Bonifier le Régime de rentes du Québec, une solution incontournable
27 janvier 2011
Le texte qui
suit a été publié dans la page «Idées» du journal Le
Devoir le 26 janvier 2011. Ses
auteurs sont Michel Arsenault, président de la FTQ, et Michel
Lizée, militant de longue date du SCFP, coordonnateur au Service
aux collectivités de l’UQAM et économiste spécialisé dans le
dossier des régimes de retraite.
Les interventions de Claude Castonguay depuis une semaine ont eu le
mérite de relancer le débat sur une nécessaire réforme des pensions
pour s’attaquer à certaines réalités incontournables: une
augmentation de la pauvreté et un taux de revenu insuffisant à la
retraite, particulièrement pour les personnes gagnant entre 25,000$
et 60,000$ par année, des régimes d’employeurs, dans le secteur
privé en particulier, malmenés et confrontés à des fermetures et
des conversions ainsi qu’un taux d’épargne nettement insuffisant.
Il est quand même renversant de réaliser qu’un
Québécois sur deux de 65 ans et plus a des revenus suffisamment
faibles pour être admissible au Supplément de revenu garanti, un
programme d’assistance visant les personnes âgées démunies. Si rien
n’est fait, les prochaines cohortes de personnes retraitées seront
encore plus pauvres que la cohorte actuelle, auront un taux de
remplacement du revenu moins élevé et seront davantage dépendantes
des maigres programmes gouvernementaux d’assistance.
M. Castonguay a donc raison de rappeler qu’une «société développée
doit assurer à ses citoyens un minimum de revenus» et qu’en ce sens
les politiques publiques doivent s’assurer de réaliser un tel
objectif. Il s’agit là d’une approche nettement plus intéressante
que celle convenue en décembre dernier par les ministres fédéral et
provinciaux des Finances et qui propose un nouveau Régime de
pensions agréé collectif, qui n’est en fait rien d’autre au Québec
que l’actuel Régime de retraite simplifié, apparenté à un REÉR,
administré par les institutions financières, mais où on va même
retirer l’obligation que l’employeur soit tenu d’y contribuer.
Ce type de régime existe depuis une dizaine d’années et en 2008, le
total des actifs dans ces régimes pour l’ensemble du Québec se
limitait à 918 millions de dollars. Bref, le gouvernement du
Québec, s’il devait donner suite au consensus de la conférence de
Kananaskis, s’apprêterait, au nom du libre-choix, à ne rien faire
et à laisser la situation se détériorer davantage.
Administration et
continuité
Nous sommes d’accord avec M. Castonguay et de nombreux
commentateurs sur le fait que, conformément à l’approche retenue en
1998, la cotisation au RRQ doit être rajustée le plus rapidement
possible au niveau stable permettant d’assurer le versement des
rentes promises et maintenir la confiance de la population, des
jeunes en particulier, envers le Régime. Il faut cesser de remettre
le rajustement des cotisations et agir maintenant!
Mais l’analyse qu’a faite M. Castonguay de l’option d’améliorer le
Régime de rentes du Québec, qu’il a écartée d’emblée, aurait gagné
à être approfondie. Il lui reconnaissait déjà l’avantage d’être
facile à appliquer sur le plan administratif et de s’inscrire dans
la continuité. Mais elle a de nombreux avantages, si nous prenons
en particulier la proposition mise de l’avant par des organisations
comme la FTQ, la FFQ, l’AQDR, Force jeunesse, des fédérations
étudiantes et d’autres groupes à partir de travaux réalisés par
Bernard Dussault, qui a été actuaire en chef du Régime de pensions
du Canada entre 1992 et 1998.
En haussant progressivement de 25 à 50% le taux de remplacement
assuré par le RRQ et en augmentant de 47,200$ à 62,500$ (barèmes
2010) le plafond de revenu couvert, il fait en sorte qu’on s’assure
que les prochaines cohortes de personnes retraitées pourront
espérer un taux de remplacement du revenu à la retraite plus
adéquat, tout en laissant de la place aux épargnes personnelles.
Caisse de retraite
Afin d’éviter un certain nombre de difficultés liées au RRQ tel
qu’il est actuellement financé, le nouveau volet serait un volet
distinct du RRQ actuel, pleinement capitalisé, qui viendrait
progressivement à maturité au cours des 47 prochaines années. Il
s’agirait donc d’une caisse de retraite, et non pas d’une taxe, où
la rente serait fonction du nombre d’années cotisées et du montant
versé, et qui serait garantie et indexée le reste de la vie durant
grâce aux rendements obtenus.
Il s’agit là d’une option sécuritaire, qui tient compte des
réalités actuelles du marché du travail avec un taux de roulement
élevé de la main-d’uvre et la montée du travail atypique, et où on
en a pour notre argent. L’équité intergénérationnelle de ce nouveau
volet est donc pleinement assurée dès le départ, ce qui explique
pourquoi des groupes de jeunes ont appuyé avec enthousiasme cette
approche.
C’est l’option la plus efficiente. En profitant des faibles frais
de gestion du Régime de rentes du Québec (alors que les frais de
gestion des REÉR canadiens, selon des études crédibles, sont parmi
les plus élevés au monde pour une performance souvent en deçà des
indices de référence) et du rendement d’une politique de placement
diversifiée, cette option permet de doubler la rente promise pour
une augmentation de la cotisation nettement moindre.
Contrairement à l’approche des ministres des Finances, mais aussi
de Claude Castonguay, nous pensons que l’amélioration de la
sécurité du revenu à la vieillesse est un enjeu sociétal qui
requiert la solidarité de l’ensemble des composantes de la société,
et pas seulement les travailleurs, et la législation doit obliger
non seulement les travailleurs, mais aussi les entreprises, à
cotiser à la solution retenue. D’ailleurs, politiquement, une
législation obligeant à cotiser à un régime sera mieux acceptée par
la population si elle inclut une cotisation obligatoire de
l’employeur au bénéfice du travailleur.
Sécurité et efficience
Pour les entreprises et les travailleurs déjà couverts par un
régime de retraite, la mise en place d’un tel régime public
constituerait une occasion d’ajuster en conséquence le coût du
service courant dans leur régime de retraite, atténuant ainsi les
pressions financières et comptables que doit supporter
individuellement chaque entreprise et permettant ainsi une
viabilité accrue des régimes à prestations déterminées dans le
secteur privé.
M. Castonguay s’est inquiété de l’impact sur les travailleurs à
faible revenu d’une amélioration du RRQ. En relevant l’exemption au
niveau des cotisations, la proposition limite l’impact pour les
travailleurs à faible revenu et leurs employeurs. Ainsi, un
travailleur gagnant 35,400$ verrait sa cotisation passer de 4,5% à
7,0% de son salaire, mais en contrepartie, sa rente à terme
augmenterait de 8408$ à 16,815$.
Bref, l’approche qui est la plus sécuritaire, qui permet de
garantir à l’avance un taux de remplacement amélioré du revenu pour
le reste de la vie durant tout en laissant une place à l’épargne
privée sur une base complémentaire, et où on en a le plus pour son
argent, c’est une amélioration du Régime de rentes du Québec.
Pourquoi écarter aussi rapidement une telle option?