Lettre ouverte d’une jeune syndicaliste aux jeunes libéraux
18 août 2004
Isabelle Renaud est de la nouvelle génération
des syndicalistes. Au cours de la dernière année, avec d’autres,
elle a fondé le SÉTUE (Syndicat des Étudiants Employés de l’UQAM)
dont elle est maintenant la vice-présidente. Le syndicat compte
1300 membres et est affilié à l’Alliance de la fonction publique
(FTQ).
Dans une lettre ouverte, elle répond aux jeunes libéraux qui ont
récemment proposé d’abolir la formule Rand.
Abolir la formule Rand?
Depuis que les jeunes libéraux ont proposé l’abolition de la
formule Rand, un vent de tollés a soufflé sur le Québec. La plupart
des commentaires que j’ai entendus et lus affirmaient que les
jeunes ne comprenaient pas l’histoire de l’adoption de la formule
Rand. Bref, que nous sommes une génération mal informée et peu
soucieuse du monde syndical.
Assez! Je crois qu’il est temps de remettre les pendules à l’heure
et de cesser ces généralités qui ne font qu’attiser les conflits
intergénérationnels et les préjugés. Tout d’abord, je tiens à
préciser que les jeunes libéraux ne sont pas représentatifs de
l’ensemble de la jeunesse québécoise. Au contraire, je ne suis
certainement pas la seule persuadée du bien fondé de la formule
Rand car elle empêche la création d’une sous-catégorie d’employés
dans les entreprises. Les travailleurs protégés par le syndicat et
les autres. Nous serions bêtes de revendiquer la disparition d’une
mesure qui réduit l’exploitation.
À part installer les syndicats dans la
précarité, l’abolition de la formule Rand ne viendrait certainement
pas mettre davantage de démocratie dans les milieux de travail. Il
faudrait que certains fassent leurs devoirs avant de mettre sur la
table une telle proposition. J’aimerais beaucoup que l’aile
jeunesse du parti libéral m’explique en quoi cette abolition serait
profitable pour les jeunes?
Pour faire taire les mauvaises langues, sachez que les 18-35 ans
sont beaucoup plus intéressés qu’on le laisse croire par le monde
syndical et savent très bien qu’il est dans leur avantage d’occuper
un emploi syndiqué. Un travailleur syndiqué gagne en moyenne 4,34$
de plus qu’un travailleur non syndiqué selon les chiffres de
Statistique Canada en 2003. Cette donne n’est pas négligeable, mais
je vous dirais que notre intérêt pour le syndicalisme dépasse le
simple argument économique et découle du fait que cette forme
d’organisation permet l’émancipation des travailleurs. Nous n’avons
pas jeté du revers de la main le collectivisme au profit d’un
individualisme sans avenir. Malgré son omniprésence, les valeurs
néolibérales sont loin de faire l’unanimité. Contrairement aux
jeunes libéraux, l’abolition de l’ancienneté comme mode de gestion
par un critère de compétence me fait frémir. Même s’il reste encore
beaucoup de travail à accomplir, je crois que les jeunes sont de
plus en plus sensibilisés au fait que c’est ensemble que nous
pouvons changer les choses et faire un contre-poids solide au
patronat.
Je tiens aussi à mettre un terme à une rumeur qui voudrait que les
syndicats ne s’intéressent pas à la jeunesse québécoise. Pour
démentir cela, je dirais que mes amis et moi avons eu l’idée de
syndiquer notre milieu de travail cette année. Avec le support de
l’Alliance de la Fonction Publique Canadienne (AFPC) affiliée à la
FTQ, nous avons réussi à fonder, le 30 avril 2004, le SÉTUE
(Syndicat des Étudiants Employés) de l’UQAM. En syndiquant ces 1300
membres, l’AFPC a gagné son pari. Ce syndicat vient de donner à
tous ces jeunes étudiants employés universitaires l’occasion
d’occuper un emploi syndiqué. Lorsqu’elle sera sur le marché du
travail à temps plein, cette nouvelle main-d’uvre sera donc plus
susceptible d’initier une démarche syndicale. Les sceptiques n’ont
qu’à bien se tenir, il existe une nouvelle génération de
syndicalistes québécois et elle n’a pas dit son dernier mot!
Isabelle Renaud