Un avis juridique incite les provinces à freiner les pourparlers secrets
10 juillet 2012
Les premiers ministres du Canada ont reçu une
mise en garde contre un projet daccord commercial entre le Canada
et lUE qui limitera les pouvoirs des provinces et des territoires
et modifiera ainsi fondamentalement le paysage constitutionnel du
pays. Lavertissement a pris la forme dun nouvel avis juridique
qui prône la divulgation complète des détails de lentente avant sa
signature.
Inquiet du fait que lAccord économique et commercial global (AECG)
soit négocié derrière des portes closes, sans débat public sur ce
que le Canada est prêt à sacrifier, le Syndicat canadien de la
fonction publique a demandé à Steven Shrybman, avocat en droit
commercial, dexaminer les textes de négociation de lAECG ayant
fait lobjet de fuites.
Me Shrybman conclut que lAECG conférera aux
sociétés européennes de nouveaux droits, et ce aux dépens des
pouvoirs des provinces. Le SCFP a fait parvenir lavis aux premiers
ministres des provinces et des territoires avant la réunion du
Conseil de la Fédération qui se tiendra plus tard ce mois-ci.
«Nous avons envoyé cet avis aux
premiers ministres pour les sensibiliser aux dangers de laccord.
Dans les faits, les conservateurs fédéraux sont en train de
négocier une charte des droits des entreprises qui aura préséance
sur les pouvoirs des provinces en matière de ressources naturelles
et de services publics. Sil est signé, cet accord empiètera sur
les compétences provinciales prévues dans la Constitution.
Lentente ne peut plus être discutée en catimini», affirme
Paul Moist, président national du Syndicat canadien de la fonction
publique.
LAECG accordera aux entreprises européennes le droit de poursuivre
des gouvernements qui auront pris des décisions menaçant la
rentabilité de leurs investissements. Si lAECG est signé, les
investisseurs européens pourront contester des règlements et des
processus décisionnels publics devant des tribunaux secrets et
exiger des dommages-intérêts.
«Et il y a pire. En vertu des
dispositions de lALÉNA, les droits accordés aux entreprises et
investisseurs européens par lAECG le seront automatiquement aux
entreprises nord-américaines, avertit M. Moist. Une entente qui donne déjà trop de pouvoirs
aux entreprises prend encore plus dampleur. Les dommages-intérêts
accordés par un tribunal international aux sociétés Exxon Mobil et
Murphy Oil parce que le gouvernement de Terre-Neuve a exigé des
mesures de recherche et de développement avant de permettre laccès
aux ressources de la province nous donne un avant-goût de ce qui
nous attend si lAECG comprend un mécanisme de règlement des
différends investisseurs-États.»
LAECG vise des domaines de compétence provinciale qui nont jamais
fait partie daccords de commerce internationaux, notamment les
ressources naturelles, le traitement et la distribution de leau
potable et la santé. Les efforts déployés par les provinces pour
protéger leurs pouvoirs en matière détablissement de politiques et
de règlements par des exemptions ne sont pas tous égaux, loin de
là. Cette situation créera un ensemble disparate de secteurs
protégés de réglementation et de politiques gouvernementales, ce
qui fragmentera littéralement le paysage constitutionnel du Canada.
Le SCFP invite les leaders provinciaux et territoriaux à protéger
les services publics et les pouvoirs provinciaux en retirant leur
appui à lAECG jusquà ce que tous les détails en aient été
divulgués et discutés.
«Il est temps de faire une pause
dans les négociations de lAECG et de mettre fin au secret qui les
entoure. Nous devons tenir un débat ouvert et public sur le contenu
de lentente et sur les conséquences quelle aura pour tous les
Canadiens», conclut Paul Moist.