 78,
81, 100 et 101, larbitre ajoute:
«[75] Dans le présent cas, les
travaux confiés à contrats étaient jusque-là exécutés par des
salariés. La situation pourrait être différente sil sagissait de
nouveaux travaux. Mais, en retirant à ses employés des travaux
quils effectuaient pour les confier à lexterne, lemployeur
diminue dautant la quantité des travaux quil sétait engagé à
maintenir.
[76] Il peut paraître difficile de concilier le fait que la
sous-traitance nest pas interdite par la convention avec le fait
que la quantité des travaux effectués doit être maintenue, étant
entendu que le transfert de travaux à un sous-traitant entraîne
forcément une diminution du travail des employés de la ville.
[77] En fait, pour profiter de son droit auquel il na pas renoncé
de recourir à la sous-traitance de travaux jusque-là effectués par
ses salariés, lemployeur doit compenser la diminution du travail
engendrée par les contrats par une augmentation du travail
ailleurs. Cela peut être fait notamment en rapatriant des travaux
effectués par des entrepreneurs. Les clauses 23.06 et 23.07 servent
à étudier les moyens de le faire.
[78] Les engagements pris par la ville dans la convention
collective de maintenir la quantité des travaux effectués par ses
employés et aussi détudier toute mesure susceptible de permettre
de rapatrier des travaux actuellement faits par des entrepreneurs
ne sont pas négligeables et restreignent sa liberté daction en
matière de contrat à forfait.
[81] Ce nest pas parce quon économise des heures de travail par
des mesures permises par la clause 23.02 quon peut conclure quon
a maintenu la quantité des travaux qui devaient être maintenus
malgré loctroi de contrats forfaitaires.
[100] Je conclus donc que lemployeur na pas respecté son
engagement de maintenir la quantité de travaux effectués par les
employés qui a diminué en raison de loctroi de contrats à forfait
aux matières résiduelles. Limpartition a causé une diminution de
75,000 heures environ en 2010-11, un nombre dheures moindre pour
la période 2009-10, les contrats ayant commencé en cours dannée.
En 2010-11, les salariés ont travaillé 131,000 heures de moins
quau cours de la période de référence. Les heures économisées par
des mesures permises par la clause 23.02 ne permettent pas de
conclure que lemployeur a rencontré son engagement de maintenir la
quantité des travaux effectués par ses salariés malgré les contrats
forfaitaires.
[101] En raison des engagements pris par lemployeur aux clauses
23.02, 23.06 et 23.07, il aurait dû, me semble-t-il, après
lannonce au syndicat de son projet dimpartition, discuter avec
lui de la façon déviter que ce projet nentraîne une diminution de
la quantité des travaux effectués par les employés.»
Toujours en négociation
Les cols bleus sont au nombre denviron 1350 et navaient pas
exercé de droit de grève depuis plus de 25 ans. Depuis le 24 mai,
les cols bleus sont en grève légale des heures supplémentaires, le
tout encadré par les dispositions légales sur les services
essentiels. Ils sont sans contrat de travail depuis le 31 décembre
2010. Les négociations entre les cols bleus et la Ville de Québec
ont commencé en février 2011. En novembre 2011, les cols bleus ont
demandé lintervention dun conciliateur du ministère.
Rappelons que les pourparlers entre les parties sétaient rompus
abruptement le jeudi 12 avril quand les cols bleus avaient
découvert une note interne du directeur général de la Ville
préfigurant des compressions à grande échelle. Tout en
reconnaissant lexistence de ce document, le maire Labeaume en
avait minimisé limportance disant quil ne sagissait que du
travail «dun
fonctionnaire», rien de plus quun «document de travail». Le 17 avril, la
Ville a tout de même procédé à la mise à pied de 162 employés
auxiliaires.
Cette manuvre avait été contestée devant la CRT qui avait conclu
quil sagissait dun lock-out illégal et de représailles à
lendroit des syndiqués
(http://www.crt.gouv.qc.ca/uploads/tx_crtdecisions/2012_QCCRT_0198_01.pdf).
Tout en notant que la population navait pas reçu les services
auxquels elle était en droit de sattendre, la CRT avait ordonné le
retour au travail des 162 auxiliaires.
Le 17 avril, plus de 950 employés cols bleus ont participé à un
vote secret et ont accordé à leur direction syndicale le mandat de
déclencher la grève au moment jugé opportun.
Les rencontres de négociation entre les parties ont repris en
septembre et se déroulent en présence dune conciliatrice du
ministère du Travail.
Le SCFP
Comptant plus de 111,000 membres au Québec, le SCFP représente
environ 70% de lensemble des employés municipaux au Québec, soit
31 110 membres. Le SCFP est de plus présent dans les secteurs
suivants: les affaires sociales, les communications, léducation,
lénergie, les sociétés dÉtat et organismes publics, les
transports aérien et urbain, le secteur mixte, ainsi que les
universités.