Au Tribunal de se prononcer!
4 septembre 2003
Le 12 juin, la Commission des droits de la personne et de la
jeunesse recommandait à l’Université de Montréal (UdeM) de verser
plus de 35 millions de dollars aux employées de soutien, victimes
«de discrimination fondée sur le sexe dans le système
d’évaluation et la structure salariale». Dans sa
décision, elle demandait à l’UdeM de se verser les sommes au
plus tard le vendredi 12 septembre à 15 heures.
Nous apprenons aujourd’hui que la direction de l’UdeM refuse
d’accorder l’équité salariale à ses employés de soutien malgré
l’avis de la Commission des droits de la personne, qui a pourtant
reconnu le bien-fondé de la plainte déposée par le syndicat en
1996.
La semaine dernière, l’UdeM a officiellement signifié qu’elle
n’entend pas donner suite aux recommandations de la Commission des
droits de la personne et qu’elle poursuivait les procédures
juridiques. La Commission devrait donc référer la cause au Tribunal
des droits de la personne, qui a le pouvoir d’obliger l’Université
à se soumettre à son jugement.
Si la décision était appliquée, elle toucherait environ 1300
employées, travaillant surtout dans les bureaux, laboratoires,
cafétérias et services. Les sommes seraient alors réparties comme
suit : 15,6 millions pour la perte monétaire subie depuis 1993 en
raison de la méthode de calcul discriminatoire utilisée par l’UdeM,
1,5 millions pour la perte monétaire encourue à cause de
l’application d’un double système de rémunération malgré un travail
équivalent, six millions aux secrétaires et, à titre de dommages
moraux, 10,000$ à chaque employée touchée.
Au syndicat des employés de soutien (SCFP 1244), on est outré par
l’attitude de la direction. La vice-présidente et responsable du
comité de l’équité salariale, Sylvie Goyer, n’en revient pas,
«Nos membres ont fait une grève de plusieurs semaines le
printemps passé, en bonne partie pour dénoncer l’absence d’équité
salariale, la Commission des droits de la personne nous donne
raison et l’Université de Montréal continue à nier la réalité. La
direction pratique la politique de l’autruche et se croit la seule
à détenir la vérité». En effet, sous prétexte que la question
de la juridiction de la Commission des droits de la personne par
rapport à l’arbitre de grief n’est toujours pas tranchée,
l’Université refuse de bouger. «Ils cachent leur immobilisme et
leur pingrerie derrière le paravent pratique d’un imbroglio
juridique. Non seulement les femmes devront-elles attendre plus
longtemps pour obtenir justice, mais la direction va dilapider les
fonds publics dans des procédures inutiles», soutient Sylvie
Goyer.
La direction universitaire justifie sa décision en soulignant que
son plan d’évaluation est le même que celui du secteur public. Le
SCFP rappelle à l’Université de Montréal que le dossier de l’équité
salariale n’est toujours pas réglé au Québec et qu’en Ontario, le
règlement obtenu a accordé plus de 400 millions de dollars aux
femmes employées par l’État.
Profitant du lancement de timbre commémorant le 125e anniversaire
de l’institution, plusieurs employés de soutien de l’Université de
Montréal ont brandi des pancartes dénonçant la position de leur
employeur dans le dossier de l’équité salariale. `«La situation
est assez ironique, pour ne pas dire carrément loufoque. Pendant
que Jacques Boucher, président des fêtes du 125e, vante partout
l’Université pour son rôle important dans le progrès social et la
réflexion sur les enjeux de société, la direction refuse d’accorder
un traitement équitable aux femmes qu’elle emploie. Il n’y vraiment
pas de quoi faire le paon et donner des leçons aux autres»,
conclut Sylvie Goyer.