115 syndicalistes tués dans le monde en 2005
7 juin 2006
Cent quinze syndicalistes assassinés en 2005
pour avoir défendu les droits des travailleurs et travailleuses,
plus de 1,600 victimes dagressions violentes et 9,000 autres
arrêtés: cest le bilan du Rapport annuel des violations des droits
syndicaux que la Confédération internationale des syndicats libres
(CISL) publié aujourdhui. À cela sajoute près de 10,000
travailleurs et travailleuses licenciés en raison de leurs
activités syndicales, et près de 1,700 détenus.
LAmérique latine est restée la région la plus
dangereuse pour les syndicalistes. La Colombie se retrouve une fois
encore en tête de liste pour les assassinats, les intimidations et
les menaces de mort dont elle a été le théâtre. 70 syndicalistes
colombiens ont payé de leur vie leur combat pour les droits
fondamentaux au travail. Les autres pays épinglés pour la violence
et la répression à lencontre des syndicalistes sont notamment
lIrak, lIran, le Salvador, Djibouti, la Chine, le Cambodge, le
Guatemala, le Zimbabwe et la Birmanie. Quelques pays arabes du
Golfe continuent dinterdire catégoriquement les syndicats, tandis
que dautres, dont la Corée du Nord, sont toujours sous la chape de
«syndicats officiels» contrôlés par le gouvernement. En
Australie, le gouvernement sest empressé dintroduire de nouvelles
lois privant la main-doeuvre des protections les plus
fondamentales.
«Le rapport de cette année révèle des tendances très
inquiétantes, en particulier pour les femmes, les travailleurs
migrants et les personnes travaillant dans le secteur public»,
a déclaré le secrétaire général de la CISL, Guy Ryder. «Le
nombre de morts en 2005 est légèrement inférieur à celui de lannée
précédente, mais nous constatons une violence et une hostilité
toujours plus graves à lencontre des travailleuses et des
travailleurs qui défendent leurs droits», a-t-il ajouté.
Et le Québec?
Sur la situation au Québec, dans son rapport 2006 la CISL écrit:
Québec: restrictions au droit de grève
En 2003, le gouvernement provincial a introduit des amendements à
la loi sur les services sociaux et sanitaires et à la loi sur les
centres de pédiatrie et de soins médicaux pour la petite enfance,
n’incluant pas, dans la définition d’employé salarié, quiconque
effectue un emploi « en dehors du lieu de travail ». En vertu du Code
du travail du Québec, seuls les « employés » jouissent du droit de
constituer un syndicat. Par conséquent, en redéfinissant ces
travailleurs, l’amendement les prive du droit de s’organiser, qui
leur était auparavant reconnu. L’ironie est que ces deux lois
avaient été conçues pour promouvoir des soins de santé non
institutionnalisés, à domicile. Or, ce sont justement les personnes
qui dispensent ces soins qui se voient privées de leurs droits
fondamentaux par les amendements introduits. Les syndicats qui
existaient auparavant ont vu leur statut syndical révoqué, et ont
perdu par conséquent le droit de négocier collectivement. La grande
majorité des travailleurs affectés sont des femmes.
Le droit de grève est limité par deux lois qui donnent une
définition très large des services essentiels.»
[…]
Wal-Mart licencie des travailleurs en raison de leurs
activités syndicales
Le 29 avril 2005, le géant de la distribution Wal-Mart (dont le
chiffre d’affaires en 2004 dépassait les 10 milliards de dollars
US) a fermé son magasin de Jonquière au Québec, laissant 150
personnes sans emploi. La multinationale invoquait la
non-rentabilité du commerce pour expliquer son geste, mais
l’opinion publique a été unanime à y voir une vengeance. Les
salariés mis à pied avaient en effet été les premiers en Amérique
du Nord à implanter un syndicat (en août 2004) avec qui la
multinationale, en vertu de la loi québécoise, était tenue de
négocier. En outre, la société n’avait rien tenté pour se défaire
de son bail de 20 ans ou sous-louer l’immeuble, ce qui porte à
croire que la rentabilité n’était pas le vrai problème et qu’elle
avait probablement l’intention de rouvrir plus tard.
Plusieurs tentatives de syndicalisation, dans d’autres succursales,
dont celles de Brossard et de Gatineau, ont été étouffées à coup de
menaces, d’intimidation et de procédures dilatoires. Cet employeur,
dont le taux de roulement annuel de personnel peut avoisiner les
75% dans certains cas, utilise le harcèlement, l’espionnage
électronique, la délation et la filature des militants syndicaux
pour empêcher l’implantation de syndicats dans ses établissements.
Plusieurs plaintes de harcèlement moral ont été déposées et toutes
ont été reçues par la Commission des normes du travail et la
Commission des relations du travail du Québec. Cette dernière a
d’ailleurs ordonné à Wal-Mart de cesser l’intimidation et le
harcèlement, et l’a aussi reconnue coupable d’entrave à la
syndicalisation.
Dans ce cas précis, la Commission accordait une accréditation au
syndicat. Plusieurs mois plus tard, en décembre 2005, les salariés
du magasin de Saint-Hyacinthe, une ville de taille moyenne située à
55km de Montréal, maintenaient toujours leur syndicat en vie.
Wal-Mart y a épuisé tous les recours et délais possibles pour
retarder l’imposition d’une première convention collective comme le
prévoit la loi. Elle laisse maintenant planer la menace d’une
fermeture ou d’un déménagement prochain.
Wal-Mart avait réussi, il y a quelques années, à convaincre le
gouvernement ultraconservateur de l’Ontario de réduire par voie
législative l’accès à la syndicalisation. Au Québec, où il suffit
qu’un syndicat recueille une majorité de signatures de cartes
d’adhésion pour qu’un syndicat soit reconnu légalement, le géant du
commerce réclame à hauts cris des votes d’allégeance obligatoire et
conteste la juridiction des instances étatiques.
En décembre le Conseil des relations du travail du Québec a conclu
que Wal-Mart avait agi illégalement en licenciant des travailleurs
parce qu’ils avaient pris part à une activité syndicale lors de la
fermeture du magasin de Jonquière, plutôt que d’accepter la
présence d’un syndicat et la négociation collective.
[…]
Le premier ministre du Québec fait fi des droits de
négociation collective
Le gouvernement libéral du Québec, dirigé par le Jean Charest, a
imposé un contrat de travail à 500,000 employés de la fonction
publique au lieu de négocier une convention collective. Le contrat
a acquis force de loi par son approbation le 15 décembre, mettant
fin à 18 mois de négociation dans le secteur public. Le Premier
ministre a dit qu’il agissait dans l’intérêt public, eu égard à la
situation financière difficile de la province.