Charest condamné par le BIT
29 mars 2007
Le Bureau international du travail (BIT)
condamne sévèrement le décret gouvernemental qui a imposé les
conditions de travail à 500 000 travailleuses et travailleurs du
secteur public québécois. «Le BIT nous donne raison sur toute la
ligne», clament les leaders des trois plus grandes
organisations syndicales québécoises. Pour Henri Massé de la FTQ,
Claudette Carbonneau de la CSN et Réjean Parent de la CSQ, «il
s’agit d’une importante victoire qui pèse de tout son poids sur le
nouveau gouvernement minoritaire de Jean Charest. L’occasion lui
est offerte de rétablir une injustice et de poser un geste
d’écoute, d’ouverture et de bonne foi.»
Selon le BIT, le projet de loi 142 (devenu loi 43), adopté sous le
bâillon en décembre 2005, va à l’encontre des conventions
internationales du travail dont le Canada et, par conséquent, le
Québec sont signataires. Les plaignants, soit la CSN, la CSQ, la
FTQ, la CSD, la FIQ, le SFPQ, le SPGQ, le SPEQ et l’APEQ,
alléguaient que cette loi viole le droit international en portant
atteinte à la liberté d’association syndicale parce qu’elle a mis
fin de façon abrupte et sans raison valable à la négociation
collective et parce qu’elle prive les salarié-es d’un moyen
essentiel dont ils disposent pour promouvoir et défendre leurs
intérêts économiques et sociaux, à savoir le droit de grève. Or, il
est reconnu par l’Organisation internationale du travail (OIT) que
le droit à la négociation collective et le droit de grève
constituent des éléments fondamentaux de la liberté d’association
protégée par les conventions internationales.
Dans sa décision, le BIT sanctionne sévèrement
le gouvernement libéral de Jean Charest. Il le prie instamment
d’amender la loi 43 pour la rendre conforme aux conventions no 87
sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical et no
98 sur le droit d’organisation et de négociation collective. Le BIT
prie également «le gouvernement d’éviter à l’avenir le recours à
des interventions législatives imposant des conditions de travail,
sans qu’il n’y ait eu des consultations franches et approfondies
avec les parties impliquées». En cas de dispute, le
gouvernement devrait considérer la possibilité de soumettre le
différend à un arbitrage impartial et indépendant. Le BIT espère
fermement que les prochaines négociations se dérouleront en
conformité avec ces principes et veut être tenu informé de la
situation.
Le BIT réclame, en outre, une révision des «sanctions excessives»
contenues dans la loi 43. Il demande au gouvernement de revoir le
régime de négociation de manière à rétablir la confiance de toutes
les parties et d’y inclure des processus de conciliation, de
médiation et d’arbitrage.
Le Bureau international du travail va plus loin et recommande au
gouvernement de ne pas attendre la prochaine négociation en faisant
preuve de souplesse «au cas ou les partie seraient prêtes à
apporter des modifications à l’accord présumé, qui constitue en
fait une solution imposée législativement».
La FTQ, la CSN et la CSQ interpellent le nouveau gouvernement
minoritaire et les partis d’opposition afin qu’ils mettent en
oeuvre les recommandations du BIT. Les trois organisations
syndicales attendent que le gouvernement convoque les parties pour
revoir les conditions de travail des salarié-es de l’Etat dans
l’esprit de la décision du BIT.
«Les effets de cette loi sont carrément désastreux, notamment
sur la rémunération et le pouvoir d’achat des salarié-es de l’État,
mais aussi sur la capacité de l’Etat d’attirer une main-d’oeuvre
qualifiée. L’écart de rémunération ne cesse de se creuser avec les
autres salarié-es québécois qui accomplissent des tâches
similaires, pour atteindre 15,2 % en 2006», de rappeler les
chefs syndicaux. À cet égard, et «vu les restrictions à la
négociation relative aux salaires et leur longue durée, le Bureau
international du travail prie le gouvernement de revoir ces
restrictions avec les partenaires sociaux, si possible en demandant
une étude par une personne indépendante ayant la confiance de
toutes les parties».
«Le gouvernement du Québec doit maintenant se conformer à cette
décision. Il doit envoyer à l’ensemble de la communauté
internationale le message clair qu’il adhère aux valeurs
démocratiques qui doivent animer une société moderne», de
poursuivre les porte-parole syndicaux.
«Au lieu de s’enliser dans de longs débats juridiques, nous
demandons au gouvernement de se soumettre à ce jugement, de
respecter le principe de la liberté syndicale et de redonner à des
milliers de travailleuses leurs droits de négociation et de grève,
et ce, dans le respect du droit international», de conclure les
leaders syndicaux.
Le BIT a déjà condamné, il y a un an, le gouvernement Charest pour
ses lois 7 et 8 qui nient le droit à la syndicalisation à près de
25 000 travailleuses qui oeuvrent en milieu familial dans les
services de garde et dans les soins aux personnes en perte
d’autonomie ou déficientes intellectuelles. Le BIT demandait au
gouvernement Charest d’amender ses deux lois, ce qu’il n’a toujours
pas fait.