Des solutions existent aux déficits des caisses de retraite
13 novembre 2012
Larticle qui suit a dabord été publié dans
lAutJournal. Nous le
reproduisons avec laimable autorisation de lAutJournal
et de son auteure, Maude
Messier.
Une fenêtre politique souvre cet automne sur la question de la
bonification des régimes publics de retraite. Après avoir annoncé
la fermeture de la centrale nucléaire Gentilly-2, labolition de la
taxe santé, de même que la mise au rencart de lexploration et de
lexploitation des gaz de schiste, le gouvernement péquiste
profitera-t-il de loccasion pour bonifier le Régime des rentes du
Québec (RRQ)?
Les deux tiers des provinces représentant les deux tiers de la
population canadienne doivent sentendre pour que des modifications
soient apportées au Régime de pensions du Canada (RPC), le jumeau
fédéral du RRQ.
Précisons quune bonification du RPC est en quelque sorte un
prélude à lamélioration du RRQ, la loi fédérale stipulant que les
régimes doivent être équivalents.
Alors quune majorité de provinces se sont prononcées en faveur de
lamélioration du RPC à loccasion de la conférence annuelle des
ministres des Finances en décembre dernier, le Québec, ainsi que
lAlberta et la Saskatchewan, se sont prononcés contre.
Ironiquement, cest le poids du Québec qui a fait avorter le
projet, pourtant cher à lOntario.
Or, cette fois, il pourrait en être autrement puisque le
gouvernement péquiste sest prononcé, à la toute fin de la campagne
électorale, en faveur de lamélioration des régimes publics.
Certes, quand le moment sera venu de proposer lélargissement de la
couverture du RRQ, lassentiment de la majorité de lAssemblée
nationale sera nécessaire. Pour Michel Lizée, économiste du Service
aux collectivités de l’UQAM, même les libéraux seraient alors bien
mal venus de sopposer, dans les faits, à ce que le régime
québécois demeure équivalent au RPC.
Compte tenu que lamélioration des régimes
publics atténue le risque dappauvrissement des futurs retraités
ainsi que les coûts socio-économiques qui en découlent, ce seul
motif suffirait, selon léconomiste, à justifier la bonification
des régimes publics.
Mais il insiste sur le fait que cela permettrait aussi de diminuer
la proportion de la rente en provenance des régimes complémentaires
et donc, de diminuer le risque pour les employeurs. Les coûts des
déficits des caisses de retraite déjà accumulés demeurent bien
réels, mais la part des coûts liée au risque est radicalement
diminuée. Voilà qui pourrait «donner de loxygène» aux caisses de
retraite des municipalités dont, par exemple, les déficits font
tant jaser. «Ça règle carrément
le problème de moitié et ça positionne de façon radicalement
différente la question des déficits des régimes complémentaires
pour le futur.»
Léconomiste défait également en bloc largument selon lequel
laugmentation des taxes sur la masse salariale, ou cotisation de
lemployeur au régime public de retraite, ne serait pas bonne pour
lemploi. Il spécifie que la hausse des cotisations serait
coordonnée entre les provinces et lensemble des employeurs au
Canada, réfutant ainsi largument de la perte de compétitivité.
Par ailleurs, selon les données de la Régie des rentes, le taux de
cotisation des employeurs au régime public de pensions est plus
élevé aux États-Unis quau Canada, respectivement 6,2% et 4,95% de
la masse salariale en 2010.
Michel Lizée est catégorique, le régime public constitue de loin la
meilleure des options. «On peut
doubler la rente, et même plus encore, sans doubler la cotisation.
Aucun régime dépargne individuel ne peut offrir ça.»
La solution des libéraux: le Régime volontaire
dépargne-retraite
Les déficits des caisses de retraite des régimes privés défraient
les manchettes et sont pointés du doigt comme principaux
responsables des difficultés financières des municipalités et des
services publics. De plus en plus de travailleurs comptent
essentiellement sur les régimes publics pour subvenir à leurs
besoins au moment de la retraite, et ce, à travers le Canada.
Pourtant, le gouvernement fédéral offre pour seule réponse à cette
préoccupation la mise sur pied dun Régime volontaire
dépargne-retraite (RVER). Le Québec est par ailleurs la seule
province à avoir donné suite à cette «alternative».
«Il sagit de la pire des options
pour les travailleurs», sindigne Michel Lizée. Le RVER,
selon la proposition du gouvernement conservateur et du budget
Bachand, serait entièrement administré par les institutions
financières, une aberration considérant que les frais de gestion
des institutions bancaires au Canada sont les plus élevés des pays
de lOCDE.
«Par exemple, pour 100$
accumulés, 37$ resteront dans leurs poches à terme. Cherchez un
« racket » comme ça ailleurs!»
Même son de cloche du côté de la FTQ qui soppose à linstauration
du RVER comme solution à la retraite au détriment de lamélioration
des régimes publics. «Pour nous,
le RVER ne constitue pas une option valable pour solutionner les
problématiques liées à la retraite des travailleurs et des
travailleuses. Il sagit dune réponse libérale qui najoute rien à
ce qui existe déjà», explique Marie-Josée Naud, conseillère
au service de léducation à la FTQ et responsable du dossier
retraite.
Le RVER demeure un outil dépargne individuelle volontaire.
Lemployeur aura lobligation doffrir le régime à ses employés,
mais non pas dy contribuer.
Mme Naud précise que des régimes similaires ont effectivement été
mis en place ailleurs dans le monde, notamment en Nouvelle-Zélande
et au Royaume-Uni, avec des résultats intéressants. «Mais il y a des incitatifs. Lemployeur est
obligé de cotiser si lemployé cotise. Le RVER tel que pensé ici,
cest vraiment la pire des options pour les travailleurs et les
travailleuses. Sans compter que lemployeur a le choix de
linstitution financière avec laquelle il veut faire
affaire.»
Elle soutient que lamélioration des régimes publics permet de
contourner lépargne individuelle inefficiente où lensemble des
risques sont supportés par les participants. «Cest collectivement quil faut penser la
retraite au Québec. Le RVER, cest un cadeau aux institutions
financières.»
«Est-ce que le momentum politique est bon pour le PQ pour faire ça?
On verra.»
Si le Parti québécois sest dabord fait silencieux en campagne
électorale sur ses intentions, il sest finalement prononcé en
faveur dune bonification du RRQ dans une lettre envoyée à la FTQ
le 31 août dernier.
Le positionnement du PQ rassure la FTQ, mais tout ne sarrête pas
là. «Le plan daction est en
écriture en ce moment. On va rencontrer les ministres et les
personnes les plus influentes dans ce dossier. Cest lheure du
lobbying politique», affirme la conseillère syndicale.
Elle rappelle que la campagne de la FTQ, Une retraite à labri des soucis, en
branle depuis maintenant deux ans, est appuyée par plus de 90
partenaires en provenance de différents groupes de femmes, sociaux
et syndicaux notamment.
La FTQ réclame que le taux de couverture et de remplacement du RRQ
passe de 25% à 50% du revenu gagné et que le revenu annuel maximum
assurable passe de 50,100$ à 66,000$, soit léquivalent du RQAP et
de la CSST. Elle propose une capitalisation complète du régime et
un étalement sur 7 ans des hausses de cotisations.