Le Canada procède à une vente de feu, et le Québec laisse faire
12 juin 2013
Selon un nouveau document confidentiel daté du
5 juin 2013 dont le Réseau québécois sur lintégration continentale
(RQIC) a obtenu copie, le Canada semble prêt à tout pour conclure
les négociations de laccord économique et commercial global (AÉCG)
et sapprête à céder aux demandes de lUnion européenne dans
plusieurs domaines encore en litige. Et le Québec le laisse faire,
voire se fait le complice de concessions de dernière minute.
Le document révèle que contrairement à ce que le négociateur du
Québec, Pierre-Marc Johnson, a toujours dit, les marchés publics
dHydro-Québec ne seront pas exclus des dispositions de laccord.
Plus de 35% des appels doffre de la société dÉtat, cest-à-dire
les contrats quelle confie à des sous-traitants ou à des
fournisseurs pour pouvoir réaliser sa mission, seront ouverts aux
entreprises européennes. Cela équivaut à 390 millions de dollars
chaque année pour les achats de biens seulement. «Hydro-Québec est un levier central pour
notre économie. Non seulement génère-t-elle des revenus importants
pour lÉtat québécois, mais elle contribue au développement
économique régional et local, de même quau maintien et à la
création demplois de qualité en favorisant les entreprises dici.
Le gouvernement Marois abandonne ainsi sa capacité dorienter les
investissements et dobtenir des retombées pour léconomie du
Québec. Cest une concession énorme et inacceptable», a
affirmé Pierre-Yves Serinet, porte-parole du RQIC.
Ceci est dautant plus préoccupant que lUE a
aussi réalisé des gains en ce qui concerne la protection des
investissements privés. En effet, la lecture du document révèle que
la définition européenne de traitement juste et équitable et
dexpropriation indirecte sera retenue, ce qui ouvre la porte à une
augmentation des poursuites investisseurs-État. «Le Canada accepte désormais doctroyer des
droits excessifs aux entreprises de lUE qui nhésiteront pas à le
poursuivre, lorsquelles jugeront que des politiques dintérêt
public adoptées de façon légitime par le gouvernement fédéral, une
province ou une municipalité restreignent leurs profits»,
signale M. Serinet. Pourtant, en octobre dernier, le ministre
Jean-François Lisée assurait que le Québec était aux côtés du
Canada pour réduire la portée de ces dispositions qui limitent la
capacité de gouverner des États. «Or, quand Pierre-Marc Johnson affirme
que le dîner est prêt, comme il le disait récemment au
Devoir, devons-nous conclure que
le Québec a lancé la serviette et appuie cette concession du
Canada? Si lAÉCG est ratifié en létat, le peuple québécois doit
se préparer à avoir une sérieuse indigestion», avertit le
porte-parole du RQIC.
En ce qui concerne les monopoles et les sociétés dÉtat, les
inquiétudes sont grandissantes car on apprend que « lobjectif
général est atteint et permet dassurer quon ne puisse contourner
les obligations de lAÉCG ni refuser laccès aux marchés quand les
autorités publiques agissent par lentremise dentités privées »,
peut-on lire dans le document. «Est-ce à dire quun service confié à une
entreprise privée est un service privatisé et quil sera impossible
de le re-municipaliser sous peine de sanctions exorbitantes, même
sil demeurait sous autorité publique?», sinterroge M.
Serinet. «Il est urgent que le
gouvernement du Québec mette cartes sur table dans ce domaine et
expose clairement limpact de lAÉCG sur la SAQ, Hydro-Québec, les
sociétés publiques de transport, les services de distribution de
leau, entre autres.»
Il y a bien dautres gains pour lUE et bien dautres pertes pour
le Canada, mais lune des plus inquiétantes du point de vue du
respect du champ de compétences des provinces est la clause portant
sur létendue des obligations des parties signataires de lAÉCG. Le
document fait état dun résultat à la hauteur des ambitions de
lUE: «le Canada prend la pleine
et entière responsabilité des mesures que pourraient adopter les
provinces et convient de prendre « toutes les mesures
nécessaires » pour assurer le
respect de lAÉCG». «Quun
gouvernement souverainiste accepte quOttawa, par lentremise de
lAÉCG, puisse venir jouer dans les platebandes du Québec dépasse
tout simplement notre entendement», sindigne le
porte-parole du RQIC.
Le RQIC exige donc que le gouvernement du Québec, particulièrement
le ministre Lisée, remplisse ses promesses de faire preuve de
transparence avec la société civile et permette la tenue dun débat
public informé sur lAÉCG. «Le
gouvernement du Québec doit aussi nous assurer quil se réserve le
droit de rejeter laccord sil nest pas profitable aux intérêts
des Québécoises et des Québécois», a conclu le porte-parole
du RQIC.
Des extraits du document confidentiel sont disponibles sur www.rqic.alternatives.ca