Large consensus au Québec contre le saccage de l’assurance-emploi
27 avril 2013
Après des semaines de manifestations partout
au Québec des dizaines de milliers de personnes ont manifesté dans
les rues du centre-ville de Montréal. De nombreux membres du SCFP
étaient présents à l’occasion de cette manifestation qui marquait
aussi les célébrations de la Fête internationale des travailleuses
et des travailleurs du premier mai.
Initiée par les centrales syndicales québécoises et les deux
grandes organisations de défense des droits des chômeuses et des
chômeurs, la Coalition québécoise contre la réforme de
l’assurance-emploi a pris une ampleur rarement vue réunissant
maintenant un large éventail d’organisations syndicales, les
municipalités québécoises, les producteurs agricoles, les
organisations étudiantes ainsi que de nombreuses organisations
économiques, sociales communautaires et artistiques du Québec. Les
porte-parole de quatre de ces 24 organisations provinciales ont
tenu samedi midi un point de presse devant le complexe Guy-Favreau,
au nom de l’ensemble de la coalition.
Dur coup pour les régions
Le président de la Fédération québécoise des municipalités (FQM),
Bernard Généreux, tient à saluer la mobilisation massive observée
dans toutes les régions du Québec. «Agriculture, forêt, pêche, tourisme, la
réforme met en péril la structure même de l’économie de plusieurs
régions, particulièrement celles qui reposent sur la saisonnalité.
Une telle situation constitue une importante source d’inquiétude
dont nous nous devons absolument de témoigner. Le gouvernement
fédéral doit cesser de faire la sourde oreille face au
mécontentement qui gronde partout et revoir son approche afin de
reconnaître les particularités locales et régionales.» La
coalition demande la suspension immédiate de la réforme, la tenue
d’études d’impact sur les changements envisagés ainsi que des
consultations publiques. Pour la coalition, les nombreux cas de
dérapage, recensés récemment par les médias, auraient pu être
évités si on avait pris le temps de réfléchir aux bons moyens de
s’attaquer aux problèmes structurels qui sont à la source du
chômage.
Vaste
consensus
«Stephen Harper a longtemps
rejeté toutes nos critiques prétextant qu’elles relevaient d’une
prétendue campagne de désinformation menée par les syndicats et les
partis d’opposition. Or, on voit bien aujourd’hui que la
contestation est loin de venir uniquement des syndicats,
souligne la présidente de la Centrale des syndicats du Québec,
Louise Chabot. Regardez la
diversité de notre coalition; elle marquera l’histoire. À deux
reprises, les quatre partis politiques de l’Assemblée nationale ont
voté, à l’unanimité, contre cette réforme. Le gouvernement fédéral
ne peut ignorer un tel consensus.»
D’autre part, Louise Chabot, déplore le fait que cette réforme
accentuera encore plus l’insécurité économique pour les femmes.
«Les changements apportés
touchent particulièrement les travailleuses et les travailleurs à
statut précaire et à bas salaire. Et, comme on le sait, ce sont des
femmes qui occupent majoritairement ces types d’emploi. C’est donc
dire que le gouvernement Harper, avec sa réforme, consacre encore
plus les femmes dans des situations de précarité et de pauvreté, ce
qui est totalement inacceptable», dénonce la présidente de
la CSQ, Louise Chabot.
Victimes idéologiques
La croisade entreprise par le gouvernement contre les «mauvais chômeurs» a déjà des impacts
pour les sans-emploi, et le pire est à venir. Pierre Céré, du
Conseil national des chômeuses et des chômeurs, représente une
myriade d’organismes qui viennent en aide quotidiennement à des
personnes sans emploi.
«La réforme vise particulièrement
à punir les chômeurs dits fréquents qui sont à 80% des
travailleuses et des travailleurs des industries saisonnières,
comme si tous ces gens-là choisissaient de perdre leur emploi et de
vivre plus pauvrement. Ce faisant, en les obligeant, par exemple, à
accepter un emploi à 70% du salaire normal ou qui n’a rien à voir
avec leur formation, à une heure de route de leur domicile, ce sont
non seulement les salaires qu’on tire vers le bas mais des milliers
de personnes qui risquent de perdre leurs prestations à cause du
système «alerte-emploi» mis en place pour surveiller les
prestataires. De plus, avec l’abolition des projets pilotes la
réforme vient modifier le calcul et la durée des prestations pour
les régions à haut taux de chômage (six sur 12 dans le cas du
Québec), ce qui privera plusieurs personnes de revenus vitaux. Ce
sont ceux et celles qui sont au bas de l’échelle qui seront les
plus touchés.»
La procédure d’appel a également été modifiée en défaveur des
sans-emplois bien que travailleurs et employeurs étaient satisfaits
de l’ancien système. À cela, on ajoute une politique de quotas pour
couper des prestations, ce qui a déjà mené à plusieurs décisions
injustes et inéquitables. «Franchement, le gouvernement doit revoir sa
copie, d’autant plus que ce régime-là est financé exclusivement par
les cotisants: le gouvernement n’y verse pas un sou»,
rappelle-t-il.
Tous touchés
Le mouvement étudiant a également joint la mobilisation contre
cette réforme. L’Association pour une solidarité syndicale
étudiante est du nombre. «La
réforme de l’assurance-emploi qu’imposent les conservateurs
s’inscrit dans un train de mesures d’austérité que le gouvernement
canadien nous assène à l’instar de bien d’autres gouvernements dans
le monde. Ces politiques appauvrissent la population et nuisent au
progrès social», explique la porte-parole de l’ASSÉ,
Blandine Parchemal.
Rappelons qu’après avoir prôné les politiques d’austérité, l’OCDE
et le FMI, entre autres, admettent maintenant qu’elles aggravent la
crise. «Ce sont les citoyennes et
les citoyens qui en paient le prix, poursuit-elle.
L’assurance-emploi est un des
plus anciens programmes de redistribution de la richesse au pays,
que ce soit entre les individus ou entre les régions. C’est aussi
une protection nécessaire à toutes les travailleuses et à tous les
travailleurs contre les aléas d’une économie de marché sur laquelle
ils ont bien peu de contrôle. À ce titre, nous devons unir nos voix
pour protéger cet acquis social précieux.»
Suites
La Coalition québécoise contre la réforme de l’assurance-emploi
entend bien poursuivre la mobilisation contre le saccage de
l’assurance-emploi tant que ses revendications n’auront pas été
entendues. Les 24 organisations qui la composent plancheront dans
les prochaines semaines sur de nouveaux moyens à mettre en place
pour faire pression sur le gouvernement fédéral.
À propos de la coalition
La Coalition québécoise contre la réforme de l’assurance-emploi est
composée de la Fédération québécoise des municipalités (FQM), de
l’Union des municipalités du Québec (UMQ), de la Fédération des
commissions scolaires du Québec (FCSQ), de l’Union des producteurs
agricoles (UPA), de Solidarité rurale du Québec (SRQ), de la
Coalition de l’Est, de la Fédération des femmes du Québec (FFQ), de
la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)
dont est membre le SCFP, de la Confédération des syndicats
nationaux (CSN), de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), de
la Centrale des syndicats démocratiques (CSD), du Syndicat de la
fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ), de la
Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec – FIQ, du
Conseil provincial du Québec des métiers de la construction
(International) (CPQMC-I), de la Fédération autonome de
l’enseignement (FAE), de l’Alliance du personnel professionnel et
technique de la santé et des services sociaux (APTS), du Syndicat
de professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec
(SPGQ), l’Alliance québécoise des techniciens de l’image et du son
(AQTIS), de l’Union des artistes (UDA), de la Fédération étudiante
universitaire du Québec (FEUQ), de la Fédération étudiante
collégiale du Québec (FECQ), de l’Association pour une solidarité
syndicale étudiante (ASSÉ), du Mouvement autonome et solidaire des
sans-emploi (MASSE) et du Conseil national des chômeurs et
chômeuses (CNC). Ensemble, ces organisations regroupent plus de 1,3
million de travailleuses et de travailleurs, environ 250,000
étudiants, quelque 43,000 producteurs agricoles, plus de 1300
municipalités et MRC du Québec, des dizaines d’organisations de
développement économique et sociocommunautaires du territoire
québécois, telles que des centres locaux de développement (CLD) et
des chambres de commerce ainsi que la plupart des groupes de
défense des droits des chômeuses et des chômeurs.