Pas d’économie à faire avec les partenariats public-privé
22 mars 2004
À la veille d’une conférence initiée par l’Institut pour le
partenariat public-privé (PPP) sur «le PPP et la santé», la FTQ et
ses principaux syndicats affiliés dans la santé, le Syndicat
canadien de la fonction publique (SCFP) et le Syndicat québécois
des employées et employés de service (SQEES-298) veulent remettre
les pendules à l’heure sur les soi-disant vertus de ces
partenariats, à la lumière d’expériences vécues ailleurs au Canada
et à l’étranger en matière de privatisations dans la santé.
Des partenariats qui n’ont de public que le nom et les
risques
«La FTQ prend très au sérieux le virage vers le privé que veut
amorcer le gouvernement Charest dans la santé. Et nous exprimons de
fortes inquiétudes non seulement pour nos quelque 40,000 membres
dans ce secteur, mais également pour la population qui, selon des
sondages que nous avons fait faire régulièrement ces dernières
années, est prête à assumer des hausses d’impôts pour bénéficier de
services publics de santé accessibles, gratuits et de qualité.
«Le plus navrant dans ce virage du gouvernement vers le privé en
santé, c’est qu’on ne semble pas vouloir tirer des leçons des
échecs lamentables vécus chez nos voisins canadiens, américains et
européens à ce chapitre.
«Essentiellement, les expériences étrangères ont prouvé que ces
fameux partenariats public-privés n’ont de public que le nom et les
risques. En effet, le public assume les risques et les pertes et le
privé engrange les profits », a déclaré René Roy, secrétaire
général de la FTQ.
L’utilisation des PPP coûte plus cher
«Le Québec avait été relativement épargné jusqu’à présent par la
mode commerciale des PPP dans la santé, déjà très présente en
Ontario et en Colombie-Britannique. Il semble toutefois que le
gouvernement Charest veuille partir sur les chapeaux de roue dans
cette voie, sans tenir compte de l’expérience des quelque 15
projets d’hôpitaux PPP réalisés ou en voie de l’être partout au
Canada.
«Alors que la présidente du Conseil du trésor, Monique
Jérôme-Forget, nous parle de transparence et d’imputabilité du
secteur privé dans de tels projets, il nous a été très difficile
d’avoir accès aux données essentielles à nos études de ces projets
sous prétexte que certains aspects des activités commerciales des
sociétés doivent demeurer confidentiels», a indiqué Claude
Généreux.
«Mais ce que nous en savons confirme un «pattern» :
l’utilisation des PPP coûte plus cher en raison du coût plus élevé
des emprunts par le secteur privé (en comparaison des taux que peut
avoir le gouvernement), elle permet au gouvernement de ne pas
imputer à son service de la dette ces montants (sous prétexte que
ce sont des baux), même si c’est le contribuable en bout de ligne
qui en assumera les coûts.
Des contrats à long terme coûteux et à la merci des accords
multilatéraux
«Les contrats de cession-bail des infrastructures s’étendent sur
des périodes pouvant aller de 25 à 60 ans. Au seul Edinburgh Royal
infirmary, au Royaume-Uni, les PPP ont entraîné une diminution des
lits de 30% et une réduction du personnel de 25% – et le contrat de
location de 30 ans a coûté à la population 4 milliards de dollars
de plus que si la propriété de l’hôpital avait été publique», a
expliqué le secrétaire trésorier national du SCFP.
«Mais plus grave encore, si nous avons réussi à ce jour à
protéger par des réserves spéciales nos services publics de santé
de l’application des accords multilatéraux sur le commerce, qu’en
sera-t-il lorsque ces activités seront privatisées et
commercialisées?», a questionné Claude Généreux.
Plus de 45 millions d’Américains sans assurance-santé
«Nous vivons déjà avec un système de santé à deux vitesses aux
États-Unis où plus de 45 millions de personnes ne disposent pas des
protections d’assurance-santé. Le coût des soins et des médicaments
connaissent des hausses vertigineuses et de plus en plus
d’employeurs font de leur désengagement de l’obligation de fournir
l’assurance-santé un enjeu central des négociations
collectives», a soumis pour sa part Gina Glantz de SEIU.
«La plupart des Américains envient les systèmes de santé
canadien et québécois mais nous voyons bien que nombre de
multinationales de services de santé implantées chez nous regardent
du côté nord de la frontière à la recherche de lucratifs contrats.
«Protégez l’universalité et l’accessibilité de votre système de
santé tant que vous le pourrez parce qu’une fois que les tentacules
de l’entreprise privée s’y seront installées, il sera très
difficile de revenir en arrière», a repris Gina Glantz.
L’enjeu de l’accessibilité des soins, un enjeu national aux
États-Unis
«Et quand les méga-entreprises hospitalières privées prennent
les choses en main, on assiste trop souvent à des facturations
excessives quand elles ne sont pas carrément fausses. On assiste à
des abus et des scandales de toutes sortes. Et le plus grand de ces
scandales, s’il n’en tient qu’à moi, ce sont les taux de mortalité
des patients qui sont plus élevés de 2% dans les hôpitaux à but
lucratif, sans compter les chirurgies inutiles.
«Pour notre syndicat, l’enjeu de l’accessibilité des soins de santé
est majeur. Des dizaines de milliers de nos membres vont militer,
dans les mois qui viennent d’ici l’élection présidentielle, pour
que chaque candidat se commette. Il s’agit d’un enjeu
national», a rappelé Gina Glantz en référence à la campagne
Americans for Health Care dirigée par son organisation.
Une dette parallèle cachée
«Le gouvernement tient un discours de plus en plus alarmiste sur
la dette publique à l’approche du prochain budget Séguin. Nous ne
pouvons qu’être d’accord avec la nécessité de ne pas transmettre
aux générations futures un fardeau inacceptable.
«Mais nous n’accepterons pas que sous couvert de partenariats
public-privé, il crée une dette parallèle cachée, financière et
sociale, qui n’apparaîtra pas dans les livres, mais qui sera autant
sinon plus intolérable», a conclu le secrétaire général de la
FTQ, René Roy.