La Régie qui refusait d’enquêter annonce maintenant qu’elle tiendra une audience
27 février 2008
Nouveau rebondissement dans la controverse
entourant les salons de poker dans les casinos du Québec. Alors
quil y a à peine deux semaines, la Régie refusait de tenir une
enquête sur cette question, voilà quelle se ravise. Elle annonce
maintenant quelle entendra les plaintes des croupiers lors dune
audience publique le 7 mars prochain.
Rappelons que, devant linertie de la Régie dans ce dossier, les
croupiers avaient présenté une requête en mandamus à la Cour
supérieure. Cette requête à la Cour devait être entendue jeudi (28
février) par le tribunal. Elle visait à «ordonner à la Régie de convoquer les
croupiers pour quils puissent se faire entendre, et à la Régie, de
statuer sur les plaintes et la demande dordonnance de sauvegarde
déjà déposées.» Lannonce surprise de la tenue dune
audience par la Régie survient dans ce contexte.
Le porte-parole des croupiers, Jean-Pierre
Proulx, est heureux de ce revirement. «Nous ne pouvons que nous réjouir de cette
annonce. Nous avons demandé à être entendus sur la légalité des
salons de poker et nous le serons. Cest la moindre des
choses.»
Soulignons que les audiences devant la Régie sont publiques. Dans
le dossier des croupiers, elle se tiendra dans les locaux de la
Régie, 1 rue Notre-Dame Est, Montréal, à la salle 9.102, le
vendredi 7 mars.
Rappel des faits
Le 7 décembre 2007, les
trois syndicats FTQ représentant les quelque 1450 croupiers des
casinos de Montréal, du Lac-Leamy et de Charlevoix déposent une
plainte à la Régie sur la légalité des appareils que la Société des
casinos veut implanter. À ce moment-là, les croupiers savent déjà
que la Société envisage louverture des salons de poker pour le 18
janvier.
La plainte déposée vise les «appareils de type Texas HoldEM fabriqués
par la compagnie Poker Tek». Pour les syndicats,
lintroduction de ces tables électroniques est «totalement illégale et va à lencontre, non
seulement du Règlement sur les jeux de casino (c.S-13.1,
r.1.01), mais également à
lencontre du projet damendement de ce règlement qui fut publié
dans la Gazette officielle du Québec». On estime que, pour
quun salon de poker soit conforme à la loi, entre autres choses,
les cartes doivent être distribuées par une personne. Au Québec,
lutilisation de machines à sous est encadrée légalement. Dans ce
cas, le résultat dun jeu sur une machine à sous doit reposer sur
le hasard, même lorsque le joueur peut faire des choix, ce qui
nest pas le cas avec les tables électroniques de poker. Il y a
donc une importante distinction à faire entre machine à sous et une
table de poker électronique.
Le 3 janvier 2008, les
avocats des croupiers font une seconde intervention auprès de la
Régie.
Dès le 10 janvier, les
croupiers décident de dénoncer la situation sur la place publique
et dans les médias. Le même jour, sur les ondes dun poste de radio
de Gatineau, Réjean Thériault, un porte-parole de la Régie,
confirme les interventions de croupiers auprès de son organisme et
commente sur la légalité ou non des salons de poker. Il déclare
que, «si jamais elles [les
machines] étaient utilisées, à ce moment-là, la plainte des
croupiers, peu importe doù elle vient, on va effectivement
enquêter si la machine est légale ou pas».
Le 14 janvier, devant
linaction de la Régie et limminence de louverture des salons de
poker, les procureurs des croupiers déposent une requête à la Régie
pour en empêcher louverture dans les trois casinos. La requête
sapparente à une procédure dinjonction. La Régie reste muette.
Le 17 janvier, dans un
communiqué de presse, la Société des casinos annonce que les trois
casinos offriront aux amateurs de poker «des machines à sous de poker Texas
Hold’em». Jusque-là personne, ni même la Société, navait
pensé désigner les tables de poker électronique comme des machines
à sous
On saperçoit alors que la Société a fait disparaître de son site
Internet toutes les références aux «salons de poker» (qui nécessitent la
présence des croupiers alors que ce nest pas le cas des machines à
sous). Radio-Canada en fera dailleurs un excellent résumé dans sa
section Nouvelles-Web (
www.radio-canada.ca/nouvelles/surLeWeb/2008/01/17/index.shtml ). On
y apprend, entre autres, que la page du site de la Société des
casinos faisait toujours référence aux salons de poker le 15
janvier. Ces mentions ont donc été effacées entre le 15 et le 17,
moment où les tables électroniques de poker deviennent soudainement
des «machines à sous de
poker».
Pour le porte-parole des croupiers, Jean-Pierre Proulx, louverture
de salons de poker avec les machines électroniques Texas HoldEM
est non seulement illégale mais contraire au mandat de la Société
des casinos, ce qui nest pas sans conséquence pour une région
comme Charlevoix durement affectée par les pertes demploi.
Sur son site Internet, la Société des casinos rappelle ainsi le
mandat quelle a reçu du gouvernement : «La Société des casinos du Québec a pour
mandat de procéder à limplantation de casinos au Québec et den
assurer la gestion. Les objectifs poursuivis par le gouvernement
sont principalement de créer des emplois, de doter le Québec
déquipements touristiques supplémentaires de classe
internationale, de générer une source additionnelle de revenus pour
l’État et, enfin, de récupérer des sommes importantes jouées par
les Québécois dans les casinos à létranger.»
En ouvrant ses salons de poker, les casinos tentent de créer une
situation de fait accompli. La Régie, dont un porte-parole avait
annoncé la tenue dune enquête, ne fait toujours rien. Aucune
réponse, aucune communication avec les procureurs des croupiers.
Les 24 et 25 janvier,
devant ce fait accompli et labsence de réponse de la Régie, les
avocats des croupiers font signifier une Requête introductive
d’instance en Mandamus à la Régie ainsi quaux casinos de Montréal,
du Lac-Leamy et de Charlevoix. Présentée en Cour supérieure, la
requête demande dordonner à la Régie de convoquer les croupiers
pour quils puissent se faire entendre, et à la Régie, de statuer
sur les plaintes et la demande dordonnance de sauvegarde déjà
déposées.
Le 4 février, pour une
première fois la Régie répond par écrit aux trois syndicats.
Toutefois, contrairement aux déclarations faites par son
porte-parole aux médias le 10 janvier, la Régie répond
laconiquement quelle «nentend
pas conduire une enquête en vertu de larticle 71 de la Loi sur les
loteries, les concours publicitaires et les appareils
damusement». La Régie reste toutefois muette sur les
plaintes déposées en vertu des articles 28 et 34 de la Loi sur la Régie des alcools, des courses et
des jeux.
Le 11 février, les
procureurs syndicaux demandent par écrit à la Régie de se prononcer
sur les plaintes portées par les croupiers en vertu de la
Loi sur la Régie des alcools, des
courses et des jeux.
Le 22 février, malgré son
refus du 4 février, la Régie écrit au procureur des syndicats pour
les convoquer à une audience à se ternir le 7 mars.
Les croupiers
Rappelons que les syndicats des croupiers SCFP et TUAC affiliés à
la FTQ, représentent quelque 1450 croupiers et que 550 autres
employés des casinos de Montréal, du Lac-Leamy et de Charlevoix
sont aussi membres de la FTQ.