APPAUVRIR LA CLASSE MOYENNE
3 novembre 2003
Lettre à Jean Charest, premier ministre du Québec
Vous alléguez que l’article 45 du Code du travail est à modifier en
laissant croire aux citoyens que c’est dans l’intérêt général et
que la réaction négative des syndicats est uniquement corporative.
Pourtant, «L’article 45 n’a pas de caractère prohibitif»
selon la Cour suprême du Canada – arrêt sur la Ville de Sept-Îles,
2001. La plus grande preuve est que les syndicats négocient des
clauses pour se protéger de la sous-traitance dans leur contrat de
travail. Sans ces dispositions, tout, ou presque, serait permis à
l’employeur.
L’actuel article 45 a été l’objet d’un large consensus au sein de
la société québécoise. Il protège les conditions de travail
négociées entre un employeur et les salariés dans les situations où
cet employeur vend la totalité ou une partie de ses services
d’entreprise ou encore lorsque l’employeur tente de passer outre
ses obligations contractuelles par des manoeuvres administratives
douteuses. Comment votre gouvernement, qui se prétend libéral,
pourrait légaliser le non-respect des contrats de travail,
autorisant ainsi la fraude envers les travailleurs?
Ce gouvernement exprime dans le même souffle son intérêt à
privatiser certains services du réseau de la santé. Pour réaliser
un tel projet, il vous serait nécessaire d’abolir la sécurité
d’emploi afin de réaliser des économies sur le dos de ces employés.
Pourtant, selon l’Institut de la statistique du Québec, les
salariés du réseau de la santé accusent un retard salarial par
rapport aux autres salariés de la province.
L’entrepreneur privé dégagera des profits des services du réseau de
la santé. Comment? En payant mal ses employés. En
Colombie-Britannique, certains de nos membres risquent de voir
leurs salaires réduits à 9,25$ l’heure après avoir été cédés à des
sous-traitants. De plus, la privatisation ou la sous-traitance vont
engendrer un roulement de personnel important puisque plusieurs
employés tenteront d’améliorer leur sort en recherchant un emploi
mieux rémunéré. Par conséquent, la qualité des services offerts à
la population sera grandement diminuée.
Monsieur le premier ministre, votre projet est en contradiction
flagrante avec votre discours concernant l’intérêt de la classe
moyenne. Ce sont d’abord les membres de la classe moyenne qui
subiraient les conséquences économiques de votre politique.
Concrètement, votre projet vise à légaliser le non-respect des
contrats de travail, pourtant conclus par les syndicats avec leur
employeur. Dans ce scénario, les salariés n’auraient d’autre choix
que d’accepter des baisses importantes de salaires et de conditions
de travail ou simplement abandonner leur emploi.
Monsieur le premier ministre, déchirer des contrats de travail
n’est sûrement pas une solution des plus libérales…
Alain Richard, conseiller syndical SCFP-FTQ,
Trois-Rivières