La FTQ demande des engagements sur l’économie et l’emploi
12 janvier 2006
À moins de deux semaines des élections et au
surlendemain du dernier débat des chefs, la Fédération des
travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) et ses syndicats
affiliés se montrent très inquiets du peu d’engagements sur les
thématiques de l’économie, de l’emploi et du gaspillage de la
main-d’oeuvre dans les préoccupations et les discours des chefs
conservateur et libéral.
Gaspillage éhonté de la main-d’oeuvre
«Plusieurs représentants gouvernementaux s’inquiètent
régulièrement sur la place publique du vieillissement de la
main-d’oeuvre et de ses répercussions pour l’économie, pourtant
nous ne pouvons que constater que personne ne parle du gaspillage
éhonté de notre main-d’oeuvre. Ces mêmes politiciens ainsi que
certains chroniqueurs vantent la solidité des perspectives
économiques et de l’emploi. Des emplois, est-il besoin de le
rappeler, qui sont majoritairement créés dans le secteur des
services et qui sont à temps partiel.»
«Parlez-en aux gens de Huntingdon qui, pour
la très grande majorité, malgré des promesses et des espoirs déçus,
n’ont pas été replacés un an plus tard. Parlez-en aux travailleurs
du vêtement et du textile, de la forêt, des scieries, du commerce
de détail, de l’alimentation, du secteur manufacturier en général
et aux travailleurs du secteur des équipements sportifs qui voient
la production déménager en Asie et qui perdent leurs emplois par
milliers, ce qui au surplus affecte des économies régionales déjà
très mal en point.»
«Les travailleurs qui se retrouvent à la rue en ont assez des
discours creux, et réclament des engagements fermes et concrets de
la part des leaders politiques fédéraux», a déclaré Henri
Massé, président de la FTQ.
Saignée dans le secteur manufacturier
Rappelons que pour l’année 2005, on se félicitera d’avoir créé
51,400 emplois au Québec. Par contre, n’eut été la perte de 49,800
emplois, le bilan aurait été autrement positif! La majorité des
pertes d’emplois sont attribuables au secteur manufacturier.
Par exemple, en trois ans seulement, selon les prévisions de 2005
d’Emploi-Québec, certains secteurs auront accusé de fortes pertes
d’emploi:
5,200 dans le secteur de la foresterie et de l’exploitation
forestière
7,800 dans celui des produits du bois
6,700 dans l’industrie du meuble
15,900 dans celui des textiles et produits textiles, des vêtements
et des produits du cuir.
Emploi-Québec prévoit que la situation ne saurait s’améliorer dans
ces secteurs pour les trois prochaines années, les pertes d’emploi
poursuivant une courbe ascendante.
Prévoir des mesures dès aujourd’hui
S’il faut se réjouir de la création nette d’emplois, il faut aussi
se demander ce qu’il est advenu de ces milliers de travailleurs et
de travailleuses qui ont perdu leur emploi. Ont-ils été replacés?
Si oui, dans quelles conditions? Et si non, quelles sont les
perspectives qui les attendent? A-t-on prévu des programmes
adéquats pour cette main-d’oeuvre dont une grande partie appartient
aux plus de 55 ans? C’est pourquoi la FTQ demande aux leaders
politiques de s’engager à mettre en place des mesures obligeant les
entreprises qui ferment leurs portes pour déménager leur production
en Asie par exemple, de financer les comités de reclassement.
«Si les dirigeants politiques ne prévoient pas dès aujourd’hui
des programmes d’aide aux travailleurs âgés, des programmes de
formation, des comités de reclassement financés en bonne partie par
les entreprises, des mesures pour permettre le déplacement de la
main-d’oeuvre, et une véritable politique pour faire face aux
fermetures d’usines et d’entreprises, on se prépare des lendemains
pénibles en 2006 au chapitre de l’emploi. Aucune entreprise ne
devrait pouvoir fermer sans réparer les dégâts causés à la
main-d’oeuvre», a repris pour sa part le secrétaire général de
la FTQ, René Roy.
Autre source d’inquiétude: saura-t-on adopter des programmes
adéquats pour «retenir» une main-d’oeuvre vieillissante, dont
l’expérience et les compétences sont un atout majeur pour
l’économie du Québec?
Même dans le cas où une baisse des emplois est à prévoir, comme par
exemple dans le secteur de la foresterie et de l’exploitation
forestière, où
l’on a déjà perdu 2,500 emplois et ou l’on prévoit en perdre 2,500
autres en 2006, plusieurs postes seront à combler en raison de la
proportion élevée de travailleurs plus âgés.
Dans un secteur comme l’électricité, où des investissements
importants ont été annoncés, plus de la moitié de la main-d’oeuvre
avait plus de 45 ans
en 2004, qu’on devra remplacer d’ici les 10 prochaines années.
Qu’a-t-on fait et que fera-t-on des travailleuses et des
travailleurs licenciés?
«Nous n’avons cessé de marteler que le gouvernement doit être
plus incisif dans le dossier du bois d’oeuvre, qu’il doit se
prévaloir des mesures transitoires prévues à l’OMC sur la
protection des quotas dans le vêtement et le textile. Nos voisins
américains et les Européens l’ont déjà fait, qu’attendent donc nos
dirigeants fédéraux pour faire de même, ils ont le devoir de
protéger les emplois de ces pères et mères de famille.»
Dans les seuls secteurs du textile et des vêtements, où 55% de
l’emploi canadien se trouve au Québec, on retrouve une
main-d’oeuvre peu qualifiée et plus âgée que la moyenne. Or, ces
secteurs sont ceux qui ont connu le plus de difficultés au cours
des cinq dernières années: 25% de production et de main-d’oeuvre en
moins dans le textile, recul de 20% de la production et de 40% de
la main-d’oeuvre dans le vêtement.
«Ce sont là les secteurs qui auront le plus de difficultés dans
les 3 ou 4 prochaines années. Qu’a-t-on fait et que fera-t-on des
travailleurs et des
travailleuses licenciés?», a questionné le vice-président du
Syndicat des communications, de l’énergie et du papier pour le
Québec et vice-président de la FTQ, Clément l’Heureux.
Créer des emplois en nombre ne suffit pas. Il y faut la
qualité
On pourra se consoler en disant que le secteur des services a
grandement contribué à la création d’emplois. Emploi-Québec prévoit
d’ailleurs que
l’emploi y augmentera à un rythme cinq fois supérieur à celui
attendu dans la production de biens entre 2005 et 2009, de sorte
que près de 19 nouveaux emplois sur 20 proviendront des services.
Bien que ce secteur compte un certain nombre de services
professionnels, scientifiques et techniques, il comprend également
son lot de bas salariés
dans les secteurs du commerce en gros et au détail, de la culture
et des loisirs, de la finance et des assurances, de l’hébergement
et de la restauration, et des services de soutien.
«Ces enjeux de l’emploi et du développement économique devraient
figurer au centre des débats publics et faire l’objet d’engagements
sans équivoque
d’ici la fin de la campagne fédérale», a conclu le directeur
québécois du syndicat des Métallos et vice-président de la FTQ,
Michel Arsenault.