À ce jour, La Presse n’a toujours pas publié notre réplique intitulée: L’affront de Michel Girard
28 octobre 2009
Offense faite publiquement avec la volonté de
marquer son mépris : cest ainsi que Le Petit Robert définit le mot
«affront». Cela qualifie précisément ce que nous avons ressenti
après avoir dabord lu le chroniqueur de La Presse, Michel Girard,
le 17 octobre 2009, puis après lavoir entendu le même jour sur les
ondes de Radio-Canada.
Le mot «mépris» est faible. Quand Michel
Girard parle de lunion de 475,000 salariés comme du «front de buf», il manifeste une
aversion sans égal à légard dorganisations syndicales qui ont la
responsabilité et le devoir de défendre leurs membres. Il profite
pourtant lui-même de bonnes conditions de travail, durement
négociées par sa propre organisation syndicale.
Nous osons croire que ses propos ont été dictés par un égarement
passager
Nous osons également croire quil a une appréciation positive du
travail quotidien de ceux et celles qui travaillent pour et auprès
de lensemble des contribuables : des jeunes enfants sur les bancs
décole, des adolescents, des citoyens, des immigrants, des
malades, des handicapés, des invalides, des mourants. À titre de
contribuable, monsieur Girard profite de lensemble des services
publics, allant de lutilisation des infrastructures (routes,
aqueducs, électricité
) jusquaux services gouvernementaux, en
passant par léducation et la santé.
Que dire de la réalité
budgétaire?
En 2009-2010, le déficit du Québec devrait atteindre 3,9 milliards
de dollars, soit 1,3% du PIB. Ce qui le place très bien lorsquon
le compare avec dautres économies : 3,5% au Canada, 9,9% aux
États-Unis, 8,2% en France, 11,5% en Grande-Bretagne, 8,6% en
Espagne, 4,5% en Italie, 2,6% en Suède.
Cest la récession et les concessions fiscales du gouvernement
Charest qui ont creusé le déficit, pas les dépenses excessives.
Depuis cinq ans, le Québec arrive à lavant-dernier rang canadien
pour ce qui est de la croissance des dépenses : 4,6% par année en
moyenne, comparativement à 6,6% pour le reste du Canada.
Et que dire de la masse
salariale?
M. Girard nous rappelle que la masse salariale représente environ
55% du budget du Québec.
Nous vous rappelons, nous, que comme toute entreprise publique, la
main-duvre ce que les économistes appellent le «capital humain» compte pour la
principale ressource, contrairement à une entreprise industrielle
où la machinerie et la technologie représentent une proportion plus
grande du capital total. Il est donc normal quelle compte pour une
plus grande partie du budget.
À Radio-Canada, par exemple, où Michel Girard a ses entrées, la
masse salariale représente 60% du budget, et certaines provisions
ont déjà été prévues pour les prochaines années. Dans son dernier
rapport annuel, la Société dÉtat explique avoir déjà reçu du
financement public au titre de linflation salariale.
Michel Girard bénéficie de ces améliorations, en même temps,
tristement, quil en appelle au gel des salaires pour les salariés
des écoles, des hôpitaux et des services gouvernementaux.
«Zéro!», a-t-il réclamé
sur les ondes de Radio-Canada. Cest une honte.
Il prétend que le gouvernement devra puiser davantage dans les
poches des contribuables.
Le gouvernement Charest a fait ses choix, en multipliant les
baisses dimpôts depuis des années. Pour des motifs électoralistes,
il a ainsi dilapidé des milliards de dollars de façon injustifiée,
dont le règlement fédéral du déséquilibre fiscal. Pour le prochain
budget, il se privera de 1,5 milliard découlant de réductions
dimpôts aux particuliers et de 1 milliard découlant des
allègements fiscaux consentis aux entreprises.
Michel Girard rappelle à juste titre que le Québec a vu nombre
dentreprises fermer leurs portes et mettre à pied des dizaines de
milliers de travailleurs. Nous sommes bien placés pour en parler :
une bonne partie de ceux-ci sont nos membres et nous avons réclamé
et réclamons toujours les mesures qui simposent pour amoindrir le
choc.
Nous tenons à lui dire que neut été la présence de milliers de
travailleurs et de travailleuses des secteurs public et parapublic
dans certaines régions, la situation se serait empirée.
Représentant parfois jusquà 20% de la main-duvre totale en
région, ces travailleurs et travailleuses sont aussi des
contribuables qui, en plus de contribuer quotidiennement au
bien-être de leurs concitoyens, retournent une grosse partie de
leur paye à lÉtat alors que le reste sert à faire tourner
léconomie.
Cest dailleurs grâce à limportance du secteur public que le
Québec a mieux résisté à la récession. Cest normal quun déficit
se creuse en temps de récession, mais ce nest pas une raison pour
saccager les services publics de santé, déducation et les
programmes sociaux.
Lendettement public correspond à des investissements pour soutenir
les secteurs industriels et restaurer les infrastructures. Dans une
économie moderne, les activités économiques sont interreliées, et
les services publics ne sont pas lexcroissance pustuleuse que
semble croire Michel Girard. Il sagit de services au cur du
bien-être de la population.
Ceux et celles qui ont subi un gel des salaires de 33 mois entre
2003 et 2005, alors même que léconomie allait bon train, méritent
aujourdhui le respect plutôt que le mépris.