À quand une loi anti-briseurs de grève au fédéral?
8 juin 2006
Alors que le projet de loi anti-briseurs de
grève du Bloc Québécois franchit cette semaine létape de la
deuxième lecture à la Chambre des communes, la porte-parole du Bloc
Québécois en matière de Travail et députée de Saint-Bruno et
Saint-Hubert, Carole Lavallée, sest dit déçue de lattitude du
ministre du Travail, Jean-Pierre Blackburn. La députée demeure
cependant convaincue que cette nouvelle tentative, la dixième du
Bloc Québécois pour introduire des dispositions anti-briseurs de
grève, sera la bonne. «Jamais, a-t-elle souligné au terme du
témoignage du ministre devant les membres du Comité permanent des
ressources humaines, le Bloc Québécois na obtenu une
concertation aussi large et aussi forte parmi les représentants des
travailleurs afin de faire adopter un tel projet de loi.»
De son côté le président du Congrès du travail du Canada, Ken
Georgetti, considère que «c’est une question de justice et
d’équilibre. L’interdiction du recours aux briseurs de grève
protège les intérêts des travailleuses et travailleurs canadiens et
de leurs familles contre le pouvoir des gros employeurs, souvent
des compagnies multinationales et sans racines dans la communauté.
Il existe une loi de ce genre au Québec depuis 1977 et en
Colombie-Britannique depuis 1993. Dans les deux cas, on a assisté
depuis son adoption à une diminution du temps de travail perdu à
cause de grèves ou de lock-out et à une réduction de la durée et de
l’intensité des conflits de travail. Si c’est bon pour la C.-B. et
pour le Québec, cest bon pour le Canada», a conclu le
président du CTC.
Des propos surprenants
Carole Lavallée sétonne «des arguments du ministre Blackburn
qui sappuie sur les études de lInstitut économique de Montréal et
du Fraser Institute, des organisations bien à droite du spectre
politique et qui ont maintes fois démontré que les valeurs quelles
mettent de lavant sont bien loin des valeurs des Québécoises et
des Québécois, pour dénigrer le projet de loi qui est actuellement
sur la table».
«Létude de l’Institut économique de Montréal conclut en
affirmant que le Québec et la Colombie-Britannique devraient
retirer la protection quoffrent aux travailleurs leur loi
respective. Une telle affirmation va à contre-courant de la
tendance mondiale. En fait, lAmérique du Nord est même
passablement en retard en matière de protection des droits des
travailleurs si lon compare à ce qui se fait dans les pays
européens», poursuit Carole Lavallée.
Le ministre soutient pour sa part que, là où il existe une loi
anti-briseurs de grève, le taux dinvestissements est de 25%
inférieur à celui des provinces où de telles dispositions
nexistent pas. Le chiffre a été démenti par les statistiques sur
la croissance du Québec. La députée fait valoir que les pays
européens n’ont d’ailleurs aucune crainte à investir au Québec
depuis que lAssemblée nationale a adopté de telles dispositions au
sein du Code du travail du Québec. En 2002 par exemple, la part
québécoise de l’emploi canadien dans les filiales de sociétés
françaises était de 77%, alors quelle se situait à 37% pour les
entreprises du Royaume-Uni, 35% pour celles d’Allemagne et 27% pour
les entreprises américaines.
La députée note enfin que les études citées par le ministre non
seulement proviennent dorganisations pro-patronales, mais que les
chiffres qui y sont avancés sont tirés de conflits uniquement parmi
de très grandes entreprises et durant la période comprise entre
1963 et 1993. Carole Lavallée souligne donc quil sagit de données
biaisées et possiblement même surannées. «Ces données sont
dautant plus questionnables que léconomie du Québec est
principalement fondée sur les PME», argue-t-elle.
«Tous les intervenants du milieu sauf, semble-t-il, le ministre,
sont conscients de limportance de la démarche pour les
travailleuses et les travailleurs régis par la Code canadien du
travail. La législation anti-briseurs de grève adoptée par Québec
en 1977 demeure un gain impressionnant en faveur du respect des
droits des travailleuses et des travailleurs régis par le Code du
travail du Québec et cette initiative a marqué un tournant majeur
et fort positif au Québec dans les relations
employeurs/employés», a lancé Carole Lavallée.
«Lexpérience a clairement démontré que le recours aux
travailleurs de remplacement a généralement tendance à étirer
considérablement la durée des conflits et que cette pratique
exacerbe les tensions. Les employeurs, comme les employés, sortent
meurtris de ces longs conflits de travail. Il en va donc à
lavantage de toutes les parties de régler rapidement les conflits
et linterdiction du recours aux briseurs de grève y contribuera
grandement. La détermination à gagner est palpable chez nos
partenaires autant quau sein du Bloc Québécois et cest pourquoi
je suis personnellement convaincue que nous irons jusquau bout. Le
Québec a compris depuis longtemps cet état de faits et le ministre,
de même que son gouvernement, doivent également le comprendre»,
a conclu Carole Lavallée.