Attaque idéologique, manoeuvres démagogiques
4 janvier 2012
Cette lettre
ouverte du SCFP a été publiée dans plusieurs médias (Le Devoir,
Cyberpresse) ces derniers jours.
Pour des centaines de milliers de travailleurs au Québec, la fin de
l’année 2011 a été marquée par une attaque en règle contre leurs
régimes de retraite. Malheureusement, de nombreuses omissions, que
l’on peut croire volontaires, nuisent à une bonne compréhension de
la question et empêchent la tenue d’un sain débat sur le sujet.
Les omissions importantes d’informations que l’on constate relèvent
de la manoeuvre démagogique. Elles s’inscrivent dans le contexte
d’un assaut idéologique contre les conditions de travail de la
classe moyenne.
La menace est claire. Régis Labeaume, maire de Québec, mène la
charge en demandant au gouvernement du Québec de légiférer pour
changer la configuration des régimes afin de les rendre moins
dispendieux et Gérald Tremblay, à Montréal, menace de faire de
même.
Certains éclaircissements sont nécessaires afin que les citoyens
québécois puissent se faire une juste idée de cet important enjeu
sociétal.
La crise
d’abord
La crise financière est la source principale des difficultés
rencontrées actuellement par certains régimes de retraite. Les
rendements des régimes de retraite sont demeurés en dessous de ce
qui était espéré. La cause de cette débandade financière est
claire:la déréglementation du monde financier.
On nous avait promis que le «libre marché» et la «main invisible»
allaient ouvrir une ère de prospérité sans précédent, de stabilité
et d’efficacité des marchés. En réalité, elle a été grande ouverte
à l’opacité, à la fraude, au déséquilibre et à la crise.
Les travailleurs, par la voix de leurs syndicats et des politiciens
progressistes, n’ont cessé de s’opposer au laisser-aller financier.
Les représentants du 1% ont malgré tout réussi à forcer les 99%
dans le cul-de-sac. Aujourd’hui, on tente de blâmer le dernier
bastion de la classe moyenne: les travailleurs syndiqués et leurs
régimes de retraite.
Maintenant, comment rééquilibrer les régimes de retraite? Dans un
premier temps: il faut respirer par le nez. Qu’on cesse de regarder
les régimes avec une courte vue. Il faut mesurer la solvabilité des
régimes sur une période d’une carrière. Oui, il y a un risque de
pertes, mais également une probabilité de surplus (qui sera plus
grande et plus stable si nos dirigeants réglementent intelligemment
les marchés financiers).
Et les surplus, eux?
Il y a eu des années de surplus. A-t-on déjà entendu des
municipalités du Québec annoncer à leurs citoyens qu’elles allaient
diminuer leurs taxes parce que le régime de retraite de leurs
employés faisait des surplus? Bien sûr que non!
Durant les années de vaches grasses, quand les employeurs prenaient
congé de contributions à même les surplus des caisses de retraite,
ils arguaient qu’ils étaient pleinement dans leur droit. Les
surplus, disaient-ils, leur appartenaient puisqu’ils étaient les
seuls à supporter les risques en cas de déficit.
Forts de ce postulat, ils ont pigé à deux mains dans la caisse.
Maintenant que les beaux jours sont derrière nous et que les
régimes de retraite sont aux prises avec des déficits, les
travailleurs sont en droit de s’attendre au retour d’ascenseur des
employeurs. Ces derniers ont le devoir de prendre en charge les
déficits comme ils l’avaient claironné haut et fort.
Mais force est de constater que les employeurs n’ont jamais eu
l’idée de supporter les déficits. Ils font tout pour ne pas
respecter leurs obligations. À tout le moins, les travailleurs ne
sont-ils pas en droit de s’attendre à ce que les employeurs
remboursent à la caisse les sommes qu’ils ont «légalement volées»?
Solutions possibles
Cela étant dit, les syndicats savent qu’il faut agir, car ne rien
faire n’est pas une option. Il faut appliquer des solutions en
fonction de l’état et des particularités de chaque régime afin de
les rendre structurellement plus viables, mais l’objectif principal
doit demeurer le maintien de ces régimes de retraite.
Les syndicats mettent déjà la main à la pâte et discutent de
solutions possibles avec leur employeur. Le SCFP s’engage dans un
processus de vastes consultations afin de trouver des solutions
pour sécuriser nos régimes. Nous avons le devoir d’éviter
l’appauvrissement des aînés, ce qui contribuerait, une fois de
plus, à augmenter l’écart entre les riches et les pauvres au
Québec.
Au fait, en ce moment, le combat de l’heure pour le mouvement
syndical n’est pas seulement la sauvegarde des régimes privés ou
complémentaires, mais bien l’amélioration substantielle des régimes
de retraite publics, dont le Régime des rentes du Québec et le
Régime de pensions du Canada. Ainsi, nous pourrons à la fois
protéger l’ensemble des Québécois contre la pauvreté et diminuer le
coût des autres régimes de retraite. Il est urgent d’agir pour
l’ensemble des Québécois, et les syndicats y travaillent.