Non à l’abolition de la Commission de l’équité salariale!
19 octobre 2010
En tant qu’intervenantes privilégiées en
matière d’équité salariale, nous tenons à unir nos voix pour
dénoncer l’abolition de la Commission de l’équité salariale (CES)
présentée à tort, dans le budget Bachand, comme une mesure
d’économie et d’allègement des structures en contexte d’austérité
budgétaire. Contre toute logique, à l’approche de la date butoir du
31 décembre prochain, alors que près de 50% des entreprises du
Québec n’ont pas encore réalisé l’équité salariale, le gouvernement
libéral s’apprête à déposer un projet de loi qui mettra fin à la
Commission responsable d’en surveiller l’implantation et le
maintien. Incohérence qui soulève notre indignation, d’autant plus
que le premier ministre Charest lui-même, il y a à peine un an,
vantait les mérites de la Commission, allant jusqu’à augmenter
substantiellement son budget et son personnel afin qu’elle soit
encore mieux outillée pour poursuivre son travail auprès des
entreprises du Québec assujetties à la loi. C’était au moment des
modifications à la Loi sur l’équité salariale, en mai 2009.
L’abolition de la CES et le transfert éventuel
des responsabilités qu’elle porte vers un ou des organismes
gouvernementaux remettraient en cause l’autonomie et l’indépendance
nécessaires à la réalisation de l’équité salariale dans les
différents milieux de travail au Québec. Les conséquences
qu’entraînerait un tel transfert nous font vivement réagir! Comment
préserver la perspective globale et collective ainsi que le
caractère proactif de la Loi sur l’équité salariale alors que les
autres organismes gouvernementaux travaillent selon un cadre
différent et qu’ils sont généralement saisis de plaintes
individuelles? Comment garantir cette autonomie et cette
indépendance à laquelle nous tenons tant? Comment un autre
organisme pourrait-il porter cet important mandat et soutenir les
entreprises et les salariées qui travaillent à l’élimination à la
source de la discrimination salariale faite aux femmes? Pourquoi
mettre à mal une expertise spécifique et irremplaçable?
Cette expertise unique doit être préservée et des ressources
financières et humaines doivent y être spécialement dédiées. Il est
pour nous hors de question de scinder les différents champs
d’intervention de la CES, soit d’une part le volet soutien et
formation et d’autre part le volet décisionnel! L’assistance de la
CES dans ces différents champs est primordiale, entre autres, dans
les milieux de travail non-syndiqués. Tout transfert mettrait en
péril ce savoir-faire indispensable à un moment critique alors que
le 31 décembre 2010 constitue la date limite pour la majorité des
employeurs québécois dans la réalisation de l’équité salariale.
Cette même date est également la première échéance pour les
entreprises qui l’ont réalisée mais qui n’ont pas débuté, pour la
plupart, l’évaluation de son maintien.
Autre défi de taille, les entreprises qui, au fil du temps, sont
passées à plus de 10 personnes salariées sont maintenant
assujetties à l’application de la loi. Ces entreprises auront
besoin de l’expertise de la CES pour mener à bien la réalisation de
l’équité salariale. Ce défi supplémentaire s’échelonnera, au mieux,
sur les 5 prochaines années. Comment pourra-t-on s’assurer que la
formation et l’information actuellement prises en charge par la CES
seront toujours à l’ordre du jour?
Cette échéance du 31 décembre 2010 résonne… Elle sera aussi très
importante du point de vue du traitement des plaintes. La
Commission a développé un mode d’enquête spécifique basé sur une
analyse de la discrimination systémique en cas de plaintes et un
système de médiation qui lui est propre. Au moment où de nombreux
acteurs du monde du travail tentent de régler les problèmes
autrement que par la voie juridique, le gouvernement remet en cause
l’existence de la CES qui constitue un cas exemplaire de résolution
de problèmes sans recours automatique aux tribunaux administratifs
ou de droit commun. Cette approche propre aux dossiers portés par
les femmes doit être maintenue.
L’équité salariale est un droit fondamental des femmes consacré
dans la Charte des droits et libertés. Restreindre son application
aura pour effet de perpétuer l’inégalité économique, voire la
pauvreté, d’un grand nombre de femmes et aura un coût social
important. Il n’y a donc pas de compromis possible. Nous réclamons
le maintien de la Commission de l’équité salariale dans son
intégrité.
La Coalition en faveur de l’équité salariale signe cette lettre :
Action travail des femmes
Au bas de l’échelle (ABE)
Alliance de personnel professionnel et technique de la santé et des
services sociaux (APTS)
Conseil d’intervention pour l’accès des femmes au travail (CIAFT)
Centrale des syndicats démocratiques (CSD)
Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
Confédération des syndicats nationaux (CSN)
Fédération des femmes du Québec (FFQ)
Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)
Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ)
L’R des Centres de femmes
Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP)
Syndicats des employées et employés de l’UQAM (SEUQAM)
Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du
Québec (SPGQ)
Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ)
Marie-Josée Legault, professeure titulaire TÉLUQ-UQAM
Marie-Thérèse Chicha, professeure titulaire, Université de Montréal
Hélène Lee-Gosselin, professeure titulaire, Université Laval
Esther Déom, professeure titulaire, Université Laval
Rosette Côté, consultante et ex-présidente de la CES