Michel Bibeault présente la vision du SCFP
21 mars 2011
Samedi dernier à Boucherville se tenait le
tout premier Sommet sur le milieu municipal organisé par l’Union
des municipalités du Québec (UMQ). Le directeur québécois du SCFP,
Michel Bibeault, avait été invité pour présenter la vision de notre
organisation sur la municipalité de demain.
Voici le message qu’il a livré aux participants et participantes de
cette importante rencontre.
Fortement implanté dans les
municipalités québécoises, présent dans plus de 255 villes et
villages, représentant 31 000 travailleurs et travailleuses de ce
secteur, le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) est un
acteur incontournable quand on souhaite réfléchir sur la
«municipalité de demain». Plus particulièrement lorsquon souhaite
mettre laccent sur la qualité des services publics.
La vision développée par le SCFP sarticule autour de deux axes. Le
premier consiste à définir le rôle des élus et des dirigeants des
villes. À nos yeux, son mandat est doffrir aux citoyens des
services publics de première ligne.
Le matin, quand une personne se lève, elle doit avoir de leau pour
sa douche et son café. Elle doit aussi pouvoir évacuer ses eaux
usées. Ensuite, quand elle prend la route, la chaussée doit être en
bon état, la neige ramassée. Pour un usager des transports en
commun, lautobus doit arriver à lheure au coin de la rue,
ensuite, il pourra aller emprunter des livres à la bibliothèque.
Pendant ce temps, on procédera à la cueillette de ses déchets et de
son recyclage. En soirée, elle ira patiner avec ses enfants, ou
lété, elle pourra se prélasser dans les parcs ou se baigner dans
les piscines municipales. Dans les grandes lignes, à part la
livraison de permis et la perception des taxes, voilà à quoi doit
ressembler la vie dune administration municipale.
Quel est
donc le rôle de lélu municipal dans tout cela? Simplement
sassurer que ça fonctionne, et que les services sont rendus de
façon efficace à bon prix. Comme dans toute entreprise, le patron
est lultime responsable et doit veiller à ce que ses employés
remplissent bien leur mission, pour le bien de lorganisation.
Comment faire? En prenant les décisions nécessaires pour que
lorganisation ait les capacités de remplir sa mission et
datteindre ses objectifs. En dautres mots, développer lexpertise
interne, les capacités intrinsèques de la municipalité à offrir,
par elle-même, les services auxquels sont en droit de sattendre
les citoyens et les citoyennes.
Dans le cas contraire, la municipalité abdique son rôle et ses
responsabilités. On voit alors apparaître des firmes privées, des
avocats externes, des consultants de toute sorte et sous-traitants
avides de contrats. Cette dérive, nous lavons observé à quelques
endroits au Québec. Une conclusion simpose : ce nest jamais bon.
Ni pour la ville, ni pour ses employés, ni pour les contribuables.
Les services sont moins bons, les coûts grimpent et la municipalité
devient dépendante de lexterne quand elle a complètement perdu
lexpertise quelle possédait auparavant.
Prenons un exemple du monde des affaires. Si une entreprise est
spécialisée dans la fabrication de portes et fenêtres, ce sont les
employés de cette compagnie qui vont produire ces portes et ces
fenêtres. Si elle sous-traite toute sa production elle perd sa
raison dêtre. Pour certaines pièces plus rares ou qui demandent
des techniques rarissimes, nous pouvons comprendre quil est plus
rationnel daller chercher une connaissance externe, mais sans
plus. Comme un dirigeant de société de transport nous la déjà
confié, sil nest pas capable de gérer ses circuits dautobus
autant se congédier!
Les cas exceptionnels qui justifient le recours à des compétences
externes arrivent aussi municipalités, on le comprend. Souvent,
pour les villes de taille plus réduites, on peut éviter le recours
au privé en créant une régie inter municipale qui permet
datteindre une masse critique appréciable et dinvestir pour
pouvoir livrer nous-mêmes les services aux citoyens. Ainsi, nous
sommes ouverts aux appels doffres regroupés par MRC. Cela est un
choix rationnel, bien plus que léparpillement de petits contrats
privés, souvent à des coûts exorbitants, comme nous lavons vu à
Mascouche entre autre, avec le déneigement des bornes-fontaines.
Cependant, les dérives des dernières années et le recours accru aux
contrats externes et aux sous-traitants ont laissé un goût amer,
souvent lié au scandale, dans la bouche des contribuables. Ces
scandales à répétition dans le monde municipal ont provoqué une
crise de confiance envers les décideurs et les élus. Et ce nest
pas bon pour nous. Ce nest pas bon pour personne. Ces scandales
éclaboussent les cols bleus et les cols blancs qui sont membres du
SCFP. Cest limage des administrations municipales qui en
souffrent. Et linverse est aussi vrai. Quand les médias dénichent
des invraisemblances dans lattitude ou la prestation de travail
dun employé municipal, cela vous éclabousse également. Nous avons
un commun intérêt à ce que les services publics soient de qualité,
que les processus soient démocratiques et transparents et que les
soupçons de conflits dintérêts soient évacués. Au SCFP, notre
message principal, et sur toutes les tribunes, est que les services
publics sont plus performants, moins coûteux, transparents et plus
justes socialement. Donc, nous voulons que cela fonctionne le mieux
possible. Sinon, on perd à la fois notre raison dêtre et nos
membres.
Notre deuxième axe de réflexion dans notre vision de la ville de
demain veut que les municipalités donnent lexemple dans le
traitement de ses employés. Quand on analyse lensemble du tissu
social et des milieux de travail, les services publics doivent nous
faire progresser collectivement, pas être des facteurs de reculs
sociaux. Le SCFP représente 70% des employés municipaux au Québec.
Plusieurs villes nous connaissant bien, ayant négociées avec nous
sur une base régulière. Nous uvrons afin que les salariés puissent
performer dans les meilleures conditions de travail possible. Et
vous le savez, des employés heureux dans leur emploi sont des gens
plus motivés et ainsi plus performants.
AU SCFP, nous souhaitons obtenir des conditions de travail
respectables et avantageuses, tout en étant compétitif dans le
marché. Et les faits nous démontrent que normalement nous le
sommes. Un exemple récent : la ville de Sherbrooke a procédé à une
étude objective des contrats accordés au privé pour la cueillette
des ordures et en est arrivé à la conclusion quil était plus
économique de rapatrier cette activité à linterne, avec les cols
bleus. Et pourtant, nous sommes en plein milieu dune négociation
particulièrement corsée pour le renouvellement de la convention
collective de ces travailleurs.
Cest le genre de partenariat que nous désirons afin que le lien de
confiance revienne parmi nos concitoyens et que nous puissions,
tous ensemble, redorer limage des élus et des employés municipaux.
Pour utiliser une analogie, dans un écosystème, nous pourrions être
en symbiose, cest-à-dire dans une association durable et
mutuellement profitable. Nous ne parviendrons jamais à nous
entendre sur tout, cest indéniable, mais nous pouvons, et nous
devons, travailler ensemble pour des services publics municipaux de
qualité, et ce, dans lintérêt de la population que nous
desservons.
Le SCFP est par conséquent toujours partant pour améliorer les
processus et les manières de faire. Pouvons-nous mieux organiser le
travail? Bien sûr! Pouvons-nous devenir encore plus performants?
Cest ce quil faut viser. Nous souhaitons que le citoyen en ait
pour son argent et quil soit fier de vivre dans sa ville.
Pour ce faire, rien ne vaut lexpertise des employés municipaux. La
multiplication des contrats a multiplié les doutes, les enquêtes,
les allégations, les fraudes mêmes, ou les retours dascenseurs.
Rien de cela nest bon pour le contribuable, et il le sait. Quand
le doute plane, que les accusations soient fondées ou non, cest
tout lappareil municipal qui sen ressent. Dautre part, quand
cest la municipalité qui offre le service au citoyen, cest un
véritable livre ouvert. Toutes les données sont disponibles, les
conventions collectives sont publiques, les registres de dépenses
accessibles. Ainsi, les allégations de collusions disparaissent, la
confiance se rétablit et nos concitoyens savent exactement comment
leur argent est dépensé et pourquoi.
En conclusion, le SCFP vous invite à travailler de concert avec les
syndicats des cols blancs et des cols bleus afin de renouveler
lexpertise municipale et ainsi offrir à la population les services
publics quelle mérite.