Val-Jalbert… inacceptable!
9 février 2013
Les quatre directions des syndicats SCFP
dHydro-Québec unissent leur voix pour dénoncer le recours à la
petite production privée délectricité. Le texte dopinion qui suit
est signé par Réjean Porlier, président du Syndicat des
technologues dHydro-Québec (SCFP 957), Richard Perreault,
président du Syndicat des employé-e-s de métiers dHydro-Québec
(SCFP 1500), Ginette Paul, présidente du Syndicat des employé-e-s
de techniques professionnelles et de bureau dHydro-Québec (SCFP
2000) et Benoît Bouchard, président, du Syndicat des spécialistes
et professionnels dHydro-Québec (SCFP 4250).
Lorsque nous avons dénoncé le recours à la petite production privée
au Québec, d’abord parce que ça trahissait l’engagement de
l’élection référendaire de 1963 qui a mené à la nationalisation de
l’hydro-électricité, on nous a traités de corporatistes.
Nous dénoncions particulièrement le caractère
privé des projets, mais aussi le fait que les contrats étaient
secrets. Nous prétendions aussi qu’Hydro-Québec n’avait pas besoin
de cette énergie.
Comment pouvons-nous sérieusement parler de développement durable
lorsque pour 2, 5, 10, 16 ou même 40 mégawatts, on bétonne une
rivière, sachant que cela n’aura absolument aucun impact sur la
réalisation des grands projets qui suffisent à la demande?
Nous avons toujours dénoncé cette filière, qui, de notre avis,
servait davantage les intérêts politiques qu’énergétiques. Tout le
monde voulait son petit barrage dans sa cour et les politiciens
n’avaient qu’à passer la commande à la société d’État.
Les présidents d’Hydro-Québec ont toujours été formels à ce sujet:
«La commande est
politique», bien conscients que ces projets n’apportaient
aucune plus-value à la sécurité énergétique.
Des contrats garantis d’achat sur de très longues périodes, sans le
moindre risque… On peut comprendre la frénésie.
Les partis politiques se sont succédé et les partisans de cette
filière ont toujours refait surface, les premiers promettant devant
la controverse suscitée qu’il s’agissait de la dernière vague de
projets.
Val-Jalbert ne sera pas différent des autres. On promet encore une
fois que ce sera le dernier, mais détrompez-vous, il y en aura bien
d’autres. Imaginez, si c’est possible sur un site patrimonial
classé…
Lorsque nous avons mené la bataille pour la nationalisation de
l’énergie éolienne, on nous a aussi traités de corporatistes. Nous
dénoncions encore une fois le caractère privé des projets nous
distançant encore davantage des ambitions de René Lévesque, mais
nous en avions aussi contre un déploiement complètement anarchique
de la filière, contre des coûts de production élevés, en partie à
cause de la fragmentation des appels d’offres et du manque de
vision du gouvernement.
Loccasion était excellente dexiger que les turbines soient
construites au Québec plutôt qu’uniquement des pièces de structure,
ce qui aurait créé chez nous des emplois de bonne qualité.
Encore une fois, la petite politique a pris le dessus, chacun en
voulant dans sa cour avec espoir d’en retirer le magot, et le
gouvernement s’est prêté au jeu. Plusieurs ont été déçus et c’est
plutôt la controverse qui s’est installée à gauche et à droite, à
l’image des petites centrales privées.
Et voilà, le rideau est tombé: comme l’explique Pierre Couture dans
le Soleil du 15 janvier dernier («Les surplus d’Hydro-Québec vont coûter une
fortune»), la société d’État devra acheter de l’énergie dont
elle n’a pas besoin à un prix passablement plus élevé que celui
auquel elle peut la revendre, avec pour conséquence une perte
annuelle d’environ 500 millions de dollars. On parle d’une facture
qui pourrait atteindre 4,5 milliards d’ici 2020.
Depuis quelque temps, certains acteurs économiques s’appliquent à
dénoncer la prétendue inefficacité de notre société d’État. Le
dernier en liste, l’économiste Pierre Fortin dans un article de
L’Actualité daté du 15
décembre dernier intitulé «Legault a raison», reprend l’étude de
Claude Garcia qui compare les effectifs d’Hydro-Québec à ceux
d’autres entreprises d’électricité en Amérique du Nord.
Nous avons vu la réponse du PDG d’Hydro-Québec, Thierry Vandal, à
l’article de Pierre Fortin; il défait une à une les comparaisons
très hasardeuses de l’économiste.
Avec l’équipe du SCFP, nous avions précédemment décelé les erreurs
de méthodologie de M. Garcia, mais n’avions pas donné suite à ses
affirmations. Pourquoi? Pour ne pas donner inutilement de publicité
à un pseudo-économiste qui se démarque par son manque de rigueur et
d’objectivité, porte-parole du think tank de droite qu’est l’Institut
économique de Montréal et qui n’a qu’une seule obsession, la
privatisation d’Hydro-Québec.
Nous ne pouvons qu’être déçus de voir Pierre Fortin reprendre les
résultats de cette étude sans plus de rigueur et d’objectivité que
na démontrées M. Garcia. C’est d’ailleurs là que le bât blesse: où
était donc l’élite économique lorsqu’il était question de dénoncer
l’ingérence du gouvernement pour favoriser l’achat d’énergie dont
nous n’avions pas besoin, à gros prix et à long terme?
On n’a pas non plus entendu de grand tollé lorsque nous apprenions
qu’Hydro-Québec devait acheter l’énergie de Rio Tinto durant le
lock-out au Saguenay, ni à propos des versements à TransCanada
Energy, rémunérée pour ne pas faire fonctionner la centrale au gaz
de Bécancour.
Comment se fait-il qu’on n’entende pas des gens comme Pierre Fortin
dénoncer vertement le projet de mini-centrale de Val-Jalbert, qui
entraîne des coûts d’achat d’une énergie complètement inutile pour
Hydro-Québec qui s’additionneront aux 500 millions de dollars en
pure perte?
Nous nous inquiétons de ce manque d’objectivité d’une certaine
élite économique qui semble approuver les 2000 suppressions de
postes à la société dÉtat annoncées dans le budget Marceau, même
si celles-ci ne s’appuient sur rien d’autre que des prétentions
trop peu étayées. Cette même élite ferme les yeux sur les
aberrations qui mènent lentement à une privatisation discrète
dHydro-Québec.
Pas un mot non plus sur le fait que notre société d’État rapporte
plus dans les coffres de l’état que l’ensemble des 300,000
compagnies privées qui paient de l’impôt au Québec malgré des
tarifs parmi les plus bas en Amérique du Nord, malgré aussi qu’à la
demande du gouvernement, Hydro-Québec ampute ses profits pour
subventionner l’entreprise privée: quelque 3 milliards chaque année
uniquement pour les alumineries.
Il n’y a pas que les syndicats qui devraient s’inquiéter
présentement!